Hag présente :



Les Chroniques d'Elkmär


III : 




I) Où l'on introduit un nouvel élément pour ajouter encore au chaos ambiant

    Il y avait une fort grande chambre, aux murs recouverts de tentures multicolores et pieuses, qui accompagnaient un dallage de marbre plus lisse qu'un miroir. Adossé à un des murs, une armoire de bois rouge ouvragée, et en face, occupant une place certaine, un lit que l'adjectif luxuriant seul parvenait à rendre compte de son style baroque pompeux aux draps et rideaux en damas et soies chatoyantes qui s'entrecroisaient et se recouvraient dans un délire de complexité, à tel point qu'un néophyte n'aurait su trouver dans quel sens s'y aliter sans poser ses pieds sur ce qui tenait lieu d'oreiller. Ce n'était donc pas un néophyte qui en émergeait l'air encore envahi par les douces brumes du sommeil, se levant et ramassant le binocle trainant négligemment sur une discrète table de nuit, avant d'enfiler la robe de cérémonie matinale et de sortir de la pièce par une porte derrière une tenture, sans un bruit sur le dallage luisant.
    L'archiprêtre Benoj, car tel était son nom, pouvait se permettre de vivre au milieu de tant de luxe. Car il n'était autre que le chef spirituel du vaste clergé d'Ulumulu, Dieu dont la réussite était spectaculaire puisque parti de rien voila une cinquantaine d'année, il avait progressivement acquis les parts de marchés de nombreux cultes plus ou moins croulants, lançant OPA sur d'autres cultes plus puissants, si bien que nombre de dévots ignoraient qu'en priant leur dieu habituel un certain pourcentage de ces prières étaient directement reversées au bon Ulumulu, le Dieu de l'Entreprise Courageuse. Et c'était fier de cette réussite que le bon Benoj parcourait un long couloir aux murs recouverts de stucs et de niches abritant les statues exquises de tels et tels héros ou divinités, exécutées avec finesse et matériaux précieux, ainsi que quelques tableaux de grands maîtres. Et Benoj hâtait le pas, car il savait qu'au font de l'interminable couloir se trouvait le lieu saint entre tous, la cantine, où le petit-déjeuner était servi et où, du moins il l'espérait, il restait peut-être encore de la confiture de framboise.
    Mais avant cela, il savait qu'il allait devoir sacrifier quelques précieuses minutes face à la Gran-Carte de la Situation Religieufe en Syrnaë, une vénérable relique provenant du tout premier temple d'Ulumulu. C'était en fait une immense carte de la péninsule Syrnaenne, accrochée on ne sait comment à un mur dans le grand hall qui terminait le couloir et qui permettait d'accèder entre autre à la cantine. Et sur cette carte, magnifiquement détaillée, apparaissaient par magie des points de toutes couleurs, des cercles, des lignes plus ou moins droites, des courbes complexes, des aires de couleurs, quelques tableaux statistiques ainsi que deux-trois vecteurs-vitesse, moults symboles envoutants obscurs aux yeux du profane, mais que ceux de l'archiprêtre lurent sans difficultées. Ici, un temple avait été attaqué. Là, un dieu local gagnait de l'influence, dans telle ville la dîme était en retard, dans une autre Lh'Issin venait de provoquer un miracle, et ainsi de suite.  Bien que nombres de ses semblables considéraient la lecture de la Gran-Carte comme une perte de temps, Benoj la lisait chaque matin, et constatait avec plaisir que chaque matin le culte de son dieu avait grandi un peu plus en pouvoir. Il allait donc s'arracher de son étude cartographique pour répondre à l'appel de son être profond (autrement dit son estomac), quand il remarqua un détail étrange.
    C'était un tout petit point violet, à peine visible au milieu de l'agitation qui parcourait la carte. Mû par un étrange pressentiment, il focalisa dessus sa volonté, faisant apparaitre quelques informations au côté du minuscule symbole. Ce que benoj lu, nul alentour ne le su, mais cela le plongea dans une reflexion profonde qui ne le quitta plus. Non, cela ne pouvait pas être. C'était impossible, trop aberrant pour être vrai. Il allait falloir y remédier, mais comment ? Ces pensées le tourmentèrent le reste de la matinée, et c'est à peine qu'l s'aperçu qu'il ne restait plus que de la confiture d'orange. Après le petit-déjeuner, il se perdit dans les bibliothèques et archives du Temple, et à midi, il avait pris une décision. Cette nouvelle contrariait trop son dieu, il allait agir. Rapidement et sans bavures. Les paladins d'Ulumulu avaient trop longtemps laissé l'espadon au fourreau.


II) Où l'on narre les péripéthies subies par nos joyeux compagnons.

    Ils avaient sans trop de regrets quittés
la grotte et étaient descendus vers la gran-route, en emportant tout ce qu'ils pouvaient, et cheminant assez lentement car ni Anaïn ni Gwen n'avaient de monture. Cette dernière ne manifesta même pas le désir de retourner chez elle, et elle se baladait toujours avec son vaste sac-à-dos et sa sacoche. Une fois revenus sans encombre sur la voie, ils avaient comme prévus pris le chemin de Genurn. Alors que l'on sentait venir la fin des montagnes, et que le chemin prenaient régulièrement de fortes pentes, ils croisèrent quelques réfugiés qui leur apprirent que la ville étaient fermée et que personne ne pouvait fuir, eux avait réussi par miracle.
    Ils finirent par arriver en vue des grises murailles de la cité malade par une soirée humide une dizaine de jour après leur départ, et c'est trempé et de fort mauvaise humeur qu'ils se dissimulèrent dans une attenante forêt, où ils restèrent deux jours, le temps que le voleur ne s'introduise comme prévu dans la ville. Se furent deux jours d'ennui absolu, que le temps ne vint guère égailler, ils ne furent même pas attaqués sinon par un sanglier, aussitôt rôti (ou plutôt carbonisé) par la magos du groupe. Et au bout de deux jours donc, Arruban revint pour confirmer que leur commanditaire avait disparu on ne savait où, qu'il ne remettrai plus jamais les pieds dans cette ville et que d'une manière plus générale, ils feraient mieux de lever immédiatement le camp, car il n'était pas impossible qu'ils fussent repérés, et ce qu'on faisait aux captifs recoupait assez fidèlement les mises en garde de l'elfe. Ils partirent donc sans demander leur reste, vers le Nord, où ils pourraient ratraper la route commerciale franche menant à Urfu, grande cité commerciale naine, où aucun d'entre eux n'était jamais allé, mais dont on disait tant de merveille que ça devait valoir le détour. De plus, chez les nains, ils disposeraient d'un asile quasi-inviolable, et de toutes façons ils ne savaient pas vraiment où aller, à part revenir sur leurs pas vers l'ouest.
    Ils prirent donc la route du Nord, puis comme prévu la route marchande. La ville naine était au plus haut des Monts Forteresse, et la route obliqua bientôt nord-ouest, et tandis qu'ils gagnaient l'altitude, déjà le froid les força à acheter de chaudes fourrure (ainsi qu'un cheval pour l'elfe (1), pour soulager les autres chevaux qui avaient jusqu'à alors souvent deux passagers, plus l'équipement, à trimbaler dans le froid), qu'ils échangèrent contre tout l'équipement ramassé à l'épisode précédent. Ils étaient bien perdant dans le troc, mais ils n'avaient pas trop le choix (sinon celui de finir congelés au détour d'un chemin). Ils acquérirent égallement un peu de matériel indispensable, aussi bien corde que torches, et reprirent leur route.
    Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de leur objectif, de plus en plus de marchands et de caravanes (avec leurs redoutables escortes) cheminaient à leur côtés, rendant le trajet un peu plus agréable et beaucoup plus sûr. La route s'élargissait de jours en jours, et était à présent recouverte d'un pavage de larges blocs de pierre parfaitements égaux, bien qu'usés par le temps et les millions d'appendices à les avoir foulés. Désormais, le froid était mordant, et partout autours d'eux d'étendaient vastes étendues immaculées des neiges éternelles, déchirées par les masses sombres de gigantesques formations rocheuses. Et, presque un mois après leur départ de Génurn, ils croisèrent la première patrouille naine.

    Ils étaient cinq, un chef, deux guerriers, un mage et un arbalétrier, tous en armure coruscante les recouvrant des pieds à la tête, totalement recouverte de motifs élégants gravés dans l'épais métal, et d'où ne dépassait que leur long et fins cheveux sombres, et le bout de leur barbes. Petits, voutés, transportant d'énormes sacs à dos en plus de leurs grandes armes, ils arpentaient vivement le flot des marchands, répondant aux questions, vérifiant les chargements de certaines caravanes, emportant avec eux la moitié de la drogue trouvée, et en consommant parfois une partie sur place, ce qui ne semblait pas les affecter outre mesure. Arruban s'adressa à un des conducteurs de caravanes ayant brievement discuté avec ces singulières personnes.
    "L'ami, savez vous combien reste t'il de jours avant Urfu ?
    - Certes, ce nain à parler d'encore deux jours et deux nuits avant d'arriver au grand hall de la forteresse.
    - Merci. Y-êtes vous déjà venu ?
    - Une seule, il y fort longtemps. C'est un endroit magnifique, où,pour peu que l'on s'y conduise bien, on est très bien accueilli. Vous y croiserez de toutes nationalités et de toutes les races, parfois antagonistes, mais cohabitant sans heurts dans la gigantesque enceinte de la cité. Que venez-vous y faire ?
    - Nous y sommes pour raisons professionnelles.
    - Vous cherchez un travail ?
    - Pas pour l'instant.
    - Très bien. Puisse Lh'issin vous garder.
    - Rukner vous guide."

    C'est ainsi que, quelques heures plus tard, au détour d'un col, ils apperçurent Urfu. Il y avait au centre d'un colossal cirque formé par les montagnes éternelles, baignant au milieu d'une mer de nuages, un sommet à peine moins élevé, mais partout ce sommet était revouvert de constructions, de murs, de contreforts monumentaux, de tours, de places comme de gigantesques balcons, au dessus de la montagne, bâties de pierres beiges jetant des reflets roux tandis que le soleil commençait à disparaitre, et ce fut alors comme si cette montagne étrange s'illuminait, rouge, puis orange mouvant lorsque furent allumées les millions de torches. On aurait dit qu'une race d'insectes déments avaient construit une gigantesque et parfaite fourmilière, destinée à durer jusqu'à la fin des temps. Mais des ouvrages immenses qui la parsemaient, il ne voyaient que de minuscules détails, tant ils étaient loins. Ils avaient faillis oublier qu'il leur restaient deux jours de marche. Ce fut dans une vaste auberge fort avenante construite et tenue par les nains pour accueillir les voyageurs qu'ils passèrent la nuit, chacun tentant de réaliser à quel point la ville qui les attendait pouvaient être grande, au delà-même de tout référenciel en leur possession. A peine réussissaient-ils à faire admettre à leur esprit la possibilité d'une telle chose d'exister. Pout tout dire, ils dormirent plutôt mal.
    Le lendemain, ils se rapprochèrent bien de la ville-montagne, et virent que pour y accéder sans avoir à passer par les vallées qui, situées
 plusieurs milliers de mêtres plus bas, les en séparaient, il avait été aménagé des viaducs, menant directement au coeur d'Urfu. Et sous ces ponts de pierres et de métal, parcourant chacun plusieurs dizaines de kilomètres au dessus du vide, certains piliers, aussi larges qu'un petit village, prenaient directement soutien sur les vallées au dessous, si bien qu'ils se perdaient souvent dans la brume. Quiconque tombait d'un de ces ponts devait chuter pendant plusieurs minutes avant de retrouver le sol. Ils passèrent la journée à s'en rapprocher, découvrant peu à peu la démesure des constructions naines. Le soir, Ils rejoinrent un nouveau relais, placé non loin du départ d'un des viaducs. L'ambiance était aussi chaude que l'air était glacé, et la bière naine coula à flot. La réputation d'hospitalité des nains n'était donc pas une légende, et ceux-ci n'étaient pas les derniers à se joindre aux chants et concours stupides qui sont la marque d'une beuverie réussie (2). Entre deux chopes, Menmost se dit que la bière était décidemment le meilleur moyen de nouer un contact amical.
    C'était aussi un excellent moyen pour mal commencer la journée suivante, mais ils durent à leur tête défendant repartir de bonne heure si il voulaient arriver dans la soirée. Le reste du chemin se fit sans histoire, et ils passèrent toute l'après-midi à traverser un des viaducs. Et alors que le soleil fiinissait son cycle journalier qu'ils franchirent les portes d'acier et de granite d' Urfu.

    J'aurai pu passer des heures à vous décrire les merveilles de la citadelle naine, le gigantisme de ses pièces, la richesse omniprésente, les piliers larges comme des maisons et recouvert de stuc délicat, les immenses panneaux de bois et de métaux finements ouvragés couvrant les murs, la chaleur intense et douce des milliers de torches sur les chandeliers aussi hauts que trois hommes, les nains omniprésents et leurs voix graves, le labyrinthe des salles, les marchants de toutes races et de toutes provenances (il crurent même appercevoir des hommes-serpent), l'ambiance hypnotique saturée de bruits et de couleurs crée par les foules, les marchandises s'étalant partout, des plus vulgaires aux plus précieuses, les étals e bois rares et les étagères de bronze, les rateliers de pierre recouverts des armes faites du meilleur acier ou ornementées de gemmes renvoyant les éclats scintillants de mille torches, ainsi que des centaines de salles qu'ils traversèrent, des plus étroits corridors aux murs lisse comme du verre, au plus gigantesques salles, et leurs foules chamarées se mouvant comme des rivières autour des pilliers si nombreux et épais quel l'on aurait dit les troncs de pierres de quelque forêt immobile, des escaliers momumentaux encadrés de statues et de trophées plus nombreux et délirants qu'il n'était possible d'imaginer, aux halls aux plafonds en voutes compliquées les dominants de plusieurs dizaines de pas, des ponts au dessus de précipices vertignineux et d'escaliers descendants le long de pareils précipices, et ainsi de suite.
    Je me contenterai de dire qu'ils parvinrent, après de longues heures de tours et de détours dans les couloirs sous la montagne, et grâce à un plan d'une trentaine de pages, à une sorte d'hotel, sis opportunnément à proximité des grands axes, et dans lequel ils prirent chambre. Avec le soulagement de ceux qui terminent un long voyage, ils posèrent leurs affaires et s'octroyèrent un repos mérité, tant il est vrai quel les derniers jours n'avaient étés de tout repos, et qu'ici, dans la chaude douceur des entrailles de la terre, ils pouvaient oublier le froid mordant dans lequel ils avaient passés les dernières semaines.
    Leur pension était fort abordable, et comme ils avaient quelques économies ils ne se faisaient guère de soucis côté finance. Ils passèrent en revue leur matériel, pour constater qu'ils ne leur manquaient rien d'important, leurs armes étaient d'excellentes factures, tout comme le reste de leur équipement, et c'est un peu à regrets qu'ils songèrent qu'ils ne pourraient dépenser utilement leur gains dans les renommées réalisations naines. Ils firent néanmoins nettoyer et aiguiser leurs armes. Puis ils se demandèrent ce que diable ils allaient bien pouvoir faire. Leur commanditaire était en fuite, ils n'avaient aucune mission à remplir. Aussi ils se séparèrent, chacun fouinant de son côté, Menmost en compagnie de Gwen, pour lui apprendre le métier, Arruban exerçant seul ses dons de voleurs, ce qui incluait la recherche (et l'obtention, et pour cela l'utilisation de moyens d'une étonnante diversité) d'informations, et Anaïn, arguant que sa qualité d'elfe lui donnait un certain charisme apte à faire parler les gens.


III) Où l'on se transpose avec légèreté et discernement à proximité immédiate d'un campement d'allure austère.

    Austère était bien le mot. Lorsque on imagine un campement, on ne peut la plupart du temps s'empècher de rajouter aux indispensables tentes une touche de joyeuse spontanéité en la présence des restes d'un feu, de quelques caisses ou tonneau égaré hors des refuges de toile, des vêtements séchants paisiblement sur une corde tendue entre deux arbres, ou que sais-je. Mais ici, rien de tout cela. Il y avait une vaste tente carrée, d'aspect martial, et c'était tout. Même pas de feu achevant de se consumer dans la fraicheur du crépuscule. En fait, la tente était si vaste qu'elle avait un coin écurie, mais la majeure partie de l'espace était occupé par une table circulaire, gracée de cercles concentriques, et sur laquelle une magie puissante avait dessinée une carte de la région. Et autour d'icelle, concentrés, se trouvaient quatres hommes et deux femmes, tous en armure de plate immaculée luisant à la lueur des quatres luminaires magiques qui, chacun sis à un coin de la tente, prodiguaient leur eclat.








    Notes

1) Gwen quant à elle, avait décidé de façon aussi triviale qu'originale de chevaucher Spinal, ce qui constituait un moyen de transport comme un autre, si ce n'est que malgré sa petite taille, ses pieds touchaient presque le sol, et que le dos du félin était aussi stable qu'une mer agitée. Mais bon, elle sembla s'y faire, et comme ça arrangeait tout le monde, il n'y eu (presque) aucun commentaires.

2) Sous ses apparences inoffensives, et son gout délicieux, la bière Naine est bien plus redoutable qu'il n'y parait. Déjà, elle était presque deux fois plus forte que la bière ordinaire, ensuite, c'est le seul breuvage capable de saouler les nains. En effet, ceux-ci sont tout simplement immunisés à l'alcool, et l'ébriété est provoquée par l'ajonction au brevage de certaines substances végétales plus ou moins fortes, excellentes pour le délassement spirituel. Ce qui fait qu'à forte dose, tandis que les nains sont simplement ivres (les substances spéciales semblent d'avantage déclencher en eux une réaction semblable à l'ivresse), un humain cumule les "avantages" d'un alcool fort et d'un bon joint.