Hag présente :
Et voila que commence la grande épopée de Menmost et de ses compagnons.
Les Chroniques d'Elkmär
I : Menmost
I) Elkmär
Parmi l'infinité des sphères célestes
se trouvait
un monde que les Dieux n'avaient pas quittés. Ce
n'était
sûrement pas le seul, ni le plus grand, ni le plus juste.
Mais en
ce lieu se trouvait Elkmär, gigantesques continents parcourus
par
la magie. Il y avait en ces temps-là de grandes
forêts
vivants au pied des montagnes titanesques, striées par les
innombrables fleuves. Il y avait de d'énormes
créatures
de lumière et d'ombres
mêlées, se terrant loin des regards. Il y avait
des
esprits nés des arbres qui marchait sous les branchages
entremêlés de leurs géniteurs. Il y
avait des
rivières de feu, coulants parfois en cascades de
clarté.
Il y avait des choses innombrables et invisibles, se
réunissant dans les ténèbres, il y
avait des
monstres magnifiques à la peau de métal qui
vivaient
isolés le long des lacs des
sommets. Il y avait au fond de grottes aussi vieilles que le monde des
gisements de métaux inconnus, plus beau que l'or et plus
solide
que l'acier, exploités par des êtres aux peaux qui
luisaient doucement dans la pénombre. Il y avait des
dragons,
maîtres des cieux invulnérables et gigantesques,
admirés et craints par les elfes, les nains et les humains,
races qui s'étaient
répandues sur la surface de ces terres et qui,
maîtres de
leur propre destin, prospéraient alors au milieu de ce
gigantesque bordel.
C'était alors l'age Temnien. C'était un age de
Dieux, de magie, et de héros.
II) Où
l'on fait connaissance avec Menmost
Il grandit dans un village
aux environs de Drenadt, une
agglomération d'une certaine taille. Il avait
passé une
enfance agréable autant qu'ennuyeuse, occupé par
des jeux
innocents ou presque avec d'autres gniards, et aidant parfois ses
parents, modestes forgerons, à divers travaux d'une teneur
intellectuelle discutable, mais assurément constructifs.
Lorsque vint sa majorité
(à vingt ans) et en
manque cruel d'aventure, il
décida de s'engager dans l'armée,
espérant devenir un héros, voir du pays, et tout
le
bazar. L'armée en question était celle du
Drenasde, et
dont les généraux avaient la riante
idée
d'aller envahir
un royaume voisin, le Vosten, qui, coïncidence, leur avait
été décrit comme grand, riche, et mal
défendu. Et c'était donc joyeusement que la belle
armée s'était mise en marche vers la gloire, la
fortune,
le pillage, le meurtre et le viol. Comme on se l'imagine, le moral
était au beau fixe, tous les éléments
semblaient
réunis pour passer un bon moment, les soldats, dans leurs
jolies
armures plus d'apparat que d'autre chose, riaient, plaisantaient
gaiement, et s'amusait avec qui leurs épées, qui
leurs
lances.
Oui, ça semblait vraiment bien partit.
Les premiers combats furent rondement
négociés,
la bonne
dizaine de milliers de Drenasdiens parvinrent sans trop de pertes
à éliminer les quelques milices et patrouilles
municipales qu'ils rencontrèrent. Les fermes furent
stratégiquement pillés, les villes tactiquement
incendiées, et les fermières (ainsi que certains
fermiers et moutons) furent elles aussi "rondement
négociées", comme les soldats hilares racontaient
le soir
autour des feux de camps, bière Voste à la main,
et la
tête pleine de rêves, pour la majorité
éthyliques, basés sur le malheur d'autrui, ou
plus
simplement non racontables dans un récit dont ce n'est pas
la
vocation (1).
Tout ce passait donc pour le mieux, et un matin, la
troisième
semaine, les généraux annoncèrent que
ça y
est, l'armée du Vosten était en vue, et donc que
la vrai
guerre commençait, que ça allait saigner, que ce
jour
allait être inscrit dans l'histoire, qu'ils allait gagner,
que la
justice allait triompher, etc etc. Dans l'autre camp on racontait
globalement la même chose, sauf qu'on en rajoutait moins pour
motiver les soldats,
puisque les Vostes étaient facilement quatre fois plus
nombreux,
mieux équipés, mieux
entraînés, et dans une forme olympique, eux
n'avaient pas
passés la dernières semaines à faire
ripaille.
Les généraux
Drenasdiens se
demandèrent comment
une telle armée avait pu échapper à
leurs
vaillants éclaireurs. La réponse était
simple, les
vaillants éclaireurs travaillaient en majorités
pour les
Vostes, lesquels leur versaient une généreuse
pension
(ainsi que l'hébergement pour eux et leur famille, ils
savaient
bien ce qu'ils leur arriverait une fois cette magnifique trahison mise
au jour). Et donc les soldats Drenasdiens allèrent au devant
de
leur destin.
Ce fut en vérité
un carnage sans nom.
Le sort fait par Drenasde à
leurs belles cités
n'inspirèrent guère la clémence aux
attaqués, qui plus est désireux de
faire un
exemple. On pourrait donc sans trop mentir raconter que les attaquants
furent promptement exterminés, dans ce qui fut plus tard
appelés la bataille de la Plezeva, du nom de la
rivière
paresseuse qui délimitait l'un des bords de la plaine
fraîchement repeinte.
Menmost avait participé à
la bataille, et y
était
mort, du moins officiellement. Il avait en fait eu une
réaction
particulièrement sensée au début du
combat. Il
avait profité du fait d'être sur un des flanc de
l'armée pour profiter de la confusion ambiante pour
s'enfuir dans la forêt qui bordait ce
côté du champs
de bataille. Sans chercher à profiter (2)
du spectacle, il
s'était enfoncé dans la
végétation le
plus loin possible, et passa le restant de la
journée
à marcher le plus loin possible, et passant la nuit sur ses
garde, sous les branches, se félicitant d'être
resté en vie, et se disant intérieurement que
venu pour
l'aventure, maintenant, isolé en territoire inconnu et
globalement hostile, eh bien il allait en avoir à un
niveau
qu'ils n'aurait jamais osé en espérer.
III) Où
l'on est perdu en pays hostile, et où l'on rencontre un
mystérieux inconnu
Après être sorti de
la forêt, il
avait
rencontré une route du royaume, qu'il avait suivi
plusieurs
jours vers l'est, vers le Drenasde. Il avait traversé
plusieurs village, mais était passé
inaperçu, car les Vostes et les Drenasdiens
étaient
d'origine commune et partageaient un même physique, une
même
langue et la même monnaie. Notre héros se
fondaient
donc
dans le flux des marchands et des étrangers, l'argent
amassé depuis le début de la guerre subvenant
encore
à ses maigres dépenses. Il trouvait
généralement de quoi manger (les champs
étaient plein de maïs), et si il ne
pouvait
dormir à la belle étoile, ils s'offrait une
chambre
d'auberge, et parfois la fille proposée avec. Il vit
donc du
pays, et apprit pas mal de choses qui étaient parfois
intéressantes.
Hesffat était un gros village
sans grosse importance. Il
partageait
avec le reste de la région une architecture commune et qui,
à défaut d'être exceptionnelle,
laissait à
penser que ce territoire ne s'était fait
intégré
que tardivement par les Vostes, assez expansionnistes il faut l'avouer.
Il y avait donc une place centrale, d'où partait une
multitude
de rues tortueuses et même assez vicieuses, qui tournaient et
se
recoupaient, faisant de ville un cauchemar d'urbaniste. Les maisons
étaient hautes et peintes, dans des tons foncés
mais
point trop sinistres, et les ruelles étaient souvent
plongées en toute heure dans leur ombre. Les commerces se
trouvaient en majorité autour de la vaste place, et
proposaient
la foule de services habituels, tandis que les tavernes se trouvaient
plus profondément enfouies dans la pénombre de la
ville.
Hesffat avait une unique église, de dimensions modestes,
qui,
chose exceptionnelle, ne se trouvait pas sur la place mais au fond de
la ville, en haut d'une butte assez haute pour qu'on puisse la voir de
loin. On y priait les quelques dieux locaux, sans trop de
zèle,
la région n'était pas connue pour son fanatisme
religieux. La ville était coupée en deux par la
Grande
Route de la région, qui passait à
proximité de la
place, et permettait un commerce aisé.
Le sort avait amené Menmost
à passer
en
cette ville. Le sort, ou plutôt le froid, car
les nuits étaient plutôt fraîches (le
Vosten et de
Dresnade étant loin des tropiques), et la
température
avait
décidé de descendre un bon coup. Si on ajoute
qu'il
avait été ralenti par un problème
trivial, mais
néanmoins gênant (3),
il se trouvait encore sur la route lorsque le soir tomba.
Ne souhaitant pas passer la nuit dehors, il s'était
dépêché de trouver un lieu chaud
où
dormir. La ville était apparue avec ses milliers de
lumières perçant la pénombre; il s'y
était
hâté. Ils nota avec joie que les
portes
restaient ouverte la nuit, mais surveillées par un certains
nombre de miliciens apte à décourager les bandits
trop
ambitieux. Ils paya son entrée, et apprit
qu'il
était possible de dormirent a l'église,
où des
chambres et un repas étaient gracieusement mise à
la
disposition des voyageurs. Il s'y dirigea donc, et
fut
accueilli assez froidement par un moine qui voyait mal
l'arrivée
aussi tardive d'un homme, armé qui plus est. Mais il ne
s'opposa
pas à son entrée, et après lui avoir
remis son
équipement, comme le voulait le règlement, il
subit
la nourriture et la boisson, qui lui fit regretter de ne pas
être
allé à l'auberge, mais bon, à ce prix
là,
c'était dur de trouver mieux. Le Père
supérieur
passait par là et lui fit l'honneur de sa conversation.
"Alors mon ami, le repas est-il
à votre goût ?
- Euh certes mon Père.
Dites-moi, c'est un fort bon usage que
d'accueillir à toute heure les voyageurs sans le sou,
détourna la conversation Menmost, qui ne tenait pas
à
discuter de la chose peu identifiable qu'il venait d'avaler.
- C'est en vérité
une bien ancienne coutume de ce
lieu qui
se voulait à l'origine un refuge pour aventuriers.
- Plus maintenant ?
- Si, c'est toujours un refuge... Mais
les aventuriers se font rares...
Autrefois ils passaient par compagnies entières, mais
désormais, nombreuses sont les
journées qui passent
sans qu'un seul ne passe... Vous mangerez seul ce soir je le crains."
La chambre qui lui fut
attribué était une petite pièce
sombre, sentant le moisi et dont le seul lien vers
l'extérieur était un modeste soupirail. Elle
était remplie de quatre
lits superposés, mais tous étaient vides. Fatigue
aidant,
il s'endormit vite, malgré son lit dont le confort semblait
vouloir absolument le maintenir éveillé toute la
nuit. Il
se réveilla globalement en forme mais avec un mal de dos
épique, apparemment assez tard compte tenu de la hauteur du
soleil qui perçait par l'étroite
fenêtre de la
chambre. Il se prépara rapidement, vérifia qu'on
ne lui avait rien volé et qu'il avait toujours tous ses
membres (il s'étira quoi). Avant de sortir, il remarqua
qu'une autre personne dormait sur un autre des lits. Elle avait due
arriver pendant la nuit. Menmost pris son sac et son
épée et se traîna vers le
réfectoire,
où il constata que quelques religieux prenait leur repas de
midi. Ils ne firent aucun commentaire sur le lève-tard, et
eu le droit comme les autres à sa ration de ce qu'il faut
bien appeler repas, puisque malgré son aspect il servait
bien à remplir ce rôle et semblait comestible.
Tandis qu'il ingérait sa
mangeaille, Menmost eu la surprise de voir venir l'autre dormeur
s'attabler à son côté.
C'était
un homme de taille moyenne,
vêtu d'une robe ample qui dissimulait toute information sur
sa
corpulence. Il était d'une taille moyenne, d'un age
indistinct,
avec des cheveux gris pas assez long pour l'être, long, mais
pas
vraiment très courts non plus, et arborait un collier de
barbe. Il devait avoir entre vingt-cinq et quarante-cinq ans, difficile
d'être plus précis sans pouvoir se tromper. Il
ressemblait étrangement au type dont on ne connaît
rien et
qui cherche à dissimuler toute information sur lui. Il
mangèrent quelques temps en silence, tandis que les
religieux se retiraient. Il remarqua que son voisin transportait lui
aussi un gros sac, et surtout ce qui semblait être une
épée. Lorsqu'ils furent seuls, l'inconnu prit la
parole.
"Dis moi l'ami, tu n'es pas Voste, je me
trompe ?
Il parlait d'une voie grave et chaude,
et tout son être
dégageait une aura de sympathie
et de
confiance malgré son apparence tout à fait
quelconque. On
lui aurait donné le bon Cthulhu sans confession.
Malgré tout, Menmost n'avait guère envie que l'on
connaisse ses origines. Il décida de ruser.
- Pardon ? Euh, si, je vous l'assure, et
d'ailleurs eh bien...
- Non, tu n'es pas Voste. C'est
très simple à voir, tu viens dormir ici alors que
tout Voste sais depuis qu'il a cinq ans que quasiment toutes les
auberges offrent la chambre aux voyageurs itinérants, pour
peu qu'ils payent le manger, qui est incomparablement meilleur qu'ici,
ce qui n'est pas très dur je sais, mais qui au moins rempli
son homme et permet au moins de se remettre en route le ventre plein,
ce qui ne risque pas de t'arriver.
- A toi non plus.
- C'est vrai. Mais je te vois
gêné. Si ça peut te rassurer sache que
je ne suis pas Voste moi non plus.
- Pourquoi n'est tu pas allé
à l'auberge ?
- Pour deux raisons. J'avais besoin de
passer inaperçu. Et en venant,
j'espérais que le hasard me serait favorable. Je vais
être franc. Je suis moi aussi ce qu'on peut appeler "un
voyageur itinérant". Je suis en vérité
en mission, et je cherche compagnons. Serais-tu
intéressé ?
- Et... en quoi ça consiste ?
- Ah ça tu ne saura plus que
si tu accepte...
Tout ce que je peux te dire, c'est que je doit amener quelque chose
quelque part, vers l'Ouest, au Nord de Dresnade.
- Vers Genurn ?
- Tiens tu connais ?
- Euh non. C'est une intuition.
- Ah bien sûr. Bon, es-tu
intéressé?
On partagera tous les gains équitablement, et il risque d'y
en
avoir des gains si on remplit correctement la mission.
Il faut dire que Menmost cherchait par
tous les
moyens de rentrer au Dresnade, et que ces derniers jours il marchait
sur la route de commerce du Nord, qu'il savait justement mener
à Genurn. Le marché de l'étranger
l'intéressait donc
assez, puisqu'en plus de l'escorter jusqu'à sa destination
il
proposait une rémunération.
- Bien, j'accepte.
- Parfait. Je m'appelle Arruban.
- Menmost.
- Mettons nous en route. Je t'en dirais
plus en chemin."
IV) Où l'on
chemine
Après avoir remercier de
mauvaise foi les
moines pour leur accueil, les deux -désormais- compagnons se
mirent en route. Au Nord commençait à pointer les
sommets
des Monts Forteresse, où, selon la légende,
vivaient de
grandes tribus naines qui forgeaient leurs métaux secrets
loin
du regard des êtres de la surface afin de combattre des
créatures défiant toute imagination (4).
Le temps était radieux, les conditions
idéales pour la marche. Ils passèrent ainsi
l'après-midi à deviser de choses et d'autres, ce
qui
permit à Menmost d'apprendre que son compère
n'était ni Voste ni Dresnasdien, mais venait de Sukurd,
grand
port de guerre humain de la Mer Intérieure, et semblait
passer son
temps sur les routes. à faire des petits boulots. Il eu
également la confirmation qu'Arruban savait qu'il venait du
Dresnade, mais il ne semblait pas y prêter une quelconque
importance. Alors que le jour déclinait, la route
commençait à grimper le long des hautes collines
qui
deviendraient rapidement les sommets sud des Monts Forteresse, biens
moins élevés que les grandes montagnes plus au
Nord, mais
qui coupaient néanmoins en deux le Sud de la
péninsule
Syrnaénne, La nuit était tombé depuis
une bonne
heure lorsqu'ils atteignirent l'auberge du Col Glacé
(ce qui n'était guère le cas). L'auberge
était de belle taille afin d'accueillir les nombreux
voyageurs
qui transitaient par cette importante route commerciale. Le repas
était hors de prix, l'auberge étant seule dans la
région, mais assez nourrissant, et la chambre relativement
confortable, et tous deux passèrent une nuit sans histoire.
Le petit-déjeuner (avec
croissants à
volonté) fut l'occasion de se mettre d'accord sur l'achats
de
montures, qui leur permettraient de rejoindre Genurn en une bonne
semaine, au lieu de la vingtaine de jour initialement
prévue.
Les
deux fiers destriers qui leur fut proposés par l'aubergiste
semblaient en pleine santé, ce qui leur fit accepter le
marché malgré le prix surprenant. Menmost
n'était
jamais monté encore à cheval mais finit par s'y
faire,
voir à apprécier cette manière d'aller
plus vite
sans se fatiguer et en admirant le paysage, assez splendide, avec
à leur gauche, vers le Nord, les cimes enneigées
et au
Sud les plaines qui rétrécissaient au fur et
à
mesure de
leur ascension. Cela leur permit aussi de discuter, notamment des
armes.
L'épée en acier standard de l'armée
Dresnadienne ne
pouvait rivaliser avec la rapière d'Arruban, une longue et
très fine lame ressemblant à une aiguille
géante.
Ils parlèrent aussi un peu plus en détail de la
mission.
Il s'agissait en fait de remettre une lettre à un marchand.
"Et que dit-elle cette lettre ?
- Je ne sais pas. Et je ne cherche pas
à le
savoir. On m'a bien dit que l'enveloppe devait être intacte.
Je
ne vais pas compromettre la mission avec une curiosité mal
placée. Puisque c'est pour un marchand, je suppose que ce
doit
être les prévisions pour les cours des
marchandises.
C'est assez fréquent.
- Comment a tu eu ce travail ?
- Eh bien je venais de terminer ma
précédente entreprise, assez semblable
à celle-ci,
et je me reposais dans une taverne, quand un individu qui se
dissimulait dans un grand manteau noir, comme tous ceux qui cherchent
à passer inaperçus, ça permet de les
reconnaître de loin. Bref, il est entré, et s'est
dirigé vers moi pour me proposer le travail. Et voila.
- C'est bizarre comme méthode.
- Oh que non. C'est comme ça
que ça marche.
- Et donc tu ne fais que ça ?
Remplir des petites missions qui t'envoient promener un peu partout ?
- Si tu vois les choses comme
ça, oui. Mais
toutes les missions ne se ressemblent pas. Il y a les petites
activité : transmettre un message par exemple, et d'autres
plus... intéressantes.
- Genre ?
- Eh bien... Faire en sorte qu'un objet
convoité change de propriétaire
discrètement, sans
forcement l'accord de son ancien détenteur, par exemple.
- Mais c'est du vol !
- D'un point de vue légal,
oui. D'un point de
vue personnel, c'est surtout un moyen de s'enrichir facilement.
- Tu es un voleur ?
- Je suis surpris que tu ne t'en sois
pas encore aperçu.
Maintenant c'était trop
évident. Une
personne si avenante et apparemment si digne de confiance ne pouvait
qu'être un voleur, cette catégorie
socio-culturelle
universellement méprisée par les braves gens qui
n'ont
rien d'autre à foutre qu'à regarder leur nombril
et leurs
relevés bancaires. Menmost pour sa part avait toujours
considéré ces personnes comme une sorte de mythe,
tout
comme les aventuriers. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il avait
toujours vécu à la campagne dans de petites
villes,
tandis que les organisations souterraines (guildes de voleurs ou
d'assassins par exemple) se trouvaient en majorité dans les
grandes agglomérations.
- Mon noble métier semble te
déranger.
- C'est que je pensais que tu
était honnête homme.
- Mais c'est le cas ! Que va tu insinuer
?
- Mais les voleurs sont des hors-la-loi !
- Dis moi, tu ne semble guère
avoir grande
expérience de la vie... Sinon tu saurais que le respectable
métier de voleur est l'un des plus pratiqués, qui
n'a
jamais volé dis-moi ? Mais les voleurs "professionnels",
ceux
dont j'espère faire partie, sont des gens
recherchés pour
leurs nombreuses qualités. Si tu savais le nombre de fois
où j'ai été employé par de
nobles et respectés personnages, voir des monarques
ou d'autres nobliaux du même acabit. Nous sommes un moyen
rapide
et je dois dire efficace de régler certains conflits
rapidement et sans "dommages collatéraux". J'ajouterai
que
les voleurs ne sont pas plus hors-la-loi que les autres, car saches
qu'il est tout à fait légal de voler, et ce dans
toutes
les sociétés.
- Tiens donc.
- Il est juste illégal de se
faire prendre.
Quand aux fait d'être malhonnête, et bien il y en a
des
voleurs malhonnêtes, tout comme il y a des marchands
malhonnêtes, des juges malhonnêtes, des dirigeants
malhonnêtes... Pour ma part, j'essaie d'être le
plus
honnête possible, ce qui peut se traduire par mon respect du
contrat. J'ai toujours rempli mes missions avec un minimum de
problème, faisant ce qui était demandé
et ne
cherchant pas à compliquer les choses.
Il y avait comme une sorte de froid sur
la scène.
- Saches que je ne te veux rien de
mauvais. J'aurai
probablement besoin de ton aide, et je n'ai guère envie de
te
supprimer ni de te voler. Je t'ai promis ta part de
récompense, et tu l'aura.
- Pourquoi tu aurai besoin de mon aide ?
Tu m'a l'air amplement capable de te débrouiller seul.
- Déjà, la route
est bien plus
agréable quand on a quelqu'un avec qui discuter. Mais
surtout,
il existe certaines situations ou être deux personnes
à se
servir d'une épée est un plus
indéniable.
- Quelles situations ?
- Tiens, celle-ci par exemple.
- Holà mes amis, la bourse ou
la vie"
La route était
déserte. C'était
le début de l'après midi, mais l'air
était frais
à cause de l'altitude. A cet endroit, le chemin
était
contenu entre deux grandes paroi rocheuse assez inclinées et
haute d'une petite dizaine de pas, qui le protégeaient du
vent, et la route prenait alors un brusque virage vers la gauche, les
bordures empêchant de voir ce qui avait au delà.
C'était
vraiment l'endroit rêvé pour se faire attaquer. La
dernière personne à avoir parler était
un massif
montagnard qui avait du un peut trop tirer sur la fondue vu sa
corpulence. Il avait le visage dur, le menton recouvert d'une
épaisse (et fort sale) barbe brunâtre. Il portait
une
grossière armure de cuir, et tenait fermement un massif
marteau
de métal qui devait au bas mot peser quarante livres.
Derrière lui se
trouvait trois autres malandrins tout aussi peu avenant et portaient
qui un casse tête, qui une masse d'arme.
"Et donnez nous aussi vos beaux chevaux,
ou je vous
promet qu'avant une heure vous giserez, gisant, vos gésiers
gémissants, par Hemesdauss (5)
!
- Quelle jolie phrase.
- Merci. Je l'ai inventé pour
montrer aux
voyageurs que nous sommes, au fond, de braves poètes, et pas
les
brutes qu'ils s'imaginent.
- Je les comprends. Au fait, les humains
n'ont pas de gésier. Seulement les oiseaux.
- Je sais, mais allez trouver
quelque chose d'autre
qui aille aussi bien. C'est plus le rythme de la phrase qui compte,
plutôt que le sens.
- Si on remplace par "gorge" ?
- Ça peut coller mais
ça
marche moins bien.
Ça ferait : "vous giserez, gisant, vos gorges
gémissantes".
- C'est pas mal aussi. Je
préfère presque. Au moins, ça veux
dire quelque
chose.
- Oui mais vous ne vous y connaissez pas
en poésie.
- Oui mais je ne suis pas un montagnard
arriéré.
- Wah mais comment il me cause l'aut' !
Eh les gars
on va se les faire, voir si ils gisent bien dans leur
gésiers !
Riant de ce bon mot, le chef, suivi par
ses
compères, s'approcha, l'air moins qu'amène, des
deux
voyageurs. Menmost regardait Arruban d'un air
désespéré, effaré que le
voleur ait
transformé ce simple braquage en affrontement. Mais le
voleur
souriait, l'air serein. Tranquillement, il descendit de son cheval,
invita Menmost à en faire autant, et interpella le brigand.
- Ohé, messire, nous nous
rendons. Voila nos
braves chevaux et nos bourses. Mais par pitié, laissez nous
partir!
- Nan ! Z'allez crever !
- Vous nous aviez promis la
vie sauve !
- Oh c'est vrai excusez-moi. Bien, les
gars, prenez
leurs affaires et leurs armes et laissez les passer. Il ne sera pas dit
que Graskkarzluk le Poète ait été
injuste. Voyez,
je n'ai qu'une parole et j'essaie de m'y tenir. Je vous avais promis la
vie sauve si vous vous rendiez, vous aurez donc la vie sauve. Merci que
m'avoir éviter de faire la boulette en vous tuant.
- De rien, c'est toujours un plaisir
d'aider les handicapés."
Menmost marmonna un bref
"pitié, ferme-la",
mais le voleur se contenta de rire, et tout deux prirent la tangente
avant que les bandits ne changent d'avis.
V) Enfin un
peu d'action
Un peu plus loin, environ quinze minutes
plus tard.
"Mais par Nyhna pourquoi donc a tu donc
provoqué ce bandit ?
- Aaah ça faisait
longtemps que j'avais pas autant rigolé.
- On était à deux
doigts de se faire tuer !
- Pas si sûr.
C'était de simples brutes sans
cervelle. On aurait peut-être pu les
négocier.
- Mais ? Tu aurais pu les tuer et tu les
a laisser partir avec tout nos biens ?
- Oui en effet, mais j'ai
préféré ne pas prendre de risques.
Mais tout se passe bien.
Arruban arborait un grand sourire.
- Comment ça ?
- Ces bandits sont de braves couillons.
Tout les
désignent comme des montagnards, ils sont donc probablement
une
base arrière quelque part dans la zone. Ils nous ont pris
les
chevaux, pour les revendre puisque hors des sentiers personne l'a usage
d'un cheval de route en montagne. De plus, les ramener à
leur
base va les ralentir et les obliger à prendre les chemins
les
plus praticables. Enfin, à gauche, de l'autre
côté
des rocher, la montagne finit rapidement en falaise. Ils sont donc
forcement partis vers notre gauche.
Menmost avait un horrible pressentiment.
- Tu veux dire ? On va attaquer leur
repaire ?
- Exactement. Une manière
simple et efficace
de s'enrichir un peu et d'éliminer la menace de la
région.
- Mais si on ne le trouve pas ?
- Alors on aura perdu tous nos bien pour
rien. Il
vaudrait donc mieux que nous le trouvions, surtout qu'ils ont aussi
pris la lettre.
- Moui je vois ce que tu veux dire...
- Parfait. Montons sur les rochers."
Ils escaladèrent sans peine
la paroi rocheuse
qui bordait la route, pour déboucher après une
petite
dizaine de mètres sur un vaste chaos granitique qui
s'étendait de tous côtés, si
tourmenté et
décourageant que l'on aurait pu croire à une
erreur de
programmation. Mais tel était sa nature, semblant signifier
aux
hommes "restez sur le chemin et laissez la montagne en paix". Cela ne
sembla guère importuner Arruban qui grimpa sur une
excroissance
particulièrement proéminente et examina les
alentours.
"Bien. Je vois l'endroit où
ils
étaient postés, et une sorte de sentier,
probablement
celui qu'ils ont emprunté pour partir. On va aller voir."
Ils allèrent donc voir,
sautant de roches en
roches sur le terrain inégal. Ils y arrivèrent et
constatèrent qu'il s'agissait bien d'un chemin discret
permettant de se déplacer facilement dans le chaos. Ils
remontèrent le sentier sur environ deux lieues Vostes (6),
constatant qu'il montait de plus, avant de déboucher sur un
vaste pâturage l'élevant à
flanc de
montagne jusque
très haut. Il était entièrement
recouvert de
hautes herbes d'un bon mètres chacune, donnant l'impression
d'un
océan vert ondulant gentiment au gré du vent.
L'air
était frais, mais point trop, et le silence absolu. Tout
respirait le calme. En se retournant, on apercevait, au delà
du chaos,
très loin en contrebas de la montagne, la vallée
fluviale
de la Dresn, sur laquelle était bâti Drenadt,
capital du
Dresnade, tous deux tirant nom de ce puissant fleuve. Au sud on voyait
une grande partie de cette zone pourtant de plusieurs centaines de
kilomètre, tandis que vers le nord un massif montagneux
emplissait l'horizon, ses sommets recouverts par une neige
éblouissante. On se sentait minuscule, insignifiant face
à cette vision de la toute puissance de la nature, loin des
problèmes bassement matériels. Ils firent une
brève pose pour profiter de la beauté et de la
sérénité du lieu. Puis, presque
à regrets,
ils reprirent leur travail, cherchant parmi les herbes des traces de
passage. Finalement Arruban trouva une série d'empreinte,
dont
celles de chevaux. Ils suivirent donc les traces en silence,
à
cause du lieu, et aussi pour ne pas se faire repérer, les
sons
portants loin dans l'air pur. Ils marchèrent un certains
temps,
traversant toujours l'immense étendue herbeuse, en seule
compagnie du vent, montant toujours plus haut. Le soleil
commençait à décliner, il ferait
probablement nuit
dans moins de trois heures. Les empreintes semblait à
présent marcher le long de la montagne, vers l'est, comme
pour
la contourner. Finalement, la nuit tomba alors qu'ils marchaient sur
des traces de plus en plus fraîches (notamment du crottin
tout neuf).
Ils continuèrent encore un peu, mais l'obscurité
les
empêcha d'aller bien loin. Ils n'eurent d'autres choix que de
s'arrêter et de passer la nuit sous une petite formation
rocheuse
qui fournissait un abri de fortune, sous lequel ils
s'étendirent, toujours dominé par la taille
écrasante de la montagne.
Une fine pluie les réveilla
alors que l'aube
se levait. Protégés par les rochers, ils
petit-déjeunèrent de leurs maigres provisions en
assistant au lever du soleil sur les sommets des montagnes. La pluie ne
voulait pas finir, et ils durent donc reprendre leur chemin sous
l'averse glacé. Mais Arruban souleva un
autre problème.
"L'averse a effacé les traces.
- Comment va t'on faire ?
- On va continuer. On a
marché assez
longtemps, on ne devrait plus être très loin.
Comme les
brigands ne nous ont sûrement pas remarqués, ils
n'ont
donc pas essayer de nous tromper et ont été
directement
à leur repaire. En continuant et en cherchant toute
habitation,
grotte ou choses en ce genre, on devrait y arriver.
- J'aimerai en être aussi
certain.
- Tu as une autre idée ?
- Hum non.
- Bon alors on va faire comme
ça. C'est pas
la première fois qu'une emmerde de ce genre m'arrive, et
ça ne m'a jamais gêné outre mesure."
Menmost n'était pas
très
rassuré mais dû convenir que c'était
pourtant la
meilleur chose à faire, devant absolument
récupérer leurs affaires. Ils
marchèrent donc,
mais bien moins agréablement que la veille, puisque la terre
s'était transformé en boue et qu'à
chaque pas ils
s'enfonçaient un peu. La
pluie cessa rapidement, pour laisser place à quelques nuages
paresseux laissant percer le soleil. Après environ une
demi-heure, ils atteignirent un zone un peu plus rocheuse, dans
laquelle un joyeux torrent descendait depuis on ne sait où
(mais
sûrement de très haut), pour continuer son chemin
jusque
une sorte de col loin en contrebas, où il formait un petit
lac.
Celui-ci était entouré par quelques
conifères et
par une multitude fleurs multicolores, créant un paysage
singulier parmi l'immense pâturage uniformément
vert. Mais,
plus
important, il semblait y avoir des sortes de bâtiments, dont
un qui
semblait plus grand et différents des autres. Les
constructions
étaient placés à l'abri des quelques
arbres, qui
formaient une barrière efficace contre le vent, mais en
réduisait la visibilité. Rassurés, les
deux
marcheurs descendirent donc en direction de ce qu'ils pensaient
être le repaire des méchants. Mais, par un caprice
du
destin, il n'en était rien. En s'approchant, ils
s'aperçurent que les bâtiments
n'étaient plus que
ruines , ce qui autrefois devaient être de robustes
habitations
n'étaient plus figurés que par quelques murets de
pierre,
qui permettaient encore de distinguer les contours des
pièces
désormais envahie par diverses plantes. Le grand
bâtiment,
au
milieu de ce qui avait du être un paisible village, semblait
un
peu mieux conservé, il devait être bien plus robuste. Il devait mesurer une trentaine de pas
de
long pour une quinzaine de large, formant un grand rectangle
marqué par une ouverture, l'ancienne entrée, dans
un des
petits côtés. Il était mieux
conservé que
les constructions voisines, car la majorité des murs
étaient, à défaut d'être
entiers, encore en
partie intacts. A l'intérieur de l'enceinte, le long des
murs,
les restes de colonnes dressaient encore, pour certaines, leurs
chapiteaux à plusieurs mètres de haut. Le
bâtiment
avait
du
être imposant, et visible de fort loin, le village
s'étant
construit autour. C'était un temple, si on en jugeait par la
présence de ce qui devait être l'autel, un massif
bloc de
pierre parfaitement taillé (pour autant qu'il
était
possible d'en juger à cette distance), au fond du
bâtiment,
en
face de l'entrée. Cette hypothèse semblait
confirmée par la présence, de chaque
côté de
là où avait dû se trouver
l'allée centrale,
d'une dizaine de rangée de pierres, qui semblaient former
des
bancs.
Alors qu'ils se trouvaient à
environ une demi-lieue des
bâtiments, Menmost trébucha sur se qui se
révéla
être un morceau de bois de belle taille,
comme une poutre,
mais dont les extrémités semblaient avoir
été rongées par le feu. En fait, la
zone
était constellée d'épaves de bois et
de pierres
que les fleurs et les hautes herbes avaient auparavant
dissimulées à leur regard. Arruban ne
mit
guère de temps pour arriver à une conclusion ma foi fort évidente.
"C'était un grand village
qu'on a
entièrement détruit. Les maisons en bois ont
été incendiés et les
bâtiments de
pierre
renversées. Mais détruire un temple,
même celui
d'une divinité peu connue ou
appréciée, c'est
rare. Très rare.
- C'était peut-être
justement le temple
qu'ils voulait raser, et ils en ont profité pour s'occuper
du
village, qui devait bien adorer la divinité
priée. Une
histoire de religion encore une fois.
- C'est pas faux. Ils ont alors aussi
dû
s'occuper des trésors. Un temple abandonné.
Ça
fait une
belle planque. Continuons."
Esquivant les nombreux
débris, ils finirent
par arriver aux ruines de pierre, et s'approchèrent du
temple.
Ils avaient vue juste, c'était bien un autel qui
trônait dans ce qui fut le choeur. Ils
entrèrent par
l'entrée, comme les fidèles de jadis, s'imaginant
les
hauts murs recouverts de sculpture, les croyants chantants sur les
bancs les liturgies à la divinité
oubliée, tandis
que les prêtres faisaient leur office au nom du Dieu, priant,
bénissant, sacrifiant, torturant, et autres
activités
saines et vivifiantes faisant la renommée des
cultes
éphémères. Menmost et Arruban
oscultèrent
l'autel, parallélépipède rectangle de
pas de long
sur un de large et un de haut. Le dessus était passablement
usé et, détail amusant, il y avait une
série de
belles taches brunâtres, confirmant leurs
soupçons. Sur
les flancs était gravé une frise
représentant
encore clairement diverses activités de la vie quotidienne
tels que la cueillette, la chasse, le labourage, la construction, la
forge, la prière, le combat, le pillage de
monastère, le
viol de nonnes, l'émasculation des prêtres,
l'épandage de
sel sur les terres ennemis et l'empalement des femmes et des enfants.
Pour tout dire, les deux compagnons
n'étaient guère rassurés.
"Bonjour", fit une voix douce et chantante
derrière eux
Ils se retournèrent
brusquement, surpris de
la présence d'une forme de vie en ce lieux qu'ils
considéraient comme désert. Une jeune fille, qui
ne
devait pas avoir vingt ans, apparue comme par magie, les regardait sereinement. Elle
n'était point grande, avait de long cheveux
à la
couleur étrange et envoûtante, un roux quasiment
rouge, qui descendaient en
ondulant jusque ses épaules. Son visage souriant
était
calme et fort harmonieux, ses grands yeux vert d'eau étaient
d'une profondeur surnaturelle. Elle portait une simple robe verte
à capuche, fort abîmée. Elle respirait
la
spontanéité et la joie, chose plutôt
dérangeante dans ce temple maudit. Elle les regardait
toujours,
innocemment, en bougeant doucement la tête, comme pour les
jauger.
"Euh bonjour, fit Arruban d'une voix mal
assurée, probablement déstabilisé par
l'apparition de la jeune fille. Dis moi, qui est-tu ?
- Je pourrais vous retourner la
question. Vous êtes chez moi non ?
- Tu habites ici ?
- Vouivoui. Je m'appelle Gwen.
- Je suis Arruban, vol... voyageur
opportuniste, et
voici Menmost, mon joyeux compagnon. Quel est cet endroit ?
- C'était un bon village,
où nous
vivions en paix. On avait ce temple, où l'on
vénérait Gwenijëfra, mes parents m'ont
appelé
Gwen en son honneur. C'était une bonne déesse,
juste et
aimante avec ses fidèles, son titre complet était
la Gwenijëfra
la Déesse
Cyclopéenne du Chaos, du Sexe, de la Domination, de
l'Accomplissement Spirituel et du Métal Symphonique.
Elle
avait comme attributs l'Once, le Chevalet, le Mandala, le Bombardement
d'Artillerie, le Marteau, l'Enclume, la Faucille et le Scaphandre
Autonome."
Menmost et Arruban n'en menait pas
large. L'autre continuait sa logorrhée d'une voix charmante, presque hypnotique.
"Le bonheur régna dans notre
petite
communauté, et cela pendant plusieurs siècle,
durant
lequel le culte s'étendit. Mais c'était trop beau
pour
durer. Il y a environ huit ans, un audit envoyé par le
Clergé de Ulumulu a révélé,
selon lui, de
graves imperfections de doctrine, comme quoi la paix universelle et
l'amour que nous prêchions au nom de notre déesse
ne
s'accordait pas avec le pillages des temples et le génocide
des
hérétiques. Vous conviendrez que c'est n'importe
quoi.
Enfin bref, les Saints
Paladins d'Ulumulu pour la Tolérance et la Concorde ont
débarqués une nuit avec une quinzaine de
machines de
siège, ont commencé à tout
détruire et
incendier notre petit village. Ici comme partout où
Gwenijëfra était
vénérée. J'ai eu la
chance de ne pas être là pendant l'assaut,
j'étais
partie dans les montagne chercher de l'eau dans le petit torrent que
vous avez suivi pour venir, oui, je vous ai vu venir, et de loin.
- Mais... Le ruisseau coule jusqu'au
lac, là
tout près du village. Pourquoi êtes vous parti si
loin
chercher l'eau si...
- Moui c'est vrai. En effet."
Gwen s'était soudain faite
perplexe.
"Enfin bref, qu'est ce qu'y vous
amène par ici ?
- Et bien nous étions sur la
trace de
brigands qui nous ont dépossédés de
tous nos bien,
et cherchions à rétablir la justice. Et... Nous
pensions
qu'ils étaient ici.
- Bien sur que non, il n'y a que moi
ici. Dites, vous êtes des aventuriers ?
- Certes.
Menmost paru surpris mais ne fit aucun
commentaire.
- C'est génial ! J'ai
toujours
rêvé d'être aventurière ! Je
pourrai vous
accompagner ?
- C'est que... Il risque d'y
avoir du danger...
Et je ne pense pas que tu puisse nous être utile...
- Ah tiens ? Je connais pourtant bien la
montagne,
ainsi qu'une grotte un peu plus loin vers l'ouest ou se terrent des
bandits vraiment affreux ! Ils m'ont volé ma
flûte ces
salauds. Je pourrai vous conduire à leur repaire. Et puis je
pourrai aussi danser comme une conne pendant que vous vous ferez
démolir.
- QUOI ?
- Non je plaisantais. Je veux bien vous
guider. Et je connais un peu la magie.
- Quel genre ?
- Un peu de heal, sinon magie de guerre
tendance
destruction, illusion et altération/évocation. Je
suis aussi
prêtresse de Gwenijëfra.
- Je croyait qu'elle n'existait plus ?
- Mais non, ils ont simplement
massacrés
tous ses fidèles et rasés tous ses temples, mais
elle
n'en est pas morte pour autant. Je suis peut-être sa
dernière fidèle, mais je crois en Elle, et Elle
m'a
conféré des pouvoirs de prêtresse.
- Et où a-tu appris toute
cette magie ?
- J'avais reçue dans mon
enfance une
formation de mage, j'avais des dons parait-il. Et j'ai
réussi
à sauver quelques groboukins du temple en flamme, qui m'ont
permis d'accroître raisonnablement ma puissance arcanique.
- Mais, intervint Menmost, je croyais
que lors de la destruction du temple tu étais dans la
montagne ?
- Ah oui tiens..."
Elle parut
réfléchir un instant. Arruban reprit.
- Bon, on accepte ton offre. Par contre,
aurais-tu quelques vivres à nous fournir ?
- Bien sûr, suivez moi. Vous
pourrez vous
rassasier pendant que je me
préparerai."
Ils suivirent donc la Gwen, qui sortit
du temple
vers la gauche, vers une petite cabane de bois habilement
dissimulée parmi des buissons, situé une bonne
centaine
de pas plus loin. Menmost profita du fait que la jeune fille
était assez loin d'eux pour interpeller Arruban.
"Je ne comprends pas, pourquoi lui as tu
dit que nous étions aventuriers ?"
Ce fut au tour d'Arruban de
paraître étonné.
"Mais... Parce que nous sommes des
aventuriers !
- Comment cela ?
- Comment appelle tu un groupe de
personnes qui se
balade dans la nature, motivés par leur propre raison qui
plus
est, pour atteindre un objectif ?"
Menmost n'en revenait pas.
"Je m'imaginais les aventuriers comme
des compagnies
de guerriers et de mages, plein d'armes et d'objets magiques, vivant
des aventures incroyables...
- Regarde, désormais nous
sommes deux
guerriers et une mage, apparemment. C'est une compagnie non ? Quand aux
objets magiques, pensent qu'ils ne sont pas apparus comme
ça, il
a fallut les trouver. Au début de leur carrières,
crois-tu que les aventuriers possédaient
déjà
leurs grandes armes et armures, amulettes et tout ? Tout le monde
à commencé modestement, seul l'avenir nous dira
si nous
aussi nous deviendrons ce que nous rêvons d'être.
- Je ne voyais pas les choses comme
ça. Et au
sujet de la fille, crois-tu vraiment qu'elle soit bonne à
quelque chose ? Elle me fait plus penser à une montagnarde
dégénérée qu'à
mage de guerre
qu'elle prétend être.
- Oui je le crois. Elle est utile
puisqu'elle nous
aidera à accomplir notre objectif. Et nous verrons bien si
elle
est aussi puissante qu'elle le dit, en tout cas, elle ne me semble
guère être une simple montagnarde. Et puis, tous les mages
sont un peu
fêlés, où plutôt ils ne sont
pas
exactement sur le même monde que nous. Ceci peut expliquer
cela.
Ils arrivèrent à
la cabane qui
n'était guère vaillante, et durent se baisser
pour passer
l'étroit encadrement de la petite porte, bâtie
pour les
proportions de sa propriétaire, qui n'était pas
très grande. Mais contrairement à ce qu'ils
attendait,
l'intérieur était presque confortable : le lit de
bois
simple était recouvert de jolis draps, des tentures (plus ou
moins abîmés), aux motifs rappelant les
décorations de
l'autel, recouvraient chaque mur. Deux étagères
croulaient sous les livres aux titres significatifs (7),
et un garde manger plein à craquer salua les
invités. L'étrange fille aux cheveux rouges farfouillait dans une grande armoire et fit distraitement aux deux
autres de se servir, de manger ce qu'ils désiraient. Ils
ne
se firent pas prier, et avalèrent sans discernement tout ce
qu'ils trouvèrent, puis avec discernement après
qu'Arruban ait mordu dans une pomme de pin. Pendant ce temps, leur
charmante hôtesse
avait sortit un grand sac à dos de cuir qu'elle remplit de
bouquins, de nourriture et de divers objets potentiellement utiles,
puis enleva sa robe, ce qui exposa son corps nu et menu, mais ma foi pourvu d'éléments fort
féminin, aux regards surpris et
intéressés des deux
hommes, avant qu'elle ne revête promptement une robe noire (à
capuche encore une fois) à l'intérieur rouge, qui
semblait en bon état, et enfila une sorte d'amulette
formée d'un symbole en forme de spirale à quatre
branches,
particulièrement retorse, attachée à
un cordon
quelconque. Puis d'un simple geste elle s'équipa du sac
à
dos qui devait peser au bas mot une dizaine de kilo, et rajouta une sacoche pleine
de "trucs magiques". Puisqu'ils étaient tous prêt,
la petite troupe se mit en marche d'un bon pas, Menmost et Arruban
parce
qu'ils n'avaient aucune affaires, et Gwen parce qu'elle ne semblait pas
le moins du monde gênée par son attirail. Ils la
suivirent
donc.
VI) Où l'on
marche, encore une fois
Ils partirent vers l'ouest, croisant le
petit lac
aux eaux claires et glacées, et descendirent la montagne
quelques temps, devisant de choses de d'autres, ce qui permit
à
Arruban d'avoir la confirmation que Gwen connaissait la montagne et
faisait un point trop mauvais guide. Elle semblait connaître
la plupart
des courts d'eau de la régions, abris, village, grottes et
autres, et marchait sans hésiter vers la cachette des
bandits. Le
voleur remarqua qu'ils refaisaient le même chemin qu'ils
avaient
pris pour venir, mais bien plus bas d'environ une lieue. Il lui sembla
même reconnaître au loin la formation sous laquelle
ils
avaient dormis. Mais ils continuèrent. Après une
bonne
heure de marche, Gwen s'arrêta.
"On y est dans moins d'une demi-heure.
C'est une grotte
cachée dans un taillis le dissimulant plutôt bien.
Vous
vous sentez d'attaque ou vous préférez faire une
pause
avant ? Il y a une petite caverne a proximité.
- Moi ça va.
- Moi aussi.
- Très bien. Je vais par
contre avoir besoin de quelques minutes pour prier.
- Prière de protection ?
- Non, invocation. En tant que
prêtresse de
Gwenijëfra, je dispose constamment d'une once à ma
disposition. Elle pourrait nous être utile, c'est que
ça
se bat bien les fourrures de ce genre. Maintenant si vous permettez."
Elle s'éloigna un peu, et
s'agenouilla,
disparaissant presque dans les hautes herbes. Elle resta
concentrée quelques temps, avant de tendre son bras droit
devant
elle, paume ouverte et tournée vers l'horizon. Un cercle
lumineux apparu, parallèle au sol, à environ deux
mètres de haut. Une lumière rouge sombre en
descendit
d'un coup, comme si il s'agissait d'une poignée de sable qu'une
main géante aurait lâchée, et dans cette
lumière, alors qu'elle frappait le sol, apparu un magnifique
félin
d'une belle taille, à la peau grise tachetée, qui
de
prime abord semblait parfaitement ordinaire, mais dont les profonds
yeux verts rappelaient étrangement ceux de la jeune fille.
Assis
sur son derrière poilu, il regardait autour de lui, l'air
curieux et non dénué d'intelligence. Quand il vit
sa
maîtresse, il frotta sa grosse tête poilue contre
son corps
en ronronnant (8),
en réponse de quoi elle lui gratta la tête entre
les
oreilles, faisant redoubler le doux ronflement. Finalement, elle parut
se rendre compte qu'on les attendait, et elle se releva avant de
revenir vers les deux autres en souriant, suivie par sa
panthère
des neiges qui continuait sa douce musique.
"Messieurs, je vous présente
Spinal, once de
son état, habitée par le divin pouvoir de
Gwenijëfra, accessoirement mon familier. Lien psychique :
bonus
en charisme, dextérité, sagesse,
rapidité,
magicka, attaque et détection.
- Ah ouais quand même.
- Mais pourquoi Spinal ?
- Comme le chat bien sûr.
- Le chat ?
- Le chat spinal ! C'est trop
drôle, non ? 'humour de sorcier.
Sa blague n'ayant pas eu le
succès
escompté, Gwen proposa d'y aller, et la petite troupe
récemment agrandie se remit en route. Le soleil
commençait juste à
décroître, ils avaient encore
plusieurs heures devant eux. Ils marchèrent, toujours dans
la
même direction, pendant une vingtaine de minutes, avant que,
brusquement, la magicienne leur fit signe de s'arrêter et
s'accroupit dans les herbes, rapidement imitée par ses
compagnons. Elle désigna en contrebas une petite formation
rocheuse, l'entrée d'une grotte à une centaine de
mètre. Elle saisit son pendentif, que Menmost et Arruban
eurent
le loisir d'étudier plus distinctement que dans la cabane.
C'était une forme circulaire bardé de pointes
inégales mais assez harmonieuses, sur lequel
était
figuré la spirale tordue, qui captivait le regard ("symbole
divin" expliqua-t'elle brièvement aux regards
interrogateurs).
Elle le brandit devant elle en marmonnant un truc incompréhensible qui donnait à peu près:
"Nieme
mene seret menet sere ekke ekke sliyim pong"
Puis elle balada son symbole un peu, le faisant
couvrir une
petite zone, l'air fort concentrée. Puis elle cessa son
bazar et
se tourna vers ses compagnons impressionnés.
"Je détecte quatre
humanoïdes
et deux animaux, genre chevaux, ainsi qu'un chien.
- Tu es sûre ?
- Oui, à dix pour cents
près. 'Marge d'erreur.
- Ok on y va.
- Euh Arruban...
- Oui Menmost ?
- Comment on fait pour se battre ? On a
rien.
- Ah c'est vrai. Attends."
Le voleur sortit alors, d'un
geste rapide et
souple, une grande dague de sa botte droite, qu'il tendit au jeune
guerrier, puis une autre de quelque part dans son dos, qu'il se
réserva, puisque Gwen venait de lui préciser que
les
mages n'avaient
pas besoin des armes de métal, ils étaient loin
de ce
genre de contingences. Puis, après une nouvelle
vérification que tout le monde était
prêt pour la
baston qui allait, plus que sûrement, survenir, la
compagnie se
mit en marche, discrètement, vers l'entrée de la
caverne,
un peu plus bas.
VII)
Où l'on se transpose un peu plus bas.
Etred était assis
à l'entrée de
la grotte, son foyer, à regarder l'horizon. Le soleil
tombait
lentement vers l'horizon, et il sentait l'air se rafraîchir.
Il
caressait doucement Jeer, le chien de garde qui semblait
s'être
endormi face à tant de calme. Encore une fois la
journée
s'était bien déroulée, puisque
l'embuscade avait
portée ses fruits, qui étaient même
plutôt
gras. Les deux chevaux, Etred était contre, parce que
ça
allait faire des ennuis à transporter dans la montagne, mais
pour le reste, assez d'argent, divers objets plus ou moins importants,
une armure en parfait état, et surtout ces deux
épées, dont la longue et fine avait bien plus au
chef. A
cette époque de l'année, la grande route
n'était
guère empreintée, y attaquer était
sûr.
Demain ou après demain, ils remettraient ça, et
si Y'imen
le voulait, ils aurait amassé assez de ressources pour
descendre
à la ville faire des achats. Peut-être cette fois
pourrait-il s'acheter une de ces épées comme il
en voyait
sur certains soldats, celles très longues qui se prennent
à deux mains. Avec ça on le respecterait. Oh oui,
il
aurait l'air important, peut-être même il pourrait
s'engager comme guerrier, et il pourrait enfin prendre compagne. Mais
Jeer se releva brusquement,
faisant sursauter le guerrier plongé dans ses
rêves.
Il vit le gros chien avancer doucement
en grognant,
vers la la gauche, en regardant en l'air comme si quelque chose se
trouvait par dessus l'entrée du repaire. Le
bandit allait
le rejoindre quand il entendit comme un léger "et merde" au
loin, suivit immédiatement d'une terrible
déflagration,
une explosion qui fit trembler la montagne. Il mit quelques instants
à retrouver ses esprits, puis aperçu
là où
aurait dû se trouver le chien une zone calcinée
fumant
doucement. Il courut vers le fond de la caverne en criant "Alerte",
mais tandis qu'il se hâtait il sentit le sol se
dérober
sous ses pas, avant de se rendre qu'il s'effondrait sous son poids.
Il sentit un froid dans son dos, comme un trou dans une cloison
où s'infiltrerait le vent. Il tenta de se relever, mais
semblait
cloué au sol. Il finit par sentir un liquide chaud
envahir ses vêtements, et son esprit se calma, il avait
l'impression d'être dans un lit confortable où son
esprit
s'enfouissait. Il distingua des silhouettes passer près de
lui,
et perdit définitivement conscience.
Arruban se pencha rapidement pour
récupérer sa dague qui n'était pas de
lancer mais
avait remplie malgré elle cet usage. Suivait Menmost,
guère rassuré, qui serrait son arme nerveusement,
puis
Gwen qui, étrangement, semblait être dans son
élément, aux côtés d'icelle
marchant
tranquillement Spinal. La boule de feu avait
pulvérisé le
canidé de garde mais aussi prévenu toute la
région de de leur
présence, la discrétion
n'était donc plus de mise et ils allaient donc d'un bon pas
vers
le fond de la tanière des brigands. Ils
arrivèrent
à l'extrémité de la
première pièce,
et qui se terminait par une porte de bois grossière mais
d'une
certaine épaisseur encastrée dans le roc, formant
un
obstacle qu'il devait être difficile de forcer. Arruban
s'apprêtait à en saisir la poignée
rouillée
quand elle s'ouvrit brutalement, faisant apparaître un
malandrin
portant masse d'arme et qui marqua un instant de surprise, instant qui
lui fut fatal puisque le voleur en profita pour, d'un geste vif et
élégant, lui ouvrir la gorge. Mais soudain, alors
que le
corps de son adversaire s'effondrait en libérant
quantité
de fluides colorés, il fit un bon en arrière,
car, dans
l'encadrement de la porte était apparu le chef des bandits,
armé de la rapière du voleur, suivit de son
dernier
sbire qui tenait un marteau. Les trois compagnons reculèrent
de
quelques pas tandis
que les deux autres prenaient position.
"Tiens donc, de vieilles
connaissances... Ainsi vous
vous permettez de mettre la zone dans mon humble logis. Et vous tuez
mes compères. Je ne serai guère
clément.
- Bah, on venait juste
récupérer nos
biens. Et tant qu'à faire, on en profite pour nettoyer la
région. Et on va vous tuer vous aussi. N'y voyez
là
rien de personnel, mais je me ferai un plaisir de planter
votre
tête sur ma rapière. Quand je l'aurai
récupéré s'entend. Ça ne
devrait pas
être
trop dur.
- Mais regardez moi ça comme
on se la
ramène quand on est en position prétendument
supérieure. Vous vous la jouiez moins hier, n'est-ce pas ?
Et
cette greluche... Eh, mais je la reconnais, c'est la folle qui vit dans
les ruines. Ah, vous me faites bien rigoler...
La sorcière planta son étrange regard
dans celui du brigand, qui ne parvint pas à le soutenir plus
d'une seconde, avant de brusquement détourner la tête,
l'air un peu sonné. Gwen souriait méchamment, comme le
fauve face à sa proie.
- La greluche elle propose qu'on en
finisse, car les
figures de certaines personnes ci-présentes la
révulsent
au plus haut point, et elle se propose donc de leur cramer la gueule
afin de les rendre plus agréables.
- Voyons, l'interrompit Arruban, faisons
cela dans
les règles de l'art. Il serait fort malséant
d'occire ces
crétins sans leur laisser la moindre chance.
- Je serai plutôt d'avis qu'on
règle
ça sans prendre de risques inutiles. Inutile de gaspiller
notre
temps pour ces arriérés."
Menmost commençait
à saisir
l'intérêt des insultes. Espérer que
l'autre
commette une erreur. Ce fut finalement son trait qui fit mouche,
puisque dans un cri bestial le second brigand se jeta sur le jeune
héros, tandis que son supérieur engageait le
voleur.
Le jeune guerrier vit
son adversaire arriver
sur lui, arme haute. Il fit un pas en arrière pour avoir un
bon
appui, et attendit le moment opportun. Il esquiva sans grande peine le
coup vertical destiné à lui ouvrir le
crâne, et
tenta à son tour de pourfendre sa cible d'une brusque
détente du bras droit vers la gorge, mais son coup fut
esquivé. Il savait que sa dague le désavantageait
à longue portée, contrairement au marteau qui
gênerait par contre son porteur à courte distance.
Cela en
tête, il chercha une ouverture dans les gestes de son
adversaire,
qui revenait vers lui en faisant des cercles de sa massive arme.
Menmost fut obligé de reculer, et encore, pour
éviter les
mortels moulinets. Il eu alors un instant d'effroi. Il venait d'heurter
la paroi de la grotte. L'autre vit son embarras et porta un prodigieux
coup latéral, que Menmost évita de justesse en
s'accroupissant. Et il constata qu'emporté par son
élan,
le bandit avait découvert le haut de son ventre, au niveau
duquel se trouvait notre ami. Comme dans un rêve, il
enfonça sa dague jusqu'à la garde dans les chairs
de son
opposant, dont le visage se tordit d'un mélange de douleur et de surprise alors que ses
délicats mécanismes internes cessaient leur utile
fonctionnement. Menmost voulu reculer afin de se mettre hors de
portée des gestes désordonnées mais
toujours
menaçants du brigand, mais, ce faisant, il heurta derechef le
mur
et glissa à terre, rapidement suivi par le pourfendu qui
s'écroula tête en avant dans la
poussière, au pieds
de notre héros encore étourdi. Il reprit rapidement
ses
esprits, se releva et retourna le corps inerte, afin de
récupérer sa dague qu'il avait sottement
laissé
dans l'abdomen de ce qui avait été son
adversaire. Il la
retira des tissus encore chauds, ce faisant il libéra
quantité de sang qui jaillit vivement de la plaie,
noircissant
la main du vainqueur. Il se releva,
hébété,
contemplant le corps de ce qui avait été un homme
bien
vivant, avec ses projets, ses envies, sa vie, dont il ne restait plus
rien. Il tenta de se réconforter en pensant que lui, il
était encore vivant, mais c'est en prise avec un
certain
malaise qu'il enjamba le cadavre pour s'intéresser au reste
du combat.
C'est alors qu'il sentit son coeur s'arrêter. Il venait de se retrouver nez
à museau avec une bête apocalyptique et poilue,
qui le
regardait fixement d'un air cruel. Ah ben non,
étonné
plutôt. Car c'était l'once divine qui le fixait. Le gros chat
eut un
mouvement de tête, comme pour inviter Menmost à
regarder
la scène. Là-bas le combat aussi était
terminé, le chef brigand gisait lui aussi, une dague entre
les
côtes et un trou large d'un pouce dans une épaule.
Gwen, qui
suivait sa bestiole, eu un sourire. Elle félicita le jeune
guerrier pour sa victoire et, voyant son état, le
raccompagna
jusqu'à Arruban, qui venait de
récupérer sa
rapière qu'il essuyait désormais avec une
expression
d'intense satisfaction.
"Eh bien Menmost, tu n'en t'en tire pas
mal du tout.
On dirait que le gros chat est arrivé trop tard. Tu as fait
ça vite dis-donc.
- Toi aussi dirait-on.
- Oui mais moi j'ai eu un coup de main."
Il désigna le trou dans
l'épaule du
mort, qui semblait la traverser entièrement. Gwen expliqua.
"Trait de glace. Il a eu de la chance,
si il n'avait
pas fait ce bond de côté, ça aurait
touché
directement le coeur.
- C'est une belle victoire. Quatre
tués,
aucune perte et un repère pour nous tout seul. On fouille
maintenant ou on va d'abord récupérer ?
- Je vote pour la récup. La
magie, ça épuise.
- Pareil, fit Menmost. Je suis
crevé.
- Bon d'accord. Il doit bien avoir des
lits dans ce trou."
Ils passèrent la porte
encombré du
cadavre du second bandit, et arrivèrent dans une vaste
pièce circulaire au sol inégal, faiblement
éclairée par les braises d'un feu mourant qui
plongeait
les extrémités du lieu dans la
pénombre. Il y
avait autour du foyer à l'agonie les reliefs d'un repas, les
anciens occupants devant être en train de manger quand les
trois
compagnons étaient arrivés. On distinguait aussi
quelques
meubles rudimentaires, et, révélés par
un souffle
rauque, les deux chevaux attachés à la paroi
rocheuse
dans un coin sombre. Vers le centre de la pièce, quatre
paillasses, autour du feu. Arruban fouilla un coffre, à la
recherche d'un moyen de le ranimer, mais Gwen résolut le
problème de façon trivial en lançant
un projectile
igné mineur sur les bûches, faisant
naître de belles
et réconfortantes flammes, autour desquelles tous trois
s'assirent, et firent dîner des abondantes provisions des
précédents locataires, avant de
s'étendre et de
plonger dans un sommeil réparateur.
Menmost se réveilla en forme,
les
souvenirs du jour
passé se dissolvant dans son esprit encore un peu naze,
comme
toujours au réveil, et obsédé par
l'idée de
calmer son ventre qui remplissait la double fonction d'être
vide
et de faire mal, comme toujours après une
demi-journée de
somme profond en ayant quasiment rien avalé la veille. Alors
qu'il se dirigeait au radar vers une miche de pain, il remarqua que
Gwen et Arruban était réveillés, et
parlaient
assez vivement a proximité de la porte de la salle. Tout en
se
rassasiant, il alla leur demander ce qui ce passait.
"Eh bien il y a Arruban qui se fout de
la gueule de mon Spinal.
- Pourquoi ça ? Il a l'air
d'aller
très bien le Spinal, répondit-il en
considérant le
gros félin, allongé par terre, et qui
considérait
placidement les trois humains deviser.
- Parce qu'au réveil, il
était assis
par terre et il bougeait plus du tout. Gwen s'est
réveillé, elle a fait une sorte de
prière et le
chaton il s'est écroulé en faisant un
drôle de
bruit.
- Bon c'est un peu de ma faute, c'est
vrai, j'aurais dû m'en douter, hier
soir, avant de dormir, je l'ai switché en mode veille pour
qu'il
monte la garde et ce matin, bêtement, il a planté
au
redémarrage, sûrement le
système était
devenu instable. Faudrait que je le défragmente un de ces
jours,
il bugge de plus en plus. Enfin bon, un reboot et ça allait
mieux.
- Il a pas besoin de manger ? demanda
Menmost qui cherchait à changer de sujet.
- Oh si, il s'est servit ce matin,
après que
l'ai dépanné. Il doit manquer pas mal de morceaux
de
viande.
- Bien bien bien. Vous avez
fouillé le bazar ?
- Non, on allait s'y mettre.
- Allez-y, je reprends à
manger et je vous rejoins.
Ils commencèrent à
faire le tour des
meubles, trouvant d'abord beaucoup de nourriture salée, qui
devait permettre de passer plusieurs mois sans sortir, utile l'hiver
lorsque la neige avait envahi la montagne, et dont la quantité
aurait permit aux bandits d'ouvrir une boucherie. Il y avait aussi des
fruits,
assez communs, et quelques ustensiles d'une banalité
affligeante. Ils retrouvèrent dans un coin sombre leurs
affaires, avec la lettre comme le vérifia
immédiatement
le voleur. Une armoire leur offrit une collections de
vêtements
dont l'état allait du presque propre au moisi, la plupart
immettables à moins de vouloir absolument ressembler
à un
rejeté de la société. Gwen ne trouva
pas sa
flûte mais une cape rouge déchirée qui
semblait lui
appartenir, mais elle semblait s'en moquer désormais. Ils
continuèrent le tour du propriétaire, trouvant
une sorte
de râtelier à armes vide, une carte
grossière de
la
région barbouillée de flèches, une
chope en acier,
une série de bourses de cuir vides, une enclume, quelques
marteaux et pinces, un parchemin vierge, un squelette de chamois
parfaitement conservé, des boites de conserves, un
réchaud à gaz, un compteur électrique
descellé, un vieil anneau de bronze dont le seul pouvoir
semblait être d'enlaidir la main qui le porte, une roue de
charrette, une longue vue cassée, une boîte de
tisane et des
cartouches UN 7.62. Rien de bien intéressant, comme le fit
remarquer
Arruban une fois qu'ils eurent fouillé partout.
"C'est pas possible, c'est des bandits,
ils ont
forcement récolté des trucs. A commencer par
notre or.
Ils ont pas pu le dépenser comme ça. Doit y avoir
une
cachette quelque part. Faut chercher."
Ils cherchèrent donc. D'abord
un peu au
hasard, se promenant dans la pièce à la recherche
d'un
indice, d'un fait inhabituel, mais rien. Finalement, Gwen
décréta "qu'on avait pas que ça
à foutre",
et, avec
l'aide de Menmost, elle commença à
déplacer les
meubles, tandis qu'Arruban examinait soigneusement à la
lueur
d'une torche chaque partie des murs rocheux. Il ne trouva autre chose
que du granite d'excellente facture en quantité assez
énorme, d'une belle couleur rosée
striée de veines
de quartz gris brillant gentiment à la lueur des flammes.
Les
deux autres eurent plus de chance, puisque après avoir plus
démoli qu'autre chose deux coffres et une
étagère,
ils découvrirent, caché sous une armoire, et
devenu fort
visible après que celle-ci ait bruyamment chût
sous leurs
assauts, une sorte de trappe, une simple porte de métal solidement arrimée au sol.
Tout le
monde se rassembla joyeusement autour, chacun imaginant le fabuleux
trésor qu'elle gardait. Gwen, de par son plus jeune
âge,
eue l'insigne honneur d'ouvrir l'huis aux merveilles (9).
Elle prit de ses deux petites mains la massive poignée et,
de
toutes ses maigres forces, tira. La porte ne bougea pas. Elle s'arc-bouta, et
réessaya encore, mais rien n'y fit. Elle allait la
défoncer à coup de sorts, comme semblait le
signifier son
air énervé, mais le voleur l'interrompit. Il
fouilla
quelques temps dans ses (nombreuses) poches, et en ressortit une clef
de belle taille, "récupérée sur le
chef", qu'il
fit tourner dans la serrure qui répondit d'un cliquetis
satisfait.
"Pourquoi ne pas m'avoir
prévenu ? Je devais avoir l'air bien conne.
- Je savais pas à quoi elle
servait cette clef.
- Ben elle servait à ouvrir
la trappe.
- Oui mais je savais pas."
Menmost coupa court à cet
enrichissant
échange en prenant son courage, ainsi que la
poignée,
à deux mains et ouvrit enfin la porte, qui tourna sur ses
gonds
en grinçant doucement. Ils se penchèrent. Et ils
virent.
Il y avait un grand trou noir qui, une fois qu'une torche fut
approchée, se révéla être un
escalier de
meunier qui semblait plonger dans les profondeurs de la montagne,
desquelles remontait un air chaud portant d'étranges et
envoûtantes odeurs. Arruban les respira longuement avec une
certaine
expression de joie.
"Le parfum de l'aventure, soupira-t'il."
Puis, soudainement, il s'engouffra dans
le trou,
avec sa torche, et descendit prudemment les étroites marches
point trop glissantes, comme s'en aperçurent les deux
autres
compagnons qui lui avait emboîté le pas.
L'escalier
était
taillé dans la pierre, formant un couloir descendant de
moins
d'un mètre de large pour un pas et demi de haut. Comme on se
l'imagine sans peine, y cheminer était donc inconfortable au
plus haut point, d'autant plus qu'il ne semblait pas vouloir
s'arrêter. Finalement, au bout qu'une petite dizaine de
minutes,
ils arrivèrent dans une pièce
grossièrement
taillée de deux pas de haut sur environ cinq de long et de
large, qui faisait penser à une sorte de cave. Il y avait
une lanterne posée au sol, qu'Arruban
s'empressa d'allumer, ce qui permit d'y voir bien mieux et surtout de
remarquer, outre la porte en face d'eux, les deux massifs coffres de
chaque côté de la pièce. Ils
hésitèrent quelques instants, excités,
avant de se
diriger vers celui de gauche. C'était ma foi un fort beau
coffre, bien bâti, parfaitement honnête, en bon
bois avec
des renforts en fer, et une belle serrure bien narquoise.
C'était aussi clair que si il y avait marqué
"trésor" dessus. C'était l'archétype
du coffre,
celui que tout aventurier ouvre compulsivement dès qu'il
l'aperçoit. Ils ne se firent donc pas prier et tous trois
se
retrouvèrent face au trésor ou du moins ce qui le
contenait (en théorie). Arruban chercha de nouveau dans sa
tunique et sortit quelques clés. Il allait en introduire
une,
lorsque la voix douce de la magicienne juvénile
résonna
dans la petite pièce, faisant sursauter tout le monde.
"J'espère que c'est la bonne,
le coffre est piégé.
- Co... Comment le sais-tu ?
- Ben je suis mage. La magie, je la
vois. Enfin je
la sens. Bref y en a sur le coffre et
généralement c'est
pas pour des sorts de soins.
- Comment va t'on faire ? s'enquit
Menmost.
- Ben je vais devoir crocheter cette
merde, c'est toujours les voleurs qui se tapent le sale boulot.
- Tu veux que je le
déverrouille par magie ?
- Tu sais faire ça ?
- Merci de me prendre pour une brelle."
Elle se concentra un peu, avant de
brusquement poser
sa main gauche sur la serrure. Il y eu un choc sourd, semblant venir du
mécanisme, puis plus rien, le silence. Un temps interminable
passa avant que quelqu'un, le guerrier en l'occurrence, ne demande ce
qui se passait. Deux mots tombèrent.
"Échec critique."
Arruban eut un soupir qui disait plus
qu'un long discours.
"Le mécanisme est
bloqué je suppose ?
- Le mécanisme est
bloqué.
- Là, en ce moment. Eh bien
je pense que tu es une brelle.
- Bordel, ça peut arriver non
? Vaut mieux que ça arrive maintenant qu'en plein combat !
Mais je vais vous l'ouvrir ce coffre moi."
Il préféra agir
avant qu'elle ne fasse une autre connerie.
"Moui. Bon, écartez
vous."
Il sortit de ses
décidément
bien pratiques
poches une paire de petits instruments, de la taille de crayons, mais
en métal, et curieusement tordus à une
extrémité. Il s'accroupit face à la
"putain
de serrure", et fit, avec art, jouer ses petits instruments,
le
visage empreint d'une intense concentration. Il y eut de nombreux
clics, avant qu'Arruban ne confirme que la serrure était
effectivement bloquée. Il tenta une "technique
secrète",
força un peu, puis clac. Un clac sec de mauvaise
augure. Le
voleur
examina le reste de son crochet brisé d'un air las.
"Y'aurait pas une hache dans le coin ?
- Mais attends, il y a encore un espoir,
et non des moindres !
- Ah, et lequel ? demanda Arruban qui
commença à se sentir nerveux.
- Spinal veut essayer !"
On se serait cru dans une tombe, surtout
au niveau de l'ambiance.
"Boooooooooon.
- Ah, ça doit être
de l'humour de sorcier. Non ? hasarda Menmost qui était
pressé d'en finir.
- Mais absolument pas. Non, Spinal va
vous montrer comment on ouvre un coffre récalcitrant.
- J'ignorai qu'il connaissait des
petits tours. C'est pour monter un spectacle ?
- Sot. Montre-leur, mon minou, ce que tu
sais faire."
La Divine Panthère s'approcha
du trou de la serrure, posa doucement son museau dessus, et ferma les
yeux l'air concentré, pour autant qu'il était
possible d'en juger sur son visage félin. Puis il eut un
miaulement déchirant et tomba lourdement sur le
côté, inconscient.
"Par Nyhna, Redas et Lh'Issin
(10), qu'est ce qu'il lui est encore arrivé ?"
Gwen s'accroupit près du
corps inerte de son familier, l'ausculta brièvement, avant
de se retourner et de leur sourire d'un air niais et
désolé à la fois.
"Planté. Problèmes
de drivers. Il était pas configuré pour ce type
de serrures.
- Bondieubondieubondieu.
- Et... euh, enfin, pourquoi il s'en est
pas rendu compte ?
- Tiens c'est bizarre ça en
effet. Il est peut-être plus con que je ne le pensais.
- Sans blague.
- En tout cas il va retourner faire un
tour dans le divin plan de Gwenijëfra, histoire de se faire
nettoyer le système et se mettre un peu à jour.
Allez, bon voyage."
Elle brandit son pendentif au dessus de
la masse molle de fourrure qui gisait pitoyablement et ferma les yeux.
De nouveau, le cercle lumineux apparut au dessus du sol, et l'once
sembla aspiré à l'intérieur, dans la
lumière rouge sombre qui montait cette fois-ci. Le cercle se referma, et la magicienne
expliqua.
"Il sera de nouveau disponible d'ici une
journée. Il va se faire remettre à neuf.
- Tant mieux. Je disais donc, quelqu'un
aurai t'il une hache ?"
Menmost se demanda un instant
si ce
n'était pas pour tuer la jeune fille. Il oublia vite cette
pensée stupide (Arruban avait une rapière) et fit
profiter les autres d'une idée enfin intéressante.
"Il faudrait plutôt trouver un
pied de biche."
Ils durent convenir que
c'était la meilleure
chose à faire. Après avoir constaté la
vacuité de la pièce, ils remontèrent
dans la
grande salle et se mirent en quête d'un morceau de
métal
adéquat. Gwen se rendit enfin utile en dénichant
parmi
les ruines d'une armoire une longue et bonne barre de métal
dont
ils tordirent l'extrémité en la frappant
longuement
contre un mur, activité qui les aurait fait passer pour des
débiles en phase terminale si il y avait eu d'autres
spectateurs. Ils finirent par obtenir l'instrument approprié
et
reprirent le chemin du coffre. Celui-ci présentait en effet
un
léger espace entre le corps et le couvercle, ce qui permit
d'introduire la barre et d'en faire levier, le coffre semblant assez
lourd pour ne pas bouger sous leur efforts. Ils forcèrent
pas
mal, et finalement, comme il se doit, le couvercle s'ouvrit en
craquant. A leur grand soulagement le piège ne
s'était
pas déclenché, il avait du être
détruit en
même temps que le mécanisme de la serrure.
Après
moult cris de joie et accolades (car réussir à
ouvrir un
coffre récalcitrant est toujours une joie apte à
ressouder les compagnies), ils purent donc enfin contempler leur
trésor.
VIII) Le trésor
(11)
Il y avait un beau sac qui
émettait un bruit
métallique agréable quand ils le prirent, avant
d'en
verser le contenu sur le sol poussiéreux. Il se forma un
joli
tas de pièces de toutes les origines et toutes les couleurs,
qu'ils s'affairèrent à trier, tous trois
accroupis autour
de leur récompense, activité forte
agréable. Ils
comptèrent ainsi pas moins de 670 pièces d'or,
presque
1000 d'argent et autant en bronze, le tout en diverses monnaies,
surtout Vostes, ainsi que cinq gemmes peu discernables dans
l'obscurité du lieu. Il n'y avait rien d'autre,
mais ce
n'était déjà pas mal vous conviendrez.
Fort de
cette fortune rapide, ils se dirigèrent faire le second
coffre,
et après quelques discutions, il fut convenu qu'il n'y avait
pas
de pièges magiques et que le voleur s'occuper de la serrure.
Celui-ci l'ausculta un peu avec ses instruments, avant de chercher dans
sa robe la clé appropriée. Celle-ci se
révéla l'être, appropriée,
et la serrure
émit un bruit agréable. A première
vue, le contenu
était bien moins imposant, mais ils ne furent pas
déçus. Il y avait une épée
courte, et un
anneau. Celui-ci était de forme agréable, tout
d'argent
et d'émeraudes, aux motifs floraux complexes, tout le
désignant comme étant d'une belle valeur en
lui-même, mais surtout, il semblait sourdre une
énergie
qui le désignait assurément comme magique. Gwen
ravit la
compagnie en annonçant qu'elle pouvait lancer
détections
des pouvoirs magiques. Elle se munit de son symbole divin, qui servait
ici de simple focalisateur (puisque ce n'était pas un sort
divin),
et après la méditation classique
révéla
qu'il s'agissait d'un anneau de magicka, renforçant le
pouvoir
du porteur, utile seulement à un mage donc. L'arme quant
à elle, était plutôt
étrange. Elle aurait pu
sembler tout a fait ordinaire, avec son manche et sa garde semblable
à ceux des épée de toute armée, si ce
n'était sa
lame, longue d'une vingtaine de pouces, fine et
ondulée,
faisant penser à un serpent aplati et effilé. Mais le plus terrible
était
sa couleur, d'un noir faisant irrésistiblement penser
à
la plus sombre des nuits. La faible lumière ambiante
créait des reflets roux, dansant le long des tranchants,
comme
pour en souligner le fil digne d'un rasoir. Arruban ne put retenir une
exclamation.
"Par le Tribunal, une lame du
Chaos (12) !
- Qu'est ce donc ?"
Gwen expliqua au peu
expérimenté guerrier.
"On dit que ce sont des armes
forgées par les
dieux du destin, puis dispersées au gré du monde,
laissées au libre usage de ceux qui les trouvent. On les
dits
indestructibles, et pouvant trancher le cuir comme l'acier avec autant
de facilité qu'un couteau dans de l'argile. Tu n'aura
sûrement pas l'occasion d'en voir beaucoup.
- Mais... Elle pèse le poids
de deux armes !
- Oui, elles sont très
lourdes, intervint le
voleur. Certains les disent aussi maudites, mais je n'en crois rien. Je
pense que c'est ça qui a tenu ces bandits superstitieux
à
la cacher, on se méfie de la magie en ces
contrées. Ces
armes doivent bien disposer de pouvoirs spéciaux mais nuls
ne
les connaît vraiment.
- Il existe une hypothèse
selon laquelle les
lames du Chaos naissent sous la forme de dagues, et au fil du temps
évoluent pour devenir des épées
longues, des
marteaux...
- Intéressant ça.
- Sauf que l'on a absolument aucune
preuves, et que
si c'était vrai, on ignore comment elles
évoluent, ou
pourquoi. Bref, on n'y connaît rien. Et on a de la chance
d'en
trouver une.
- A propos, il faudrait
procéder aux partage du trésor avant d'aller plus
loin.
- Sage décision. Pour ma
part, j'aimerai bien l'anneau.
- Je pense qu'il n'y aura pas
d'opposition, tu es la
seule mage du groupe. Tous le monde est d'accord ? Parfait, il est a
toi.
- Merci, fit-elle d'une voix guillerette
en enfilant son bien.
- De rien. Bon ,les choses
sérieuses maintenant : quelqu'un désire t'il la
lame du Chaos ?
- Tu ne la veux pas ?
- En fait, après
réflexion, non. Elle
est trop lourde et trop peu discrète pour un voleur. Et ce
n'est
ni une dague ni une rapière, c'est une arme de guerrier.
Donc,
c'est triste à dire, mais je n'ai pas usage."
Menmost n'était pas
sûr de comprendre.
"J'ignore si je suis prêt pour
une telle arme.
- Comment ça ? Tu ne manie
pas si mal l'épée pourtant.
- C'est que je ne suis pas un grand
aventurier, et
j'ignore si j'aurai de nouveau l'occasion de tirer l'arme du fourreau.
- Qu'est ce qui te fais dire
ça, ce ne sont pas pourtant les dangers qui manquent ?
- C'est que... Qu'en ferais-je
une fois à Genurn ?
- C'est à dire ?
- Eh bien, je ne pense pas passer ma vie
comme
aventurier. Je pensais, sitôt revenu en Dresnade, trouver un
métier... "normal", et mener une vie plus "convenable".
- Tu ne semble guère au
courant de la
réalité du métier d'aventurier.
Dis-moi, à
ton avis, en cas de problème majeur, à qui
fait-on appel
? Qui donc est le plus à même de triompher des
pires
difficultés, de mener les missions les plus
périlleuses ?
Les compagnies d'aventuriers sont rapides, discrètes et
aussi
efficace qu'une armée. Je t'ai déjà
dis que des
personnages haut placés, voir des rois, nous mandataient
souvent, j'ai moi même déjà
été au
service personnel de la duchesse de Sukurd. Il est difficile de trouver
un métier plus important, et aussi lucratif. Regarde ce
qu'en
une seule journée on a amassé. Il y a
là plusieurs
fois le salaire annuel d'un village d'agriculteurs. Sans compter les
objets magiques. Cette lame du Chaos représente certainement
plus que ce qu'un ouvrier pratiquant une profession "normale", comme tu
dis, gagnera en une vie. Tu as de la chance, tu n'est point
bête
et tu sais te battre.
- Pas très bien.
- Ce n'est pas ce que j'aurai dis. Mais,
de toute
façon, on commence toujours en bas de l'échelle.
- Tes paroles me sont
agréables. Mais je ne
puis savoir si ce que tu me fais miroiter est vrai. Et puis, je ne
pense pas que l'on trouve souvent pareils trésors.
- Non, tu as raison. Ils sont
généralement bien mieux. Là,
à part
l'épée, je suis un peu
déçu."
A vrai dire, Menmost n'avait rien de
prévu
une fois le chemin terminé. Ces derniers temps, il avait
surtout
chercher à rentrer au Dresnade. Mais une fois
là-bas...
Sa famille pensait probablement qu'il était mort. Si il
revenait, la nouvelle se diffuserait sans nul doute et il pourrait
être recherché comme déserteur. Voila
pourquoi la proposition d'Arruban était fort tentante.
- Et... Si je prends cette arme,
aurais-je droit à une partie de l'argent ?
- Hum... oui, moins que Gwen et beaucoup
moins que
moi qui n'ai rien gagné c'est sûr, mais tu aura ta
part.
Mais on verra ça une fois l'exploration terminée.
En
attendant, prends-la."
Notre jeune héros se saisi de
l'arme que son
compagnon lui tendait. Ce qu'elle était lourde ! Il
s'écarta un peu, et fit quelques mouvements. A sa grande
surprise, une fois mise en mouvement, la lame semblait voler,
était aussi maniable qu'une dague et à peine plus
lourde.
Elle
semblait trancher l'air, qu'elle parcourait en sifflant doucement. Une
fois lancé, on ne voulait plus s'arrêter, tant la
danse de
l'arme était fascinante, et on n'avait aucun mal
à
imaginer qu'elle traverserait avec une égale
facilité
n'importe quel ennemi sur le chemin. Cette étrange
épée portait en elle des millénaires
d'art de
tuer, et il était impossible d'imaginer combien de
propriétaires elle avait eu, combien de victime elle avait
faite, et Menmost sentit enfin la chance prodigieuse qu'il avait. Quand
il stoppa sa chorégraphie, le poids revint
instantanément. Arruban, qui l'observait, supposa que l'arme
avait envie de se battre.
"Combien de temps est-elle
restée inactive ?
J'ignore comment les brigands l'ont trouvée, mais ils ne
l'ont
certainement jamais touchée, et l'on enfermé dans
ce
coffre. La pire chose que l'on puisse faire à une arme.
- Tu pense que les armes sont vivantes ?
- Vivante c'est un bien grand mot... Je
pencherai
plutôt pour une forme d'âme inerte, comme pour les
roches.
On sent qu'une pierre est vieille, on sent les épreuves
qu'elle
a subie, on sent les courants d'énergie qui la parcourt. Si
tu
vois ce que je veux dire...
- Oui, assez. Mais je pense que
ça ne
s'applique pas simplement aux armes. Dans cette figure, tous les objets
disposent de cette "âme".
- Je pense que ça
dépend du type des
objets. De leur essence plus précisément. Une
arme est
faite pour tuer, et il faut qu'elle tue, tout comme la charrue doit
labourer la terre, et qu'on reconnaît une charrue qui a
déjà servie d'une neuve, et pas
forcément par
l'usure, tout comme...
- Dites-moi les hommes, on se termine la
grotte ou
on reste à discuter philo, comme vous pourrez le faire
autant
que vous voudrez sur la route ?
- Bon d'accord Gwen, qu'est-ce qu'il
nous reste ?"
Il restait la porte du fond, une bonne
porte de bon
bois, qui à première vue ne semblait pas
constituer un
gros problème. Mais évidemment, un
détail vint
compliquer l'affaire. En effet, la porte était
verrouillée, mais ne disposait pas de poignée, et
la
serrure avait été bouchée d'une
substance
quelconque qui avait durci et immobilisé
définitivement
le mécanisme.
"C'est étrange, si ils
avaient voulu bloquer la porte, il suffisait de fermer à
clef.
- Sauf si ils voulaient
empêcher toute
ouverture ultérieure. Il y a peut-être un danger
derrière.
- Oui mais alors ils l'auraient
barré,
l'auraient renforcé d'une manière ou d'une autre
pour
qu'elle ne puisse pas s'ouvrir. Alors que là, il n'y a que
la
serrure à être bloquée.
- Je confirme, aucune trace de magie
dessus, ni derrière sur un rayon de trois mètres.
- Elle est peut-être
bloqué par derrière ?
- Ce serait bizarre. Qui ferait cela ?
Et puis on
verrait de ce côté, ou en regardant le long de
l'ouverture. Et il y aurait toujours la poignée de notre
côté.
- Ou alors c'est simplement un
avertissement. Ils
ont bloqué la porte pour se souvenir de ne jamais y aller.
- Une clef aurait suffit.
- Oui, sauf si ils voulaient que ce soit
définitif.
- Alors on ferait peut-être
mieux de pas ouvrir.
- Oui mais alors on saurait jamais ce
qu'il y a
derrière. Et puis le travail a l'air ancien, si il y un
danger
il est sûrement parti.
- Dis moi, tu dis ça parce
que tu y crois ou c'est pour te rassurer ?
- Un peu des deux.
- Bon, on l'ouvre ou pas ?
- Un volontaire pour la forcer ?
- Je ne suis qu'une faible jeune fille
sans protection...
- Je vais le faire alors.
- ... Mais je veux bien l'ouvrir
à coup de projectiles magiques.
- Bon si tu veux.
- Ce sera pas très discret.
- Enfoncer la porte non plus.
- C'est vrai.
- Vous vous écartez ou vous
voulez vous manger un trait de glace ?"
Ils s'écartèrent
promptement, laissant
la place libre à la sorcière qui
commença son
sort. Elle leva ses mains jointes au dessus de sa rousse chevelure,
avant de les redescendre doucement devant elle, mais alors que ses
mains passaient au niveau de son visage, elle les tendit
brusquement en avant, vers la porte qui ne se doutait pas de son
funeste sort. Dans une détonation, une flèche de
glace
surgit vivement des mains de la magicienne pour venir heurter sa cible
à grande vitesse, laquelle fut instantanément
réduite en lambeaux de bois. Ceux-ci se
répandirent dans
le couloir sombre qui venait d'apparaître derrière
feu la
porte bloquée. Un couloir grossièrement
taillé
dans la roche de la montagne, qui se perdait dans les
ténèbres.
Les trois compagnons
jaugèrent
le conduit peut
engageant qui venait d'apparaître, puis, doucement,
descendirent
en silence dans la pénombre.
Comme
le dit le sage, les plus grandes histoires commencent par un petit
ruisseau, et
c'est
ainsi se clos la première partie des aventures du jeune
Menmost,
dans le suspens, la joie, l'aventure, le bonheur,
l'appréhension, la terreur et l'aventure (rayez les mentions
inutiles).
La suite, soon.
Notes
:
1) Là vous pensez
probablement à des
choses exotiques et coquines, et vous regrettez que la vocation de ce
récit ne soit pas d'en parler. Vous vous trompez, ce
récit parlera de choses exotiques et coquines (enfin,
peut-être...). Par contre, il ne parlera pas de ces
rêves
de soldats, qui dépassent largement du cadre "exotique et
coquin", et pas qu'un peu.
2) Il avait
déjà assez profité comme ça.
3) En l'occurrence, il s'agissait d'une
réflexion sur la comestibilité d'étranges
champignons violacés fluorescents, qui semblaient être la
seule source de nourriture de la zone. Mais finalement, Menmost avait
fini par trouver un buisson de
magnifiques mûres et l'angoissante question ne s'était
plus
posé.
4) Ce qui était
parfaitement vrai.
5) Hemesdauss était
une petite
divinité adorée par les montagnards stupides qui
peuplaient la région. Dans le reste
du monde, c'était un dieu on ne peut plus mineur,
invoqué
lorsque tous les autres dieux ne répondaient pas. Il prenait
la
forme d'un vieillard, drapé dans une toge noire aux motifs
cabalistiques blancs, et déblatérant un flot
permanent de
paroles incompréhensibles pour le commun des mortels. Son
attribut était le Bulot.
6) La lieue Voste est la
principale mesure de
longueur du Vosten et de Dresnade. Elle équivaut
à
864,076 pas Essi, valant chacun 50,6679 pouces Egunian du XXXXIIIeme
siècle. Prosaïquement, elle valait aussi un millier
de pas
Universels, d'un mètres chacun.
7) Tels que "Manuel
Élémentaire de la Magie
Apocalyptique", "Ma Vision du Monde, et comment la partager, par
Kheersr Fléaudivin", "Comment se Faire des Ennemis et le
Plaisir
de les Détruire Ensuite", "Foutre la Merde Autour de Soi en
15 leçons", "Génocide for Dumnies",
"1000 Photos de
Chatons", "Martine au Temple Sacrificiel", et autres classiques.
8) Et oui, l'once ronronne,
comme quoi je raconte pas que des conneries.
9) C'était une
idée à Arruban,
qui s'était bien gardé de préciser
qu'en fait,
cela devait servir à vérifier la
présence de
pièges.
10) Nyhna, Redas et Lh'Issin
sont
trois dieux
majeurs du Sud-Syrnaë. Nyhna est la déesse de la
Fête, de la Guerre et la Justice Immanente, Redas le dieu de
la
Loi, et de la Justice Humaine, tandis que Lh'issin est le dieu des
marchands, du Commerce et des voleurs. Si ils ne sont pas les seuls
dieux, on les cite généralement ensemble, pour
une
raison oubliée, mais sans doute en rapport avec le fait
qu'on
les associe couramment aux chefs des dieux, ce qui en
réalité est totalement faux, mais passons.
11) Oui, je fais durer le
suspens et non, je n'ai pas honte d'utiliser d'aussi vils
procédés.
12) Le Tribunal est le nom
donné à
certains dieux dont l'existence même est sujette à
question, et qui étaient des entités au
rôle
inconnu. Parfois associées aux elfes, ce furent des
êtres d'une puissance formidable qui, dit-on,
vécurent ils
y a des millénaires en Gatarnie. C'est donc un terme assez
peu
connu en Syrnaë, et ceux qui savent évitent
généralement de les évoquer. Pour
jurer par eux,
ils faut donc qu'Arruban ait été
réellement
surpris.