Hag présente :




Et voila que commence la grande épopée de Menmost et de ses compagnons.

Les Chroniques d'Elkmär


I : Menmost



I) Elkmär

    Parmi l'infinité des sphères célestes se trouvait un monde que les Dieux n'avaient pas quittés. Ce n'était sûrement pas le seul, ni le plus grand, ni le plus juste. Mais en ce lieu se trouvait Elkmär, gigantesques continents parcourus par la magie. Il y avait en ces temps-là de grandes forêts vivants au pied des montagnes titanesques, striées par les innombrables fleuves. Il y avait de d'énormes créatures de lumière et d'ombres mêlées, se terrant loin des regards. Il y avait des esprits nés des arbres qui marchait sous les branchages entremêlés de leurs géniteurs. Il y avait des rivières de feu, coulants parfois en cascades de clarté. Il y avait des choses innombrables et invisibles, se réunissant dans les ténèbres, il y avait des monstres magnifiques à la peau de métal qui vivaient isolés le long des lacs des sommets. Il y avait au fond de grottes aussi vieilles que le monde des gisements de métaux inconnus, plus beau que l'or et plus solide que l'acier, exploités par des êtres aux peaux qui luisaient doucement dans la pénombre. Il y avait des dragons, maîtres des cieux invulnérables et gigantesques, admirés et craints par les elfes, les nains et les humains, races qui s'étaient répandues sur la surface de ces terres et qui, maîtres de leur propre destin, prospéraient alors au milieu de ce gigantesque bordel. C'était alors l'age Temnien. C'était un age de Dieux, de magie, et de héros.



II) Où l'on fait connaissance avec Menmost

    Il grandit dans un village aux environs de Drenadt, une agglomération d'une certaine taille. Il avait passé une enfance agréable autant qu'ennuyeuse, occupé par des jeux innocents ou presque avec d'autres gniards, et aidant parfois ses parents, modestes forgerons, à divers travaux d'une teneur intellectuelle discutable, mais assurément constructifs.

    Lorsque vint sa majorité (à vingt ans) et en manque cruel d'aventure, il décida de s'engager dans l'armée, espérant devenir un héros, voir du pays, et tout le bazar. L'armée en question était celle du Drenasde, et dont les généraux avaient la riante idée d'aller envahir un royaume voisin, le Vosten, qui, coïncidence, leur avait été décrit comme grand, riche, et mal défendu. Et c'était donc joyeusement que la belle armée s'était mise en marche vers la gloire, la fortune, le pillage, le meurtre et le viol. Comme on se l'imagine, le moral était au beau fixe, tous les éléments semblaient réunis pour passer un bon moment, les soldats, dans leurs jolies armures plus d'apparat que d'autre chose, riaient, plaisantaient gaiement, et s'amusait avec qui leurs épées, qui leurs lances. Oui, ça semblait vraiment bien partit.
    Les premiers combats furent rondement négociés, la bonne dizaine de milliers de Drenasdiens parvinrent sans trop de pertes à éliminer les quelques milices et patrouilles municipales qu'ils rencontrèrent. Les fermes furent stratégiquement pillés, les villes tactiquement incendiées, et les fermières (ainsi que certains fermiers et moutons) furent elles aussi "rondement négociées", comme les soldats hilares racontaient le soir autour des feux de camps, bière Voste à la main, et la tête pleine de rêves, pour la majorité éthyliques, basés sur le malheur d'autrui, ou plus simplement non racontables dans un récit dont ce n'est pas la vocation (1). Tout ce passait donc pour le mieux, et un matin, la troisième semaine, les généraux annoncèrent que ça y est, l'armée du Vosten était en vue, et donc que la vrai guerre commençait, que ça allait saigner, que ce jour allait être inscrit dans l'histoire, qu'ils allait gagner, que la justice allait triompher, etc etc. Dans l'autre camp on racontait globalement la même chose, sauf qu'on en rajoutait moins pour motiver les soldats, puisque les Vostes étaient facilement quatre fois plus nombreux, mieux équipés, mieux entraînés, et dans une forme olympique, eux n'avaient pas passés la dernières semaines à faire ripaille.
    Les généraux Drenasdiens se demandèrent comment une telle armée avait pu échapper à leurs vaillants éclaireurs. La réponse était simple, les vaillants éclaireurs travaillaient en majorités pour les Vostes, lesquels leur versaient une généreuse pension (ainsi que l'hébergement pour eux et leur famille, ils savaient bien ce qu'ils leur arriverait une fois cette magnifique trahison mise au jour). Et donc les soldats Drenasdiens allèrent au devant de leur destin.
    Ce fut en vérité un carnage sans nom.
    Le sort fait par Drenasde à leurs belles cités n'inspirèrent guère la clémence aux attaqués, qui plus est désireux de faire un exemple. On pourrait donc sans trop mentir raconter que les attaquants furent promptement exterminés, dans ce qui fut plus tard appelés la bataille de la Plezeva, du nom de la rivière paresseuse qui délimitait l'un des bords de la plaine fraîchement repeinte.
    Menmost avait participé à la bataille, et y était mort, du moins officiellement. Il avait en fait eu une réaction particulièrement sensée au début du combat. Il avait profité du fait d'être sur un des flanc de l'armée pour profiter de la confusion ambiante pour s'enfuir dans la forêt qui bordait ce côté du champs de bataille. Sans chercher à profiter (2) du spectacle, il s'était enfoncé dans la végétation le plus loin possible, et passa le restant de la journée à marcher le plus loin possible, et passant la nuit sur ses garde, sous les branches, se félicitant d'être resté en vie, et se disant intérieurement que venu pour l'aventure, maintenant, isolé en territoire inconnu et globalement hostile, eh bien il allait en avoir à un niveau qu'ils n'aurait jamais osé en espérer.



III) Où l'on est perdu en pays hostile, et où l'on rencontre un mystérieux inconnu


    Après être sorti de la forêt, il avait rencontré une route du royaume, qu'il avait suivi plusieurs jours vers l'est, vers le Drenasde. Il avait traversé plusieurs village, mais était passé inaperçu, car les Vostes et les Drenasdiens étaient d'origine commune et partageaient un même physique, une même langue et la même monnaie. Notre héros se fondaient donc dans le flux des marchands et des étrangers, l'argent amassé depuis le début de la guerre subvenant encore à ses maigres dépenses. Il trouvait généralement de quoi manger (les champs étaient plein de maïs), et si il ne pouvait dormir à la belle étoile, ils s'offrait une chambre d'auberge, et parfois la fille proposée avec. Il vit donc du pays, et apprit pas mal de choses qui étaient parfois intéressantes.
    Hesffat était un gros village sans grosse importance. Il partageait avec le reste de la région une architecture commune et qui, à défaut d'être exceptionnelle, laissait à penser que ce territoire ne s'était fait intégré que tardivement par les Vostes, assez expansionnistes il faut l'avouer. Il y avait donc une place centrale, d'où partait une multitude de rues tortueuses et même assez vicieuses, qui tournaient et se recoupaient, faisant de ville un cauchemar d'urbaniste. Les maisons étaient hautes et peintes, dans des tons foncés mais point trop sinistres, et les ruelles étaient souvent plongées en toute heure dans leur ombre. Les commerces se trouvaient en majorité autour de la vaste place, et proposaient la foule de services habituels, tandis que les tavernes se trouvaient plus profondément enfouies dans la pénombre de la ville. Hesffat avait une unique église, de dimensions modestes, qui, chose exceptionnelle, ne se trouvait pas sur la place mais au fond de la ville, en haut d'une butte assez haute pour qu'on puisse la voir de loin. On y priait les quelques dieux locaux, sans trop de zèle, la région n'était pas connue pour son fanatisme religieux. La ville était coupée en deux par la Grande Route de la région, qui passait à proximité de la place, et permettait un commerce aisé.
    Le sort avait amené Menmost à passer en cette ville. Le sort, ou plutôt le froid, car les nuits étaient plutôt fraîches (le Vosten et de Dresnade étant loin des tropiques), et la température avait décidé de descendre un bon coup. Si on ajoute qu'il avait été ralenti par un problème trivial, mais néanmoins gênant (3), il se trouvait encore sur la route lorsque le soir tomba. Ne souhaitant pas passer la nuit dehors, il s'était dépêché de trouver un lieu chaud où dormir. La ville était apparue avec ses milliers de lumières perçant la pénombre; il s'y était hâté. Ils nota avec joie que les portes restaient ouverte la nuit, mais surveillées par un certains nombre de miliciens apte à décourager les bandits trop ambitieux. Ils paya son entrée, et apprit qu'il était possible de dormirent a l'église, où des chambres et un repas étaient gracieusement mise à la disposition des voyageurs. Il s'y dirigea donc, et fut accueilli assez froidement par un moine qui voyait mal l'arrivée aussi tardive d'un homme, armé qui plus est. Mais il ne s'opposa pas à son entrée, et après lui avoir remis son équipement, comme le voulait le règlement, il subit la nourriture et la boisson, qui lui fit regretter de ne pas être allé à l'auberge, mais bon, à ce prix là, c'était dur de trouver mieux. Le Père supérieur passait par là et lui fit l'honneur de sa conversation.
    "Alors mon ami, le repas est-il à votre goût ?
    - Euh certes mon Père. Dites-moi, c'est un fort bon usage que d'accueillir à toute heure les voyageurs sans le sou, détourna la conversation Menmost, qui ne tenait pas à discuter de la chose peu identifiable qu'il venait d'avaler.
    - C'est en vérité une bien ancienne coutume de ce lieu qui se voulait à l'origine un refuge pour aventuriers.
    - Plus maintenant ?
    - Si, c'est toujours un refuge... Mais les aventuriers se font rares... Autrefois ils passaient par compagnies entières, mais désormais, nombreuses sont les journées qui passent sans qu'un seul ne passe... Vous mangerez seul ce soir je le crains."
    La chambre qui lui fut attribué était une petite pièce sombre, sentant le moisi et dont le seul lien vers l'extérieur était un modeste soupirail. Elle était remplie de quatre lits superposés, mais tous étaient vides. Fatigue aidant, il s'endormit vite, malgré son lit dont le confort semblait vouloir absolument le maintenir éveillé toute la nuit. Il se réveilla globalement en forme mais avec un mal de dos épique, apparemment assez tard compte tenu de la hauteur du soleil qui perçait par l'étroite fenêtre de la chambre. Il se prépara rapidement, vérifia qu'on ne lui avait rien volé et qu'il avait toujours tous ses membres (il s'étira quoi). Avant de sortir, il remarqua qu'une autre personne dormait sur un autre des lits. Elle avait due arriver pendant la nuit. Menmost pris son sac et son épée et se traîna vers le réfectoire, où il constata que quelques religieux prenait leur repas de midi. Ils ne firent aucun commentaire sur le lève-tard, et eu le droit comme les autres à sa ration de ce qu'il faut bien appeler repas, puisque malgré son aspect il servait bien à remplir ce rôle et semblait comestible.
    Tandis qu'il ingérait sa mangeaille, Menmost eu la surprise de voir venir l'autre dormeur s'attabler à son côté. C'était un homme de taille moyenne, vêtu d'une robe ample qui dissimulait toute information sur sa corpulence. Il était d'une taille moyenne, d'un age indistinct, avec des cheveux gris pas assez long pour l'être, long, mais pas vraiment très courts non plus, et arborait un collier de barbe. Il devait avoir entre vingt-cinq et quarante-cinq ans, difficile d'être plus précis sans pouvoir se tromper. Il ressemblait étrangement au type dont on ne connaît rien et qui cherche à dissimuler toute information sur lui. Il mangèrent quelques temps en silence, tandis que les religieux se retiraient. Il remarqua que son voisin transportait lui aussi un gros sac, et surtout ce qui semblait être une épée. Lorsqu'ils furent seuls, l'inconnu prit la parole.
    "Dis moi l'ami, tu n'es pas Voste, je me trompe ?
    Il parlait d'une voie grave et chaude, et tout son être dégageait une aura de sympathie et de confiance malgré son apparence tout à fait quelconque. On lui aurait donné le bon Cthulhu sans confession. Malgré tout, Menmost n'avait guère envie que l'on connaisse ses origines. Il décida de ruser.
    - Pardon ? Euh, si, je vous l'assure, et d'ailleurs eh bien...
    - Non, tu n'es pas Voste. C'est très simple à voir, tu viens dormir ici alors que tout Voste sais depuis qu'il a cinq ans que quasiment toutes les auberges offrent la chambre aux voyageurs itinérants, pour peu qu'ils payent le manger, qui est incomparablement meilleur qu'ici, ce qui n'est pas très dur je sais, mais qui au moins rempli son homme et permet au moins de se remettre en route le ventre plein, ce qui ne risque pas de t'arriver.
    - A toi non plus.
    - C'est vrai. Mais je te vois gêné. Si ça peut te rassurer sache que je ne suis pas Voste moi non plus.
    - Pourquoi n'est tu pas allé à l'auberge ?
    - Pour deux raisons. J'avais besoin de passer inaperçu. Et en venant, j'espérais que le hasard me serait favorable. Je vais être franc. Je suis moi aussi ce qu'on peut appeler "un voyageur itinérant". Je suis en vérité en mission, et je cherche compagnons. Serais-tu intéressé ?
    - Et... en quoi ça consiste ?
    - Ah ça tu ne saura plus que si tu accepte... Tout ce que je peux te dire, c'est que je doit amener quelque chose quelque part, vers l'Ouest, au Nord de Dresnade.
    - Vers Genurn ?
    - Tiens tu connais ?
    - Euh non. C'est une intuition.
    - Ah bien sûr. Bon, es-tu intéressé? On partagera tous les gains équitablement, et il risque d'y en avoir des gains si on remplit correctement la mission.
    Il faut dire que Menmost cherchait par tous les moyens de rentrer au Dresnade, et que ces derniers jours il marchait sur la route de commerce du Nord, qu'il savait justement mener à Genurn. Le marché de l'étranger l'intéressait donc assez, puisqu'en plus de l'escorter jusqu'à sa destination il proposait une rémunération.
    - Bien, j'accepte.
    - Parfait. Je m'appelle Arruban.
    - Menmost.
    - Mettons nous en route. Je t'en dirais plus en chemin."



IV) Où l'on chemine

    Après avoir remercier de mauvaise foi les moines pour leur accueil, les deux -désormais- compagnons se mirent en route. Au Nord commençait à pointer les sommets des Monts Forteresse, où, selon la légende, vivaient de grandes tribus naines qui forgeaient leurs métaux secrets loin du regard des êtres de la surface afin de combattre des créatures défiant toute imagination (4). Le temps était radieux, les conditions idéales pour la marche. Ils passèrent ainsi l'après-midi à deviser de choses et d'autres, ce qui permit à Menmost d'apprendre que son compère n'était ni Voste ni Dresnasdien, mais venait de Sukurd, grand port de guerre humain de la Mer Intérieure, et semblait passer son temps sur les routes. à faire des petits boulots. Il eu également la confirmation qu'Arruban savait qu'il venait du Dresnade, mais il ne semblait pas y prêter une quelconque importance. Alors que le jour déclinait, la route commençait à grimper le long des hautes collines qui deviendraient rapidement les sommets sud des Monts Forteresse, biens moins élevés que les grandes montagnes plus au Nord, mais qui coupaient néanmoins en deux le Sud de la péninsule Syrnaénne, La nuit était tombé depuis une bonne heure lorsqu'ils atteignirent l'auberge du Col Glacé (ce qui n'était guère le cas). L'auberge était de belle taille afin d'accueillir les nombreux voyageurs qui transitaient par cette importante route commerciale. Le repas était hors de prix, l'auberge étant seule dans la région, mais assez nourrissant, et la chambre relativement confortable, et tous deux passèrent une nuit sans histoire.
    Le petit-déjeuner (avec croissants à volonté) fut l'occasion de se mettre d'accord sur l'achats de montures, qui leur permettraient de rejoindre Genurn en une bonne semaine, au lieu de la vingtaine de jour initialement prévue. Les deux fiers destriers qui leur fut proposés par l'aubergiste semblaient en pleine santé, ce qui leur fit accepter le marché malgré le prix surprenant. Menmost n'était jamais monté encore à cheval mais finit par s'y faire, voir à apprécier cette manière d'aller plus vite sans se fatiguer et en admirant le paysage, assez splendide, avec à leur gauche, vers le Nord, les cimes enneigées et au Sud les plaines qui rétrécissaient au fur et à mesure de leur ascension. Cela leur permit aussi de discuter, notamment des armes. L'épée en acier standard de l'armée Dresnadienne ne pouvait rivaliser avec la rapière d'Arruban, une longue et très fine lame ressemblant à une aiguille géante. Ils parlèrent aussi un peu plus en détail de la mission. Il s'agissait en fait de remettre une lettre à un marchand.
    "Et que dit-elle cette lettre ?
    - Je ne sais pas. Et je ne cherche pas à le savoir. On m'a bien dit que l'enveloppe devait être intacte. Je ne vais pas compromettre la mission avec une curiosité mal placée. Puisque c'est pour un marchand, je suppose que ce doit être les prévisions pour les cours des marchandises. C'est assez fréquent.
    - Comment a tu eu ce travail ? 
    - Eh bien je venais de terminer ma précédente entreprise, assez semblable à celle-ci, et je me reposais dans une taverne, quand un individu qui se dissimulait dans un grand manteau noir, comme tous ceux qui cherchent à passer inaperçus, ça permet de les reconnaître de loin. Bref, il est entré, et s'est dirigé vers moi pour me proposer le travail. Et voila.
    - C'est bizarre comme méthode.
    - Oh que non. C'est comme ça que ça marche.
    - Et donc tu ne fais que ça ? Remplir des petites missions qui t'envoient promener un peu partout ?
    - Si tu vois les choses comme ça, oui. Mais toutes les missions ne se ressemblent pas. Il y a les petites activité : transmettre un message par exemple, et d'autres plus... intéressantes.
    - Genre ?
    - Eh bien... Faire en sorte qu'un objet convoité change de propriétaire discrètement, sans forcement l'accord de son ancien détenteur, par exemple.
    - Mais c'est du vol !
    - D'un point de vue légal, oui. D'un point de vue personnel, c'est surtout un moyen de s'enrichir facilement.
    - Tu es un voleur ?
    - Je suis surpris que tu ne t'en sois pas encore aperçu.
    Maintenant c'était trop évident. Une personne si avenante et apparemment si digne de confiance ne pouvait qu'être un voleur, cette catégorie socio-culturelle universellement méprisée par les braves gens qui n'ont rien d'autre à foutre qu'à regarder leur nombril et leurs relevés bancaires. Menmost pour sa part avait toujours considéré ces personnes comme une sorte de mythe, tout comme les aventuriers. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il avait toujours vécu à la campagne dans de petites villes, tandis que les organisations souterraines (guildes de voleurs ou d'assassins par exemple) se trouvaient en majorité dans les grandes agglomérations.
    - Mon noble métier semble te déranger.
    - C'est que je pensais que tu était honnête homme.
    - Mais c'est le cas ! Que va tu insinuer ?
    - Mais les voleurs sont des hors-la-loi !
    - Dis moi, tu ne semble guère avoir grande expérience de la vie... Sinon tu saurais que le respectable métier de voleur est l'un des plus pratiqués, qui n'a jamais volé dis-moi ? Mais les voleurs "professionnels", ceux dont j'espère faire partie, sont des gens recherchés pour leurs nombreuses qualités. Si tu savais le nombre de fois où j'ai été employé par de nobles et respectés personnages, voir des monarques ou d'autres nobliaux du même acabit. Nous sommes un moyen rapide et je dois dire efficace de régler certains conflits rapidement et sans "dommages collatéraux". J'ajouterai que les voleurs ne sont pas plus hors-la-loi que les autres, car saches qu'il est tout à fait légal de voler, et ce dans toutes les sociétés.
    - Tiens donc.
    - Il est juste illégal de se faire prendre. Quand aux fait d'être malhonnête, et bien il y en a des voleurs malhonnêtes, tout comme il y a des marchands malhonnêtes, des juges malhonnêtes, des dirigeants malhonnêtes... Pour ma part, j'essaie d'être le plus honnête possible, ce qui peut se traduire par mon respect du contrat. J'ai toujours rempli mes missions avec un minimum de problème, faisant ce qui était demandé et ne cherchant pas à compliquer les choses.
    Il y avait comme une sorte de froid sur la scène.
    - Saches que je ne te veux rien de mauvais. J'aurai probablement besoin de ton aide, et je n'ai guère envie de te supprimer ni de te voler. Je t'ai promis ta part de récompense, et tu l'aura.
    - Pourquoi tu aurai besoin de mon aide ? Tu m'a l'air amplement capable de te débrouiller seul.
    - Déjà, la route est bien plus agréable quand on a quelqu'un avec qui discuter. Mais surtout, il existe certaines situations ou être deux personnes à se servir d'une épée est un plus indéniable.
    - Quelles situations ?
    - Tiens, celle-ci par exemple.
    - Holà mes amis, la bourse ou la vie"
    La route était déserte. C'était le début de l'après midi, mais l'air était frais à cause de l'altitude. A cet endroit, le chemin était contenu entre deux grandes paroi rocheuse assez inclinées et haute d'une petite dizaine de pas, qui le protégeaient du vent, et la route prenait alors un brusque virage vers la gauche, les bordures empêchant de voir ce qui avait au delà. C'était vraiment l'endroit rêvé pour se faire attaquer. La dernière personne à avoir parler était un massif montagnard qui avait du un peut trop tirer sur la fondue vu sa corpulence. Il avait le visage dur, le menton recouvert d'une épaisse (et fort sale) barbe brunâtre. Il portait une grossière armure de cuir, et tenait fermement un massif marteau de métal qui devait au bas mot peser quarante livres. Derrière lui se trouvait trois autres malandrins tout aussi peu avenant et portaient qui un casse tête, qui une masse d'arme.
    "Et donnez nous aussi vos beaux chevaux, ou je vous promet qu'avant une heure vous giserez, gisant, vos gésiers gémissants, par Hemesdauss (5) !
    - Quelle jolie phrase.
    - Merci. Je l'ai inventé pour montrer aux voyageurs que nous sommes, au fond, de braves poètes, et pas les brutes qu'ils s'imaginent.
    - Je les comprends. Au fait, les humains n'ont pas de gésier. Seulement les oiseaux.
    - Je sais, mais allez trouver quelque chose d'autre qui aille aussi bien. C'est plus le rythme de la phrase qui compte, plutôt que le sens.
    - Si on remplace par "gorge" ?
    - Ça peut coller mais ça marche moins bien. Ça ferait : "vous giserez, gisant, vos gorges gémissantes".
    - C'est pas mal aussi. Je préfère presque. Au moins, ça veux dire quelque chose.
    - Oui mais vous ne vous y connaissez pas en poésie.
    - Oui mais je ne suis pas un montagnard arriéré.
    - Wah mais comment il me cause l'aut' ! Eh les gars on va se les faire, voir si ils gisent bien dans leur gésiers !
    Riant de ce bon mot, le chef, suivi par ses compères, s'approcha, l'air moins qu'amène, des deux voyageurs. Menmost regardait Arruban d'un air désespéré, effaré que le voleur ait transformé ce simple braquage en affrontement. Mais le voleur souriait, l'air serein. Tranquillement, il descendit de son cheval, invita Menmost à en faire autant, et interpella le brigand.
    - Ohé, messire, nous nous rendons. Voila nos braves chevaux et nos bourses. Mais par pitié, laissez nous partir!
    - Nan ! Z'allez crever !
    -  Vous nous aviez promis la vie sauve !
    - Oh c'est vrai excusez-moi. Bien, les gars, prenez leurs affaires et leurs armes et laissez les passer. Il ne sera pas dit que Graskkarzluk le Poète ait été injuste. Voyez, je n'ai qu'une parole et j'essaie de m'y tenir. Je vous avais promis la vie sauve si vous vous rendiez, vous aurez donc la vie sauve. Merci que m'avoir éviter de faire la boulette en vous tuant.
    - De rien, c'est toujours un plaisir d'aider les handicapés."
    Menmost marmonna un bref "pitié, ferme-la", mais le voleur se contenta de rire, et tout deux prirent la tangente avant que les bandits ne changent d'avis.



V) Enfin un peu d'action

    Un peu plus loin, environ quinze minutes plus tard.
    "Mais par Nyhna pourquoi donc a tu donc provoqué ce bandit ?
    - Aaah ça faisait longtemps que j'avais pas autant rigolé.
    - On était à deux doigts de se faire tuer !
    - Pas si sûr. C'était de simples brutes sans cervelle. On aurait peut-être pu les négocier.
    - Mais ? Tu aurais pu les tuer et tu les a laisser partir avec tout nos biens ?
    - Oui en effet, mais j'ai préféré ne pas prendre de risques. Mais tout se passe bien.
    Arruban arborait un grand sourire.
    - Comment ça ?
    - Ces bandits sont de braves couillons. Tout les désignent comme des montagnards, ils sont donc probablement une base arrière quelque part dans la zone. Ils nous ont pris les chevaux, pour les revendre puisque hors des sentiers personne l'a usage d'un cheval de route en montagne. De plus, les ramener à leur base va les ralentir et les obliger à prendre les chemins les plus praticables. Enfin, à gauche, de l'autre côté des rocher, la montagne finit rapidement en falaise. Ils sont donc forcement partis vers  notre gauche.
    Menmost avait un horrible pressentiment.
    - Tu veux dire ? On va attaquer leur repaire ?
    - Exactement. Une manière simple et efficace de s'enrichir un peu et d'éliminer la menace de la région.
    - Mais si on ne le trouve pas ?
    - Alors on aura perdu tous nos bien pour rien. Il vaudrait donc mieux que nous le trouvions, surtout qu'ils ont aussi pris la lettre.
    - Moui je vois ce que tu veux dire...
    - Parfait. Montons sur les rochers."
    Ils escaladèrent sans peine la paroi rocheuse qui bordait la route, pour déboucher après une petite dizaine de mètres sur un vaste chaos granitique qui s'étendait de tous côtés, si tourmenté et décourageant que l'on aurait pu croire à une erreur de programmation. Mais tel était sa nature, semblant signifier aux hommes "restez sur le chemin et laissez la montagne en paix". Cela ne sembla guère importuner Arruban qui grimpa sur une excroissance particulièrement proéminente et examina les alentours.
    "Bien. Je vois l'endroit où ils étaient postés, et une sorte de sentier, probablement celui qu'ils ont emprunté pour partir. On va aller voir."
    Ils allèrent donc voir, sautant de roches en roches sur le terrain inégal. Ils y arrivèrent et constatèrent qu'il s'agissait bien d'un chemin discret permettant de se déplacer facilement dans le chaos. Ils remontèrent le sentier sur environ deux lieues Vostes (6), constatant qu'il montait de plus, avant de déboucher sur un vaste pâturage l'élevant  à flanc de montagne jusque très haut. Il était entièrement recouvert de hautes herbes d'un bon mètres chacune, donnant l'impression d'un océan vert ondulant gentiment au gré du vent. L'air était frais, mais point trop, et le silence absolu. Tout respirait le calme. En se retournant, on apercevait, au delà du chaos, très loin en contrebas de la montagne, la vallée fluviale de la Dresn, sur laquelle était bâti Drenadt, capital du Dresnade, tous deux tirant nom de ce puissant fleuve. Au sud on voyait une grande partie de cette zone pourtant de plusieurs centaines de kilomètre, tandis que vers le nord un massif montagneux emplissait l'horizon, ses sommets recouverts par une neige éblouissante. On se sentait minuscule, insignifiant face à cette vision de la toute puissance de la nature, loin des problèmes bassement matériels. Ils firent une brève pose pour profiter de la beauté et de la sérénité du lieu. Puis, presque à regrets, ils reprirent leur travail, cherchant parmi les herbes des traces de passage. Finalement Arruban trouva une série d'empreinte, dont celles de chevaux. Ils suivirent donc les traces en silence, à cause du lieu, et aussi pour ne pas se faire repérer, les sons portants loin dans l'air pur. Ils marchèrent un certains temps, traversant toujours l'immense étendue herbeuse, en seule compagnie du vent, montant toujours plus haut. Le soleil commençait à décliner, il ferait probablement nuit dans moins de trois heures. Les empreintes semblait à présent marcher le long de la montagne, vers l'est, comme pour la contourner. Finalement, la nuit tomba alors qu'ils marchaient sur des traces de plus en plus fraîches (notamment du crottin tout neuf). Ils continuèrent encore un peu, mais l'obscurité les empêcha d'aller bien loin. Ils n'eurent d'autres choix que de s'arrêter et de passer la nuit sous une petite formation rocheuse qui fournissait un abri de fortune, sous lequel ils s'étendirent, toujours dominé par la taille écrasante de la montagne.
    Une fine pluie les réveilla alors que l'aube se levait. Protégés par les rochers, ils petit-déjeunèrent de leurs maigres provisions en assistant au lever du soleil sur les sommets des montagnes. La pluie ne voulait pas finir, et ils durent donc reprendre leur chemin sous l'averse glacé. Mais Arruban souleva un autre problème.
    "L'averse a effacé les traces.
    - Comment va t'on faire ?
    - On va continuer. On a marché assez longtemps, on ne devrait plus être très loin. Comme les brigands ne nous ont sûrement pas remarqués, ils n'ont donc pas essayer de nous tromper et ont été directement à leur repaire. En continuant et en cherchant toute habitation, grotte ou choses en ce genre, on devrait y arriver.
    - J'aimerai en être aussi certain.
    - Tu as une autre idée ?
    - Hum non.
    - Bon alors on va faire comme ça. C'est pas la première fois qu'une emmerde de ce genre m'arrive, et ça ne m'a jamais gêné outre mesure."
    Menmost n'était pas très rassuré mais dû convenir que c'était pourtant la meilleur chose à faire, devant absolument récupérer leurs affaires. Ils marchèrent donc, mais bien moins agréablement que la veille, puisque la terre s'était transformé en boue et qu'à chaque pas ils s'enfonçaient un peu. La pluie cessa rapidement, pour laisser place à quelques nuages paresseux laissant percer le soleil. Après environ une demi-heure, ils atteignirent un zone un peu plus rocheuse, dans laquelle un joyeux torrent descendait depuis on ne sait où (mais sûrement de très haut), pour continuer son chemin jusque une sorte de col loin en contrebas, où il formait un petit lac. Celui-ci était entouré par quelques conifères et par une multitude fleurs multicolores, créant un paysage singulier parmi l'immense pâturage uniformément vert. Mais, plus important, il semblait y avoir des sortes de bâtiments, dont un qui semblait plus grand et différents des autres. Les constructions étaient placés à l'abri des quelques arbres, qui formaient une barrière efficace contre le vent, mais en réduisait la visibilité. Rassurés, les deux marcheurs descendirent donc en direction de ce qu'ils pensaient être le repaire des méchants. Mais, par un caprice du destin, il n'en était rien. En s'approchant, ils s'aperçurent que les bâtiments n'étaient plus que ruines , ce qui autrefois devaient être de robustes habitations n'étaient plus figurés que par quelques murets de pierre, qui permettaient encore de distinguer les contours des pièces désormais envahie par diverses plantes. Le grand bâtiment, au milieu de ce qui avait du être un paisible village, semblait un peu mieux conservé, il devait être bien plus robuste. Il devait mesurer une trentaine de pas de long pour une quinzaine de large, formant un grand rectangle marqué par une ouverture, l'ancienne entrée, dans un des petits côtés. Il était mieux conservé que les constructions voisines, car la majorité des murs étaient, à défaut d'être entiers, encore en partie intacts. A l'intérieur de l'enceinte, le long des murs, les restes de colonnes dressaient encore, pour certaines, leurs chapiteaux à plusieurs mètres de haut. Le bâtiment avait du être imposant, et visible de fort loin, le village s'étant construit autour. C'était un temple, si on en jugeait par la présence de ce qui devait être l'autel, un massif bloc de pierre parfaitement taillé (pour autant qu'il était possible d'en juger à cette distance), au fond du bâtiment, en face de l'entrée. Cette hypothèse semblait confirmée par la présence, de chaque côté de là où avait dû se trouver l'allée centrale, d'une dizaine de rangée de pierres, qui semblaient former des bancs.
    Alors qu'ils se trouvaient à environ une demi-lieue des bâtiments, Menmost trébucha sur se qui se révéla être un morceau de bois de belle taille,  comme une poutre, mais dont les extrémités semblaient avoir été rongées par le feu. En fait, la zone était constellée d'épaves de bois et de pierres que les fleurs et les hautes herbes avaient auparavant dissimulées à leur regard. Arruban ne mit guère de temps pour arriver à une conclusion ma foi fort évidente.
    "C'était un grand village qu'on a entièrement détruit. Les maisons en bois ont été incendiés et les bâtiments de pierre renversées. Mais détruire un temple, même celui d'une divinité peu connue ou appréciée, c'est rare. Très rare.
    - C'était peut-être justement le temple qu'ils voulait raser, et ils en ont profité pour s'occuper du village, qui devait bien adorer la divinité priée. Une histoire de religion encore une fois.
    - C'est pas faux. Ils ont alors aussi dû s'occuper des trésors. Un temple abandonné. Ça fait une belle planque. Continuons."
    Esquivant les nombreux débris, ils finirent par arriver aux ruines de pierre, et s'approchèrent du temple. Ils avaient vue juste, c'était bien un autel qui trônait  dans ce qui fut le choeur. Ils entrèrent par l'entrée, comme les fidèles de jadis, s'imaginant les hauts murs recouverts de sculpture, les croyants chantants sur les bancs les liturgies à la divinité oubliée, tandis que les prêtres faisaient leur office au nom du Dieu, priant, bénissant, sacrifiant, torturant, et autres activités saines et vivifiantes faisant la renommée des cultes éphémères. Menmost et Arruban oscultèrent l'autel, parallélépipède rectangle de pas de long sur un de large et un de haut. Le dessus était passablement usé et, détail amusant, il y avait une série de belles taches brunâtres, confirmant leurs soupçons. Sur les flancs était gravé une frise représentant encore clairement diverses activités de la vie quotidienne tels que la cueillette, la chasse, le labourage, la construction, la forge, la prière, le combat, le pillage de monastère, le viol de nonnes, l'émasculation des prêtres, l'épandage de sel sur les terres ennemis et l'empalement des femmes et des enfants.
    Pour tout dire, les deux compagnons n'étaient guère rassurés.
    "Bonjour", fit une voix douce et chantante derrière eux
    Ils se retournèrent brusquement, surpris de la présence d'une forme de vie en ce lieux qu'ils considéraient comme désert. Une jeune fille, qui ne devait pas avoir vingt ans, apparue comme par magie, les regardait sereinement. Elle n'était point grande, avait de long cheveux à la couleur étrange et envoûtante, un roux quasiment rouge, qui descendaient en ondulant jusque ses épaules. Son visage souriant était calme et fort harmonieux, ses grands yeux vert d'eau étaient d'une profondeur surnaturelle. Elle portait une simple robe verte à capuche, fort abîmée. Elle respirait la spontanéité et la joie, chose plutôt dérangeante dans ce temple maudit. Elle les regardait toujours, innocemment, en bougeant doucement la tête, comme pour les jauger.
    "Euh bonjour, fit Arruban d'une voix mal assurée, probablement déstabilisé par l'apparition de la jeune fille. Dis moi, qui est-tu ?
    - Je pourrais vous retourner la question. Vous êtes chez moi non ?
    - Tu habites ici ?
    - Vouivoui. Je m'appelle Gwen.
    - Je suis Arruban, vol... voyageur opportuniste, et voici Menmost, mon joyeux compagnon. Quel est cet endroit ?
    - C'était un bon village, où nous vivions en paix. On avait ce temple, où l'on vénérait Gwenijëfra, mes parents m'ont appelé Gwen en son honneur. C'était une bonne déesse, juste et aimante avec ses fidèles, son titre complet était la Gwenijëfra la Déesse Cyclopéenne du Chaos, du Sexe, de la Domination, de l'Accomplissement Spirituel et du Métal Symphonique. Elle avait comme attributs l'Once, le Chevalet, le Mandala, le Bombardement d'Artillerie, le Marteau, l'Enclume, la Faucille et le Scaphandre Autonome."
    Menmost et Arruban n'en menait pas large. L'autre continuait sa logorrhée d'une voix charmante, presque hypnotique.
    "Le bonheur régna dans notre petite communauté, et cela pendant plusieurs siècle, durant lequel le culte s'étendit. Mais c'était trop beau pour durer. Il y a environ huit ans, un audit envoyé par le Clergé de Ulumulu a révélé, selon lui, de graves imperfections de doctrine, comme quoi la paix universelle et l'amour que nous prêchions au nom de notre déesse ne s'accordait pas avec le pillages des temples et le génocide des hérétiques. Vous conviendrez que c'est n'importe quoi. Enfin bref, les Saints Paladins d'Ulumulu pour la Tolérance et la Concorde ont débarqués une nuit avec une quinzaine de machines de siège, ont commencé à tout détruire et incendier notre petit village. Ici comme partout où Gwenijëfra était vénérée. J'ai eu la chance de ne pas être là pendant l'assaut, j'étais partie dans les montagne chercher de l'eau dans le petit torrent que vous avez suivi pour venir, oui, je vous ai vu venir, et de loin.
    - Mais... Le ruisseau coule jusqu'au lac, là tout près du village. Pourquoi êtes vous parti si loin chercher l'eau si...
    - Moui c'est vrai. En effet."
    Gwen s'était soudain faite perplexe.
    "Enfin bref, qu'est ce qu'y vous amène par ici ?
    - Et bien nous étions sur la trace de brigands qui nous ont dépossédés de tous nos bien, et cherchions à rétablir la justice. Et... Nous pensions qu'ils étaient ici.
    - Bien sur que non, il n'y a que moi ici. Dites, vous êtes des aventuriers ?
    - Certes.
    Menmost paru surpris mais ne fit aucun commentaire.
    - C'est génial ! J'ai toujours rêvé d'être aventurière ! Je pourrai vous accompagner ?
    - C'est que... Il risque d'y avoir du danger... Et je ne pense pas que tu puisse nous être utile...
    - Ah tiens ? Je connais pourtant bien la montagne, ainsi qu'une grotte un peu plus loin vers l'ouest ou se terrent des bandits vraiment affreux ! Ils m'ont volé ma flûte ces salauds. Je pourrai vous conduire à leur repaire. Et puis je pourrai aussi danser comme une conne pendant que vous vous ferez démolir.
    - QUOI ?
    - Non je plaisantais. Je veux bien vous guider. Et je connais un peu la magie.
    - Quel genre ?
    - Un peu de heal, sinon magie de guerre tendance destruction, illusion et altération/évocation. Je suis aussi prêtresse de Gwenijëfra.
    - Je croyait qu'elle n'existait plus ?
    - Mais non, ils ont simplement massacrés tous ses fidèles et rasés tous ses temples, mais elle n'en est pas morte pour autant. Je suis peut-être sa dernière fidèle, mais je crois en Elle, et Elle m'a conféré des pouvoirs de prêtresse.
    - Et où a-tu appris toute cette magie ?
    - J'avais reçue dans mon enfance une formation de mage, j'avais des dons parait-il. Et j'ai réussi à sauver quelques groboukins du temple en flamme, qui m'ont permis d'accroître raisonnablement ma puissance arcanique.
    - Mais, intervint Menmost, je croyais que lors de la destruction du temple tu étais dans la montagne ?
    - Ah oui tiens..."
    Elle parut réfléchir un instant. Arruban reprit.
    - Bon, on accepte ton offre. Par contre, aurais-tu quelques vivres à nous fournir ?
    - Bien sûr, suivez moi. Vous pourrez vous rassasier pendant que je me préparerai."
    Ils suivirent donc la Gwen, qui sortit du temple vers la gauche, vers une petite cabane de bois habilement dissimulée parmi des buissons, situé une bonne centaine de pas plus loin. Menmost profita du fait que la jeune fille était assez loin d'eux pour interpeller Arruban.
    "Je ne comprends pas, pourquoi lui as tu dit que nous étions aventuriers ?"
    Ce fut au tour d'Arruban de paraître étonné.
    "Mais... Parce que nous sommes des aventuriers !
    - Comment cela ?
    - Comment appelle tu un groupe de personnes qui se balade dans la nature, motivés par leur propre raison qui plus est, pour atteindre un objectif ?"
    Menmost n'en revenait pas.
    "Je m'imaginais les aventuriers comme des compagnies de guerriers et de mages, plein d'armes et d'objets magiques, vivant des aventures incroyables...
    - Regarde, désormais nous sommes deux guerriers et une mage, apparemment. C'est une compagnie non ? Quand aux objets magiques, pensent qu'ils ne sont pas apparus comme ça, il a fallut les trouver. Au début de leur carrières, crois-tu que les aventuriers possédaient déjà leurs grandes armes et armures, amulettes et tout ? Tout le monde à commencé modestement, seul l'avenir nous dira si nous aussi nous deviendrons ce que nous rêvons d'être.
    - Je ne voyais pas les choses comme ça. Et au sujet de la fille, crois-tu vraiment qu'elle soit bonne à quelque chose ? Elle me fait plus penser à une montagnarde dégénérée qu'à mage de guerre qu'elle prétend être.
    - Oui je le crois. Elle est utile puisqu'elle nous aidera à accomplir notre objectif. Et nous verrons bien si elle est aussi puissante qu'elle le dit, en tout cas, elle ne me semble guère être une simple montagnarde. Et puis, tous les mages sont un peu fêlés, où plutôt ils ne sont pas exactement sur le même monde que nous. Ceci peut expliquer cela.
    Ils arrivèrent à la cabane qui n'était guère vaillante, et durent se baisser pour passer l'étroit encadrement de la petite porte, bâtie pour les proportions de sa propriétaire, qui n'était pas très grande. Mais contrairement à ce qu'ils attendait, l'intérieur était presque confortable : le lit de bois simple était recouvert de jolis draps, des tentures (plus ou moins abîmés), aux motifs rappelant les décorations de l'autel, recouvraient chaque mur. Deux étagères croulaient sous les livres aux titres significatifs (7), et un garde manger plein à craquer salua les invités. L'étrange fille aux cheveux rouges farfouillait dans une grande armoire et fit distraitement aux deux autres de se servir, de manger ce qu'ils désiraient. Ils ne se firent pas prier, et avalèrent sans discernement tout ce qu'ils trouvèrent, puis avec discernement après qu'Arruban ait mordu dans une pomme de pin. Pendant ce temps, leur charmante hôtesse avait sortit un grand sac à dos de cuir qu'elle remplit de bouquins, de nourriture et de divers objets potentiellement utiles, puis enleva sa robe, ce qui exposa son corps nu et menu, mais ma foi pourvu d'éléments fort féminin, aux regards surpris et intéressés des deux hommes, avant qu'elle ne revête promptement une robe noire (à capuche encore une fois) à l'intérieur rouge, qui semblait en bon état, et enfila une sorte d'amulette formée d'un symbole en forme de spirale à quatre branches, particulièrement retorse, attachée à un cordon quelconque. Puis d'un simple geste elle s'équipa du sac à dos qui devait peser au bas mot une dizaine de kilo, et rajouta une sacoche pleine de "trucs magiques". Puisqu'ils étaient tous prêt, la petite troupe se mit en marche d'un bon pas, Menmost et Arruban parce qu'ils n'avaient aucune affaires, et Gwen parce qu'elle ne semblait pas le moins du monde gênée par son attirail. Ils la suivirent donc.


VI) Où l'on marche, encore une fois

    Ils partirent vers l'ouest, croisant le petit lac aux eaux claires et glacées, et descendirent la montagne quelques temps, devisant de choses de d'autres, ce qui permit à Arruban d'avoir la confirmation que Gwen connaissait la montagne et faisait un point trop mauvais guide. Elle semblait connaître la plupart des courts d'eau de la régions, abris, village, grottes et autres, et marchait sans hésiter vers la cachette des bandits. Le voleur remarqua qu'ils refaisaient le même chemin qu'ils avaient pris pour venir, mais bien plus bas d'environ une lieue. Il lui sembla même reconnaître au loin la formation sous laquelle ils avaient dormis. Mais ils continuèrent. Après une bonne heure de marche, Gwen s'arrêta.
    "On y est dans moins d'une demi-heure. C'est une grotte cachée dans un taillis le dissimulant plutôt bien. Vous vous sentez d'attaque ou vous préférez faire une pause avant ? Il y a une petite caverne a proximité.
    - Moi ça va.
    - Moi aussi.
    - Très bien. Je vais par contre avoir besoin de quelques minutes pour prier.
    - Prière de protection ?
    - Non, invocation. En tant que prêtresse de Gwenijëfra, je dispose constamment d'une once à ma disposition. Elle pourrait nous être utile, c'est que ça se bat bien les fourrures de ce genre. Maintenant si vous permettez."
    Elle s'éloigna un peu, et s'agenouilla, disparaissant presque dans les hautes herbes. Elle resta concentrée quelques temps, avant de tendre son bras droit devant elle, paume ouverte et tournée vers l'horizon. Un cercle lumineux apparu, parallèle au sol, à environ deux mètres de haut. Une lumière rouge sombre en descendit d'un coup, comme si il s'agissait d'une poignée de sable qu'une main géante aurait lâchée, et dans cette lumière, alors qu'elle frappait le sol, apparu un magnifique félin d'une belle taille, à la peau grise tachetée, qui de prime abord semblait parfaitement ordinaire, mais dont les profonds yeux verts rappelaient étrangement ceux de la jeune fille. Assis sur son derrière poilu, il regardait autour de lui, l'air curieux et non dénué d'intelligence. Quand il vit sa maîtresse, il frotta sa grosse tête poilue contre son corps en ronronnant (8), en réponse de quoi elle lui gratta la tête entre les oreilles, faisant redoubler le doux ronflement. Finalement, elle parut se rendre compte qu'on les attendait, et elle se releva avant de revenir vers les deux autres en souriant, suivie par sa panthère des neiges qui continuait sa douce musique.
    "Messieurs, je vous présente Spinal, once de son état, habitée par le divin pouvoir de Gwenijëfra, accessoirement mon familier. Lien psychique : bonus en charisme, dextérité, sagesse, rapidité, magicka, attaque et détection.
    - Ah ouais quand même.
    - Mais pourquoi Spinal ?
    - Comme le chat bien sûr.
    - Le chat ?
    - Le chat spinal ! C'est trop drôle, non ? 'humour de sorcier.
    Sa blague n'ayant pas eu le succès escompté, Gwen proposa d'y aller, et la petite troupe récemment agrandie se remit en route. Le soleil commençait juste à décroître, ils avaient encore plusieurs heures devant eux. Ils marchèrent, toujours dans la même direction, pendant une vingtaine de minutes, avant que, brusquement, la magicienne leur fit signe de s'arrêter et s'accroupit dans les herbes, rapidement imitée par ses compagnons. Elle désigna en contrebas une petite formation rocheuse, l'entrée d'une grotte à une centaine de mètre. Elle saisit son pendentif, que Menmost et Arruban eurent le loisir d'étudier plus distinctement que dans la cabane. C'était une forme circulaire bardé de pointes inégales mais assez harmonieuses, sur lequel était figuré la spirale tordue, qui captivait le regard ("symbole divin" expliqua-t'elle brièvement aux regards interrogateurs). Elle le brandit devant elle en marmonnant un truc incompréhensible qui donnait à peu près:
    "Nieme mene seret menet sere ekke ekke sliyim pong"
    Puis elle balada son symbole un peu, le faisant couvrir une petite zone, l'air fort concentrée. Puis elle cessa son bazar et se tourna vers ses compagnons impressionnés.
    "Je détecte quatre humanoïdes et deux animaux, genre chevaux, ainsi qu'un chien.
    - Tu es sûre ?
    - Oui, à dix pour cents près. 'Marge d'erreur.
    - Ok on y va.
    - Euh Arruban...
    - Oui Menmost ?
    - Comment on fait pour se battre ? On a rien.
    - Ah c'est vrai. Attends."
    Le voleur sortit alors, d'un geste rapide et souple, une grande dague de sa botte droite, qu'il tendit au jeune guerrier, puis une autre de quelque part dans son dos, qu'il se réserva, puisque Gwen venait de lui préciser que les mages n'avaient pas besoin des armes de métal, ils étaient loin de ce genre de contingences. Puis, après une nouvelle vérification que tout le monde était prêt pour la baston qui allait, plus que sûrement, survenir, la compagnie se mit en marche, discrètement, vers l'entrée de la caverne, un peu plus bas.


VII) Où l'on se transpose un peu plus bas.

    Etred était assis à l'entrée de la grotte, son foyer, à regarder l'horizon. Le soleil tombait lentement vers l'horizon, et il sentait l'air se rafraîchir. Il caressait doucement Jeer, le chien de garde qui semblait s'être endormi face à tant de calme. Encore une fois la journée s'était bien déroulée, puisque l'embuscade avait portée ses fruits, qui étaient même plutôt gras. Les deux chevaux, Etred était contre, parce que ça allait faire des ennuis à transporter dans la montagne, mais pour le reste, assez d'argent, divers objets plus ou moins importants, une armure en parfait état, et surtout ces deux épées, dont la longue et fine avait bien plus au chef. A cette époque de l'année, la grande route n'était guère empreintée, y attaquer était sûr. Demain ou après demain, ils remettraient ça, et si Y'imen le voulait, ils aurait amassé assez de ressources pour descendre à la ville faire des achats. Peut-être cette fois pourrait-il s'acheter une de ces épées comme il en voyait sur certains soldats, celles très longues qui se prennent à deux mains. Avec ça on le respecterait. Oh oui, il aurait l'air important, peut-être même il pourrait s'engager comme guerrier, et il pourrait enfin prendre compagne. Mais Jeer se releva brusquement, faisant sursauter le guerrier plongé dans ses rêves.
    Il vit le gros chien avancer doucement en grognant, vers la la gauche, en regardant en l'air comme si quelque chose se trouvait par dessus l'entrée du repaire. Le bandit allait le rejoindre quand il entendit comme un léger "et merde" au loin, suivit immédiatement d'une terrible déflagration, une explosion qui fit trembler la montagne. Il mit quelques instants à retrouver ses esprits, puis aperçu là où aurait dû se trouver le chien une zone calcinée fumant doucement. Il courut vers le fond de la caverne en criant "Alerte", mais tandis qu'il se hâtait il sentit le sol se dérober sous ses pas, avant de se rendre qu'il s'effondrait sous son poids. Il sentit un froid dans son dos, comme un trou dans une cloison où s'infiltrerait le vent. Il tenta de se relever, mais semblait cloué au sol. Il finit par sentir un liquide chaud envahir ses vêtements, et son esprit se calma, il avait l'impression d'être dans un lit confortable où son esprit s'enfouissait. Il distingua des silhouettes passer près de lui, et perdit définitivement conscience.
    Arruban se pencha rapidement pour récupérer sa dague qui n'était pas de lancer mais avait remplie malgré elle cet usage. Suivait Menmost, guère rassuré, qui serrait son arme nerveusement, puis Gwen qui, étrangement, semblait être dans son élément, aux côtés d'icelle marchant tranquillement Spinal. La boule de feu avait pulvérisé le canidé de garde mais aussi prévenu toute la région de de leur présence, la discrétion n'était donc plus de mise et ils allaient donc d'un bon pas vers le fond de la tanière des brigands. Ils arrivèrent à l'extrémité de la première pièce, et qui se terminait par une porte de bois grossière mais d'une certaine épaisseur encastrée dans le roc, formant un obstacle qu'il devait être difficile de forcer. Arruban s'apprêtait à en saisir la poignée rouillée quand elle s'ouvrit brutalement, faisant apparaître un malandrin portant masse d'arme et qui marqua un instant de surprise, instant qui lui fut fatal puisque le voleur en profita pour, d'un geste vif et élégant, lui ouvrir la gorge. Mais soudain, alors que le corps de son adversaire s'effondrait en libérant quantité de fluides colorés, il fit un bon en arrière, car, dans l'encadrement de la porte était apparu le chef des bandits, armé de la rapière du voleur, suivit de son dernier sbire qui tenait un marteau. Les trois compagnons reculèrent de quelques pas tandis que les deux autres prenaient position.
    "Tiens donc, de vieilles connaissances... Ainsi vous vous permettez de mettre la zone dans mon humble logis. Et vous tuez mes compères. Je ne serai guère clément.
    - Bah, on venait juste récupérer nos biens. Et tant qu'à faire, on en profite pour nettoyer la région. Et on va vous tuer vous aussi. N'y voyez là rien de personnel, mais je me ferai un plaisir de planter votre tête sur ma rapière. Quand je l'aurai récupéré s'entend. Ça ne devrait pas être trop dur.
    - Mais regardez moi ça comme on se la ramène quand on est en position prétendument supérieure. Vous vous la jouiez moins hier, n'est-ce pas ? Et cette greluche... Eh, mais je la reconnais, c'est la folle qui vit dans les ruines. Ah, vous me faites bien rigoler...
    La sorcière planta son étrange regard dans celui du brigand, qui ne parvint pas à le soutenir plus d'une seconde, avant de brusquement détourner la tête, l'air un peu sonné. Gwen souriait méchamment, comme le fauve face à sa proie.
    - La greluche elle propose qu'on en finisse, car les figures de certaines personnes ci-présentes la révulsent au plus haut point, et elle se propose donc de leur cramer la gueule afin de les rendre plus agréables.
    - Voyons, l'interrompit Arruban, faisons cela dans les règles de l'art. Il serait fort malséant d'occire ces crétins sans leur laisser la moindre chance.
    - Je serai plutôt d'avis qu'on règle ça sans prendre de risques inutiles. Inutile de gaspiller notre temps pour ces arriérés."
    Menmost commençait à saisir l'intérêt des insultes. Espérer que l'autre commette une erreur. Ce fut finalement son trait qui fit mouche, puisque dans un cri bestial le second brigand se jeta sur le jeune héros, tandis que son supérieur engageait le voleur.
    Le jeune guerrier vit son adversaire arriver sur lui, arme haute. Il fit un pas en arrière pour avoir un bon appui, et attendit le moment opportun. Il esquiva sans grande peine le coup vertical destiné à lui ouvrir le crâne, et tenta à son tour de pourfendre sa cible d'une brusque détente du bras droit vers la gorge, mais son coup fut esquivé. Il savait que sa dague le désavantageait à longue portée, contrairement au marteau qui gênerait par contre son porteur à courte distance. Cela en tête, il chercha une ouverture dans les gestes de son adversaire, qui revenait vers lui en faisant des cercles de sa massive arme. Menmost fut obligé de reculer, et encore, pour éviter les mortels moulinets. Il eu alors un instant d'effroi. Il venait d'heurter la paroi de la grotte. L'autre vit son embarras et porta un prodigieux coup latéral, que Menmost évita de justesse en s'accroupissant. Et il constata qu'emporté par son élan, le bandit avait découvert le haut de son ventre, au niveau duquel se trouvait notre ami. Comme dans un rêve, il enfonça sa dague jusqu'à la garde dans les chairs de son opposant, dont le visage se tordit d'un mélange de douleur et de surprise alors que ses délicats mécanismes internes cessaient leur utile fonctionnement. Menmost voulu reculer afin de se mettre hors de portée des gestes désordonnées mais toujours menaçants du brigand, mais, ce faisant, il heurta derechef le mur et glissa à terre, rapidement suivi par le pourfendu qui s'écroula tête en avant dans la poussière, au pieds de notre héros encore étourdi. Il reprit rapidement ses esprits, se releva et retourna le corps inerte, afin de récupérer sa dague qu'il avait sottement laissé dans l'abdomen de ce qui avait été son adversaire. Il la retira des tissus encore chauds, ce faisant il libéra quantité de sang qui jaillit vivement de la plaie, noircissant la main du vainqueur. Il se releva, hébété, contemplant le corps de ce qui avait été un homme bien vivant, avec ses projets, ses envies, sa vie, dont il ne restait plus rien. Il tenta de se réconforter en pensant que lui, il était encore vivant, mais c'est en prise avec un certain malaise qu'il enjamba le cadavre pour s'intéresser au reste du combat. C'est alors qu'il sentit son coeur s'arrêter. Il venait de se retrouver nez à museau avec une bête apocalyptique et poilue, qui le regardait fixement d'un air cruel. Ah ben non, étonné plutôt. Car c'était l'once divine qui le fixait. Le gros chat eut un mouvement de tête, comme pour inviter Menmost à regarder la scène. Là-bas le combat aussi était terminé, le chef brigand gisait lui aussi, une dague entre les côtes et un trou large d'un pouce dans une épaule. Gwen, qui suivait sa bestiole, eu un sourire. Elle félicita le jeune guerrier pour sa victoire et, voyant son état, le raccompagna jusqu'à Arruban, qui venait de récupérer sa rapière qu'il essuyait désormais avec une expression d'intense satisfaction.
    "Eh bien Menmost, tu n'en t'en tire pas mal du tout. On dirait que le gros chat est arrivé trop tard. Tu as fait ça vite dis-donc.
    - Toi aussi dirait-on.
    - Oui mais moi j'ai eu un coup de main."
    Il désigna le trou dans l'épaule du mort, qui semblait la traverser entièrement. Gwen expliqua.
    "Trait de glace. Il a eu de la chance, si il n'avait pas fait ce bond de côté, ça aurait touché directement le coeur.
    - C'est une belle victoire. Quatre tués, aucune perte et un repère pour nous tout seul. On fouille maintenant ou on va d'abord récupérer ?
    - Je vote pour la récup. La magie, ça épuise.
    - Pareil, fit Menmost. Je suis crevé.
    - Bon d'accord. Il doit bien avoir des lits dans ce trou."
    Ils passèrent la porte encombré du cadavre du second bandit, et arrivèrent dans une vaste pièce circulaire au sol inégal, faiblement éclairée par les braises d'un feu mourant qui plongeait les extrémités du lieu dans la pénombre. Il y avait autour du foyer à l'agonie les reliefs d'un repas, les anciens occupants devant être en train de manger quand les trois compagnons étaient arrivés. On distinguait aussi quelques meubles rudimentaires, et, révélés par un souffle rauque, les deux chevaux attachés à la paroi rocheuse dans un coin sombre. Vers le centre de la pièce, quatre paillasses, autour du feu. Arruban fouilla un coffre, à la recherche d'un moyen de le ranimer, mais Gwen résolut le problème de façon trivial en lançant un projectile igné mineur sur les bûches, faisant naître de belles et réconfortantes flammes, autour desquelles tous trois s'assirent, et firent dîner des abondantes provisions des précédents locataires, avant de s'étendre et de plonger dans un sommeil réparateur.

    Menmost se réveilla en forme, les souvenirs du jour passé se dissolvant dans son esprit encore un peu naze, comme toujours au réveil, et obsédé par l'idée de calmer son ventre qui remplissait la double fonction d'être vide et de faire mal, comme toujours après une demi-journée de somme profond en ayant quasiment rien avalé la veille. Alors qu'il se dirigeait au radar vers une miche de pain, il remarqua que Gwen et Arruban était réveillés, et parlaient assez vivement a proximité de la porte de la salle. Tout en se rassasiant, il alla leur demander ce qui ce passait.
    "Eh bien il y a Arruban qui se fout de la gueule de mon Spinal.
    - Pourquoi ça ? Il a l'air d'aller très bien le Spinal, répondit-il en considérant le gros félin, allongé par terre, et qui considérait placidement les trois humains deviser.
    - Parce qu'au réveil, il était assis par terre et il bougeait plus du tout. Gwen s'est réveillé, elle a fait une sorte de prière et le chaton il s'est écroulé en faisant un drôle de bruit.
    - Bon c'est un peu de ma faute, c'est vrai, j'aurais dû m'en douter, hier soir, avant de dormir, je l'ai switché en mode veille pour qu'il monte la garde et ce matin, bêtement, il a planté au redémarrage, sûrement le système était devenu instable. Faudrait que je le défragmente un de ces jours, il bugge de plus en plus. Enfin bon, un reboot et ça allait mieux.
    - Il a pas besoin de manger ? demanda Menmost qui cherchait à changer de sujet.
    - Oh si, il s'est servit ce matin, après que l'ai dépanné. Il doit manquer pas mal de morceaux de viande.
    - Bien bien bien. Vous avez fouillé le bazar ?
    - Non, on allait s'y mettre.
    - Allez-y, je reprends à manger et je vous rejoins.
    Ils commencèrent à faire le tour des meubles, trouvant d'abord beaucoup de nourriture salée, qui devait permettre de passer plusieurs mois sans sortir, utile l'hiver lorsque la neige avait envahi la montagne, et dont la quantité aurait permit aux bandits d'ouvrir une boucherie. Il y avait aussi des fruits, assez communs, et quelques ustensiles d'une banalité affligeante. Ils retrouvèrent dans un coin sombre leurs affaires, avec la lettre comme le vérifia immédiatement le voleur. Une armoire leur offrit une collections de vêtements dont l'état allait du presque propre au moisi, la plupart immettables à moins de vouloir absolument ressembler à un rejeté de la société. Gwen ne trouva pas sa flûte mais une cape rouge déchirée qui semblait lui appartenir, mais elle semblait s'en moquer désormais. Ils continuèrent le tour du propriétaire, trouvant une sorte de râtelier à armes vide, une carte grossière de la région barbouillée de flèches, une chope en acier, une série de bourses de cuir vides, une enclume, quelques marteaux et pinces, un parchemin vierge, un squelette de chamois parfaitement conservé, des boites de conserves, un réchaud à gaz, un compteur électrique descellé, un vieil anneau de bronze dont le seul pouvoir semblait être d'enlaidir la main qui le porte, une roue de charrette, une longue vue cassée, une boîte de tisane et des cartouches UN 7.62. Rien de bien intéressant, comme le fit remarquer Arruban une fois qu'ils eurent fouillé partout.
    "C'est pas possible, c'est des bandits, ils ont forcement récolté des trucs. A commencer par notre or. Ils ont pas pu le dépenser comme ça. Doit y avoir une cachette quelque part. Faut chercher."
    Ils cherchèrent donc. D'abord un peu au hasard, se promenant dans la pièce à la recherche d'un indice, d'un fait inhabituel, mais rien. Finalement, Gwen décréta "qu'on avait pas que ça à foutre", et, avec l'aide de Menmost, elle commença à déplacer les meubles, tandis qu'Arruban examinait soigneusement à la lueur d'une torche chaque partie des murs rocheux. Il ne trouva autre chose que du granite d'excellente facture en quantité assez énorme, d'une belle couleur rosée striée de veines de quartz gris brillant gentiment à la lueur des flammes. Les deux autres eurent plus de chance, puisque après avoir plus démoli qu'autre chose deux coffres et une étagère, ils découvrirent, caché sous une armoire, et devenu fort visible après que celle-ci ait bruyamment chût sous leurs assauts, une sorte de trappe, une simple porte de métal  solidement arrimée au sol. Tout le monde se rassembla joyeusement autour, chacun imaginant le fabuleux trésor qu'elle gardait. Gwen, de par son plus jeune âge, eue l'insigne honneur d'ouvrir l'huis aux merveilles (9). Elle prit de ses deux petites mains la massive poignée et, de toutes ses maigres forces, tira. La porte ne bougea pas. Elle s'arc-bouta, et réessaya encore, mais rien n'y fit. Elle allait la défoncer à coup de sorts, comme semblait le signifier son air énervé, mais le voleur l'interrompit. Il fouilla quelques temps dans ses (nombreuses) poches, et en ressortit une clef de belle taille, "récupérée sur le chef", qu'il fit tourner dans la serrure qui répondit d'un cliquetis satisfait.
    "Pourquoi ne pas m'avoir prévenu ? Je devais avoir l'air bien conne.
    - Je savais pas à quoi elle servait cette clef.
    - Ben elle servait à ouvrir la trappe.
    - Oui mais je savais pas."
    Menmost coupa court à cet enrichissant échange en prenant son courage, ainsi que la poignée, à deux mains et ouvrit enfin la porte, qui tourna sur ses gonds en grinçant doucement. Ils se penchèrent. Et ils virent. Il y avait un grand trou noir qui, une fois qu'une torche fut approchée, se révéla être un escalier de meunier qui semblait plonger dans les profondeurs de la montagne, desquelles remontait un air chaud portant d'étranges et envoûtantes odeurs. Arruban les respira longuement avec une certaine expression de joie.
    "Le parfum de l'aventure, soupira-t'il."
    Puis, soudainement, il s'engouffra dans le trou, avec sa torche, et descendit prudemment les étroites marches point trop glissantes, comme s'en aperçurent les deux autres compagnons qui lui avait emboîté le pas. L'escalier était taillé dans la pierre, formant un couloir descendant de moins d'un mètre de large pour un pas et demi de haut. Comme on se l'imagine sans peine, y cheminer était donc inconfortable au plus haut point, d'autant plus qu'il ne semblait pas vouloir s'arrêter. Finalement, au bout qu'une petite dizaine de minutes, ils arrivèrent dans une pièce grossièrement taillée de deux pas de haut sur environ cinq de long et de large, qui faisait penser à une sorte de cave. Il y avait une lanterne posée au sol, qu'Arruban s'empressa d'allumer, ce qui permit d'y voir bien mieux et surtout de remarquer, outre la porte en face d'eux, les deux massifs coffres de chaque côté de la pièce. Ils hésitèrent quelques instants, excités, avant de se diriger vers celui de gauche. C'était ma foi un fort beau coffre, bien bâti, parfaitement honnête, en bon bois avec des renforts en fer, et une belle serrure bien narquoise. C'était aussi clair que si il y avait marqué "trésor" dessus. C'était l'archétype du coffre, celui que tout aventurier ouvre compulsivement dès qu'il l'aperçoit. Ils ne se firent donc pas prier et tous trois se retrouvèrent face au trésor ou du moins ce qui le contenait (en théorie). Arruban chercha de nouveau dans sa tunique et sortit quelques clés. Il allait en introduire une, lorsque la voix douce de la magicienne juvénile résonna dans la petite pièce, faisant sursauter tout le monde.
    "J'espère que c'est la bonne, le coffre est piégé.
    - Co... Comment le sais-tu ?
    - Ben je suis mage. La magie, je la vois. Enfin je la sens. Bref y en a sur le coffre et généralement c'est pas pour des sorts de soins.
    - Comment va t'on faire ? s'enquit Menmost.
    - Ben je vais devoir crocheter cette merde, c'est toujours les voleurs qui se tapent le sale boulot.
    - Tu veux que je le déverrouille par magie ?
    - Tu sais faire ça ?
    - Merci de me prendre pour une brelle."
    Elle se concentra un peu, avant de brusquement poser sa main gauche sur la serrure. Il y eu un choc sourd, semblant venir du mécanisme, puis plus rien, le silence. Un temps interminable passa avant que quelqu'un, le guerrier en l'occurrence, ne demande ce qui se passait. Deux mots tombèrent.
    "Échec critique."
    Arruban eut un soupir qui disait plus qu'un long discours.
    "Le mécanisme est bloqué je suppose ?
    - Le mécanisme est bloqué.
    - Là, en ce moment. Eh bien je pense que tu es une brelle.
    - Bordel, ça peut arriver non ? Vaut mieux que ça arrive maintenant qu'en plein combat ! Mais je vais vous l'ouvrir ce coffre moi."
    Il préféra agir avant qu'elle ne fasse une autre connerie.
    "Moui. Bon, écartez vous."
    Il sortit de ses décidément bien pratiques poches une paire de petits instruments, de la taille de crayons, mais en métal, et curieusement tordus à une extrémité. Il s'accroupit face à la "putain de serrure", et fit, avec art, jouer ses petits instruments, le visage empreint d'une intense concentration. Il y eut de nombreux clics, avant qu'Arruban ne confirme que la serrure était effectivement bloquée. Il tenta une "technique secrète", força un peu, puis clac. Un clac sec de mauvaise augure. Le voleur examina le reste de son crochet brisé d'un air las.
    "Y'aurait pas une hache dans le coin ?
    - Mais attends, il y a encore un espoir, et non des moindres !
    - Ah, et lequel ? demanda Arruban qui commença à se sentir nerveux.
    - Spinal veut essayer !"
    On se serait cru dans une tombe, surtout au niveau de l'ambiance.
    "Boooooooooon.
    - Ah, ça doit être de l'humour de sorcier. Non ? hasarda Menmost qui était pressé d'en finir.
    - Mais absolument pas. Non, Spinal va vous montrer comment on ouvre un coffre récalcitrant.
    - J'ignorai qu'il connaissait des petits tours. C'est pour monter un spectacle ?
    - Sot. Montre-leur, mon minou, ce que tu sais faire."
    La Divine Panthère s'approcha du trou de la serrure, posa doucement son museau dessus, et ferma les yeux l'air concentré, pour autant qu'il était possible d'en juger sur son visage félin. Puis il eut un miaulement déchirant et tomba lourdement sur le côté, inconscient.
    "Par Nyhna, Redas et Lh'Issin (10), qu'est ce qu'il lui est encore arrivé ?"
    Gwen s'accroupit près du corps inerte de son familier, l'ausculta brièvement, avant de se retourner et de leur sourire d'un air niais et désolé à la fois.
    "Planté. Problèmes de drivers. Il était pas configuré pour ce type de serrures.
    - Bondieubondieubondieu.
    - Et... euh, enfin, pourquoi il s'en est pas rendu compte ?
    - Tiens c'est bizarre ça en effet. Il est peut-être plus con que je ne le pensais.
    - Sans blague.
    - En tout cas il va retourner faire un tour dans le divin plan de Gwenijëfra, histoire de se faire nettoyer le système et se mettre un peu à jour. Allez, bon voyage."
    Elle brandit son pendentif au dessus de la masse molle de fourrure qui gisait pitoyablement et ferma les yeux. De nouveau, le cercle lumineux apparut au dessus du sol, et l'once sembla aspiré à l'intérieur, dans la lumière rouge sombre qui montait cette fois-ci. Le cercle se referma, et la magicienne expliqua.
    "Il sera de nouveau disponible d'ici une journée. Il va se faire remettre à neuf.
    - Tant mieux. Je disais donc, quelqu'un aurai t'il une hache ?"
    Menmost se demanda un instant  si ce n'était pas pour tuer la jeune fille. Il oublia vite cette pensée stupide (Arruban avait une rapière) et fit profiter les autres d'une idée enfin intéressante.
    "Il faudrait plutôt trouver un pied de biche."
    Ils durent convenir que c'était la meilleure chose à faire. Après avoir constaté la vacuité de la pièce, ils remontèrent dans la grande salle et se mirent en quête d'un morceau de métal adéquat. Gwen se rendit enfin utile en dénichant parmi les ruines d'une armoire une longue et bonne barre de métal dont ils tordirent l'extrémité en la frappant longuement contre un mur, activité qui les aurait fait passer pour des débiles en phase terminale si il y avait eu d'autres spectateurs. Ils finirent par obtenir l'instrument approprié et reprirent le chemin du coffre. Celui-ci présentait en effet un léger espace entre le corps et le couvercle, ce qui permit d'introduire la barre et d'en faire levier, le coffre semblant assez lourd pour ne pas bouger sous leur efforts. Ils forcèrent pas mal, et finalement, comme il se doit, le couvercle s'ouvrit en craquant. A leur grand soulagement le piège ne s'était pas déclenché, il avait du être détruit en même temps que le mécanisme de la serrure. Après moult cris de joie et accolades (car réussir à ouvrir un coffre récalcitrant est toujours une joie apte à ressouder les compagnies), ils purent donc enfin contempler leur trésor.


VIII) Le trésor (11)

    Il y avait un beau sac qui émettait un bruit métallique agréable quand ils le prirent, avant d'en verser le contenu sur le sol poussiéreux. Il se forma un joli tas de pièces de toutes les origines et toutes les couleurs, qu'ils s'affairèrent à trier, tous trois accroupis autour de leur récompense, activité forte agréable. Ils comptèrent ainsi pas moins de 670 pièces d'or, presque 1000 d'argent et autant en bronze, le tout en diverses monnaies, surtout Vostes, ainsi que cinq gemmes peu discernables dans l'obscurité du lieu. Il n'y avait rien d'autre, mais ce n'était déjà pas mal vous conviendrez. Fort de cette fortune rapide, ils se dirigèrent faire le second coffre, et après quelques discutions, il fut convenu qu'il n'y avait pas de pièges magiques et que le voleur s'occuper de la serrure. Celui-ci l'ausculta un peu avec ses instruments, avant de chercher dans sa robe la clé appropriée. Celle-ci se révéla l'être, appropriée, et la serrure émit un bruit agréable. A première vue, le contenu était bien moins imposant, mais ils ne furent pas déçus. Il y avait une épée courte, et un anneau. Celui-ci était de forme agréable, tout d'argent et d'émeraudes, aux motifs floraux complexes, tout le désignant comme étant d'une belle valeur en lui-même, mais surtout, il semblait sourdre une énergie qui le désignait assurément comme magique. Gwen ravit la compagnie en annonçant qu'elle pouvait lancer détections des pouvoirs magiques. Elle se munit de son symbole divin, qui servait ici de simple focalisateur (puisque ce n'était pas un sort divin), et après la méditation classique révéla qu'il s'agissait d'un anneau de magicka, renforçant le pouvoir du porteur, utile seulement à un mage donc. L'arme quant à elle, était plutôt étrange. Elle aurait pu sembler tout a fait ordinaire, avec son manche et sa garde semblable à ceux des épée de toute armée, si ce n'était sa lame, longue d'une vingtaine de pouces, fine et ondulée, faisant penser à un serpent aplati et effilé. Mais le plus terrible était sa couleur, d'un noir faisant irrésistiblement penser à la plus sombre des nuits. La faible lumière ambiante créait des reflets roux, dansant le long des tranchants, comme pour en souligner le fil digne d'un rasoir. Arruban ne put retenir une exclamation.
    "Par le Tribunal, une lame du Chaos (12) !
    - Qu'est ce donc ?"
    Gwen expliqua au peu expérimenté guerrier.
    "On dit que ce sont des armes forgées par les dieux du destin, puis dispersées au gré du monde, laissées au libre usage de ceux qui les trouvent. On les dits indestructibles, et pouvant trancher le cuir comme l'acier avec autant de facilité qu'un couteau dans de l'argile. Tu n'aura sûrement pas l'occasion d'en voir beaucoup.
    - Mais... Elle pèse le poids de deux armes !
    - Oui, elles sont très lourdes, intervint le voleur. Certains les disent aussi maudites, mais je n'en crois rien. Je pense que c'est ça qui a tenu ces bandits superstitieux à la cacher, on se méfie de la magie en ces contrées. Ces armes doivent bien disposer de pouvoirs spéciaux mais nuls ne les connaît vraiment.
    - Il existe une hypothèse selon laquelle les lames du Chaos naissent sous la forme de dagues, et au fil du temps évoluent pour devenir des épées longues, des marteaux...
    - Intéressant ça.
    - Sauf que l'on a absolument aucune preuves, et que si c'était vrai, on ignore comment elles évoluent, ou pourquoi. Bref, on n'y connaît rien. Et on a de la chance d'en trouver une.
    - A propos, il faudrait procéder aux partage du trésor avant d'aller plus loin.
    - Sage décision. Pour ma part, j'aimerai bien l'anneau.
    - Je pense qu'il n'y aura pas d'opposition, tu es la seule mage du groupe. Tous le monde est d'accord ? Parfait, il est a toi.
    - Merci, fit-elle d'une voix guillerette en enfilant son bien.
    - De rien. Bon ,les choses sérieuses maintenant : quelqu'un désire t'il la lame du Chaos ?
    - Tu ne la veux pas ?
    - En fait, après réflexion, non. Elle est trop lourde et trop peu discrète pour un voleur. Et ce n'est ni une dague ni une rapière, c'est une arme de guerrier. Donc, c'est triste à dire, mais je n'ai pas usage."
    Menmost n'était pas sûr de comprendre.
    "J'ignore si je suis prêt pour une telle arme.
    - Comment ça ? Tu ne manie pas si mal l'épée pourtant.
    - C'est que je ne suis pas un grand aventurier, et j'ignore si j'aurai de nouveau l'occasion de tirer l'arme du fourreau.
    - Qu'est ce qui te fais dire ça, ce ne sont pas pourtant les dangers qui manquent ?
    - C'est que... Qu'en ferais-je une fois à Genurn ?
    - C'est à dire ?
    - Eh bien, je ne pense pas passer ma vie comme aventurier. Je pensais, sitôt revenu en Dresnade, trouver un métier... "normal", et mener une vie plus "convenable".
    - Tu ne semble guère au courant de la réalité du métier d'aventurier. Dis-moi, à ton avis, en cas de problème majeur, à qui fait-on appel ? Qui donc est le plus à même de triompher des pires difficultés, de mener les missions les plus périlleuses ? Les compagnies d'aventuriers sont rapides, discrètes et aussi efficace qu'une armée. Je t'ai déjà dis que des personnages haut placés, voir des rois, nous mandataient souvent, j'ai moi même déjà été au service personnel de la duchesse de Sukurd. Il est difficile de trouver un métier plus important, et aussi lucratif. Regarde ce qu'en une seule journée on a amassé. Il y a là plusieurs fois le salaire annuel d'un village d'agriculteurs. Sans compter les objets magiques. Cette lame du Chaos représente certainement plus que ce qu'un ouvrier pratiquant une profession "normale", comme tu dis, gagnera en une vie. Tu as de la chance, tu n'est point bête et tu sais te battre.
    - Pas très bien.
    - Ce n'est pas ce que j'aurai dis. Mais, de toute façon, on commence toujours en bas de l'échelle.
    - Tes paroles me sont agréables. Mais je ne puis savoir si ce que tu me fais miroiter est vrai. Et puis, je ne pense pas que l'on trouve souvent pareils trésors.
    - Non, tu as raison. Ils sont généralement bien mieux. Là, à part l'épée, je suis un peu déçu."
    A vrai dire, Menmost n'avait rien de prévu une fois le chemin terminé. Ces derniers temps, il avait surtout chercher à rentrer au Dresnade. Mais une fois là-bas... Sa famille pensait probablement qu'il était mort. Si il revenait, la nouvelle se diffuserait sans nul doute et il pourrait être recherché comme déserteur. Voila pourquoi la proposition d'Arruban était fort tentante.
    - Et... Si je prends cette arme, aurais-je droit à une partie de l'argent ?
    - Hum... oui, moins que Gwen et beaucoup moins que moi qui n'ai rien gagné c'est sûr, mais tu aura ta part. Mais on verra ça une fois l'exploration terminée. En attendant, prends-la."
    Notre jeune héros se saisi de l'arme que son compagnon lui tendait. Ce qu'elle était lourde ! Il s'écarta un peu, et fit quelques mouvements. A sa grande surprise, une fois mise en mouvement, la lame semblait voler, était aussi maniable qu'une dague et à peine plus lourde. Elle semblait trancher l'air, qu'elle parcourait en sifflant doucement. Une fois lancé, on ne voulait plus s'arrêter, tant la danse de l'arme était fascinante, et on n'avait aucun mal à imaginer qu'elle traverserait avec une égale facilité n'importe quel ennemi sur le chemin. Cette étrange épée portait en elle des millénaires d'art de tuer, et il était impossible d'imaginer combien de propriétaires elle avait eu, combien de victime elle avait faite, et Menmost sentit enfin la chance prodigieuse qu'il avait. Quand il stoppa sa chorégraphie, le poids revint instantanément. Arruban, qui l'observait, supposa que l'arme avait envie de se battre.
    "Combien de temps est-elle restée inactive ? J'ignore comment les brigands l'ont trouvée, mais ils ne l'ont certainement jamais touchée, et l'on enfermé dans ce coffre. La pire chose que l'on puisse faire à une arme.
    - Tu pense que les armes sont vivantes ?
    - Vivante c'est un bien grand mot... Je pencherai plutôt pour une forme d'âme inerte, comme pour les roches. On sent qu'une pierre est vieille, on sent les épreuves qu'elle a subie, on sent les courants d'énergie qui la parcourt. Si tu vois ce que je veux dire...
    - Oui, assez. Mais je pense que ça ne s'applique pas simplement aux armes. Dans cette figure, tous les objets disposent de cette "âme".
    - Je pense que ça dépend du type des objets. De leur essence plus précisément. Une arme est faite pour tuer, et il faut qu'elle tue, tout comme la charrue doit labourer la terre, et qu'on reconnaît une charrue qui a déjà servie d'une neuve, et pas forcément par l'usure, tout comme...
    - Dites-moi les hommes, on se termine la grotte ou on reste à discuter philo, comme vous pourrez le faire autant que vous voudrez sur la route ?
    - Bon d'accord Gwen, qu'est-ce qu'il nous reste ?"
    Il restait la porte du fond, une bonne porte de bon bois, qui à première vue ne semblait pas constituer un gros problème. Mais évidemment, un détail vint compliquer l'affaire. En effet, la porte était verrouillée, mais ne disposait pas de poignée, et la serrure avait été bouchée d'une substance quelconque qui avait durci et immobilisé définitivement le mécanisme.
    "C'est étrange, si ils avaient voulu bloquer la porte, il suffisait de fermer à clef.
    - Sauf si ils voulaient empêcher toute ouverture ultérieure. Il y a peut-être un danger derrière.
    - Oui mais alors ils l'auraient barré, l'auraient renforcé d'une manière ou d'une autre pour qu'elle ne puisse pas s'ouvrir. Alors que là, il n'y a que la serrure à être bloquée.
    - Je confirme, aucune trace de magie dessus, ni derrière sur un rayon de trois mètres.
    - Elle est peut-être bloqué par derrière ?
    - Ce serait bizarre. Qui ferait cela ? Et puis on verrait de ce côté, ou en regardant le long de l'ouverture. Et il y aurait toujours la poignée de notre côté.
    - Ou alors c'est simplement un avertissement. Ils ont bloqué la porte pour se souvenir de ne jamais y aller.
    - Une clef aurait suffit.
    - Oui, sauf si ils voulaient que ce soit définitif.
    - Alors on ferait peut-être mieux de pas ouvrir.
    - Oui mais alors on saurait jamais ce qu'il y a derrière. Et puis le travail a l'air ancien, si il y un danger il est sûrement parti.
    - Dis moi, tu dis ça parce que tu y crois ou c'est pour te rassurer ?
    - Un peu des deux.
    - Bon, on l'ouvre ou pas ?
    - Un volontaire pour la forcer ?
    - Je ne suis qu'une faible jeune fille sans protection...
    - Je vais le faire alors.
    - ... Mais je veux bien l'ouvrir à coup de projectiles magiques.
    - Bon si tu veux.
    - Ce sera pas très discret.
    - Enfoncer la porte non plus.
    - C'est vrai.
    - Vous vous écartez ou vous voulez vous manger un trait de glace ?"
    Ils s'écartèrent promptement, laissant la place libre à la sorcière qui commença son sort. Elle leva ses mains jointes au dessus de sa rousse chevelure, avant de les redescendre doucement devant elle, mais alors que ses mains passaient au niveau de son visage, elle les tendit brusquement en avant, vers la porte qui ne se doutait pas de son funeste sort. Dans une détonation, une flèche de glace surgit vivement des mains de la magicienne pour venir heurter sa cible à grande vitesse, laquelle fut instantanément réduite en lambeaux de bois. Ceux-ci se répandirent dans le couloir sombre qui venait d'apparaître derrière feu la porte bloquée. Un couloir grossièrement taillé dans la roche de la montagne, qui se perdait dans les ténèbres.
    Les trois compagnons jaugèrent le conduit peut engageant qui venait d'apparaître, puis, doucement, descendirent en silence dans la pénombre.



        Comme le dit le sage, les plus grandes histoires commencent par un petit ruisseau, et c'est ainsi se clos la première partie des aventures du jeune Menmost, dans le suspens, la joie, l'aventure, le bonheur, l'appréhension, la terreur et l'aventure (rayez les mentions inutiles).
La suite, soon.







Notes :

1) Là vous pensez probablement à des choses exotiques et coquines, et vous regrettez que la vocation de ce récit ne soit pas d'en parler. Vous vous trompez, ce récit parlera de choses exotiques et coquines (enfin, peut-être...). Par contre, il ne parlera pas de ces rêves de soldats, qui dépassent largement du cadre "exotique et coquin", et pas qu'un peu.

2) Il avait déjà assez profité comme ça.

3) En l'occurrence, il s'agissait d'une réflexion sur la comestibilité d'étranges champignons violacés fluorescents, qui semblaient être la seule source de nourriture de la zone. Mais finalement, Menmost avait fini par trouver un buisson de magnifiques mûres et l'angoissante question ne s'était plus posé.

4) Ce qui était parfaitement vrai.

5) Hemesdauss était une petite divinité adorée par les montagnards stupides qui peuplaient la région. Dans le reste du monde, c'était un dieu on ne peut plus mineur, invoqué lorsque tous les autres dieux ne répondaient pas. Il prenait la forme d'un vieillard, drapé dans une toge noire aux motifs cabalistiques blancs, et déblatérant un flot permanent de paroles incompréhensibles pour le commun des mortels. Son attribut était le Bulot.

6) La lieue Voste est la principale mesure de longueur du Vosten et de Dresnade. Elle équivaut à 864,076 pas Essi, valant chacun 50,6679 pouces Egunian du XXXXIIIeme siècle. Prosaïquement, elle valait aussi un millier de pas Universels, d'un mètres chacun.

7) Tels que "Manuel Élémentaire de la Magie Apocalyptique", "Ma Vision du Monde, et comment la partager, par Kheersr Fléaudivin", "Comment se Faire des Ennemis et le Plaisir de les Détruire Ensuite", "Foutre la Merde Autour de Soi en 15 leçons", "Génocide for Dumnies", "1000 Photos de Chatons", "Martine au Temple Sacrificiel", et autres classiques.

8) Et oui, l'once ronronne, comme quoi je raconte pas que des conneries.

9) C'était une idée à Arruban, qui s'était bien gardé de préciser qu'en fait, cela devait servir à vérifier la présence de pièges.

10) Nyhna, Redas et Lh'Issin sont trois dieux majeurs du Sud-Syrnaë. Nyhna est la déesse de la Fête, de la Guerre et la Justice Immanente, Redas le dieu de la Loi, et de la Justice Humaine, tandis que Lh'issin est le dieu des marchands, du Commerce et des voleurs. Si ils ne sont pas les seuls dieux, on les cite généralement ensemble, pour une raison oubliée, mais sans doute en rapport avec le fait qu'on les associe couramment aux chefs des dieux, ce qui en réalité est totalement faux, mais passons.

11) Oui, je fais durer le suspens et non, je n'ai pas honte d'utiliser d'aussi vils procédés.

12) Le Tribunal est le nom donné à certains dieux dont l'existence même est sujette à question, et qui étaient des entités au rôle inconnu. Parfois associées aux elfes, ce furent des êtres d'une puissance formidable qui, dit-on, vécurent ils y a des millénaires en Gatarnie. C'est donc un terme assez peu connu en Syrnaë, et ceux qui savent évitent généralement de les évoquer. Pour jurer par eux, ils faut donc qu'Arruban ait été réellement surpris.