Hag présente :



Les Chroniques d'Elkmär


II : Caves




I) Où l'on se tient consciencieusement au courant de la situation géopolitique passée

    Nous étions en l'an 6993 après la chute de l'Empire aux Milles Mondes, dont il est dit qu'il régna pendant 2220 ans sur toute l'étendue du monde connu, voir au-delà, sur les terres sauvages, et même outre les plans. Bien que nul ne sache vraiment ce qu'il en était, quelle était sa puissance et comment une telle monstruosité géopolitique ait pu être jetée à terre, tous s'accordaient pour dire qu'il y avait alors un savoir oublié, qui avait donné lieu à quelques rares reliques, dont la beauté et la puissance démente n'avait jamais pu être copiées. Il est dur d'imaginer qu'un tel pouvoir, un tel rayonnement au pu s'éteindre. Pourtant, il y a des éons de cela, il y avait eu une journée un peu moins belle que les autres. Ce fut très discret, presque imperceptible, et les habitants ne ressentirent rien, et poursuivirent leur vie de faste, continuant à se promenant dans les jardins, à vaquer à leur tâches habituelles et obscures dans des bâtiments portant leur voûtes plus haut que les coupoles des plus grandes cathédrales, à voyager par les portes passant outre les barrières naturelles du monde, à respirer l'air doux et à sentir la brise du crépuscule venir réconforter leurs fronts brûlants, admirant le jeune monde depuis leurs terrasses de marbre dans la clarté du soir, avant de se livrer la Lune levée aux rites et jeux débordant de nectar et de luxure. Il y avait eu cette journée, et cette autre après, et ainsi de suite, et ainsi s'était écoulé un temps indistinct, avant que tout ne cesse, que ce fantasme vivant ne retourne à la poussière et l'obscurité qui l'avait vu naître, plongeant le monde dans la nuit. On crut alors qu'était venu la Fin, mais comme toujours, les peuples s'étaient relevés et progressivement la vie avait repris son activité frénétique, même si chacun savait que plus jamais l'on ne vivrait pareil à cette époque à l'orgueil et à la beauté infinis.
    Oui, il était bien difficile depuis les temps troublés de l'âge Temnien d'imaginer ne serait-ce que l'existence de ce temps, qui désormais appartenait aux mythes. Cela n'avait pas pu exister.
    Cela, les trois humains qui venaient de parcourir des heures durant les souterrains infinis et labyrinthique qui couraient sous la montagne n'en doutaient pas. Il n'en avaient jamais douté. Cela n'était qu'une histoire de plus pour endormir les enfants récalcitrant, pour haranguer les troupes avides de gloire ou pour développer d'interminables introductions. Mais en l'espace d'un instant, toutes ces belles convictions avaient été renversées par le spectacle saisissant apparu au détour d'un boyau. Car, éclairé d'une faible lumière bleuté provenant de la voûte rocheuse située plus haut que l'on ne pouvait l'imaginer, il y avait cette gigantesque salle défiant toute loi physique, formant à leur vue une cuvette apte à accueillir une métropole. Et c'était bien une métropole qu'elle abritait, ou du moins cela en avait eu caractéristiques. C'était une ville morte, aux multiples bâtiments effondrés qui possédaient toujours leur décorations magnifiques, une forêt de maçonneries dantesques. Et, du haut d'une corniche, ils observaient. Ici encore on apercevait d'immenses colonnades qui devaient supporter un toit plus grand qu'un stade, là-bas c'était des pans de murs qui délimitait une sorte de palais, par endroit une habitation qui semblait encore intacte, mais dont la riche façade masquait les planchers effondrés. C'était un spectacle de désolation fantastique, des ruines plus belles que les plus riches palais de toutes les villes connues, les restes grandioses d'une civilisation dont la grandeur avait disparue de la mémoire des races inférieures, elfes comme humains (1). Les trois spectateurs restèrent quelques temps à contempler le silence tranquille dans lequel la cité sous la montagne était plongée depuis des millénaires. C'était un spectacle inspirant un respect terrifié, mais aussi une certaine sérénité, par le calme surnaturelle qui y régnait. Toujours sans échanger mot, les trois compagnons descendirent de la corniche par un étroit sentier qui passait entre deux carcasses de maisons pour aboutir dans une rue, au pavage de pierres claires impeccablement conservé, brillant dans la douce clarté tombant d'on ne savait où. Ils marchèrent sur les pavés polis par les pas de milliers d'êtres, voir de millions, avant eux, entourés de ce qui avait été une bruyante et dynamique cité. Ils ne savait pas vraiment ce qu'ils cherchaient en ces lieux lunaires. Ils étaient arrivés ici par hasard, en se perdant dans les grottes qu'ils avaient découvert derrière la porte bloquée. Le jeune guerrier, le voleur et la jeune sorcière se virent arriver à une place qui aurait pu accueillir une cathédrale, mais qui ne disposait pour tout ornement qu'une modeste fontaine, en son centre. Elle était sèche et muette, mais portait d'étranges inscriptions aux formes régulières, peut-être un langage. Ils parlèrent enfin, mais ce fut par murmures, par égard au lieu.
    "C'est incroyable. Si on réussissait à déchiffrer ce message, nous découvririons peut-être l'un des plus vieux secrets de ce monde.
    - Je pourrai le faire. J'ai un sort de lecture universelle.
    - On dit qu'il est des secrets qu'il ne vaudrait mieux pas mettre à jour.
    - Oui. Mais on ne peut le savoir qu'en les apprenant.
    - Je vois. Et toute information potentielle mérite que l'on s'y intéresse n'est-ce pas ?
    - Tu apprends vite.
    - Voila, c'est fait. Ces inscriptions signifient : "En la trois cent quatre-vingtième année de l'ère Nénithe, Moi, Hegamistrès VI, vainqueur de Jarnal, fait graver ces pierres pour la célébration du Dsenren, comme le fit avant moi mon père, et avant lui son père.". Voila. C'est tout.
    - On ne peut pas dire que ça nous aide beaucoup.
    - Si. Il existerait une ville du nom de Jarnal dans la jungle, au pied des montagnes du Bouclier Syrnaen, tout au nord. On dit qu'il s'agit d'une capitale des hommes-serpents.
    - Ça ne nous aide pas beaucoup non plus.
    - Non. C'est vrai.
    - C'est quand même assez triste. Toute cette désolation.
    - C'est ce qu'il adviendra un jour ou l'autre de toutes nos villes."
    Ils restèrent quelques temps perdus dans leurs pensée, tant il et vrai que le lieu invitait à la méditation. Ils décidèrent enfin de s'arrêter sur la place quelques temps, ne serait-ce que pour bivouaquer. Cela faisait en effet bien des heures qu'ils avaient franchi la porte du fond, et durant tout ce temps ils n'avaient cessé de marcher, faisant naître en eux l'inassouvissable Désir, c'est à dire manger. Ils avaient fort heureusement emporté quelques provisions, qu'ils consommèrent avec soulagement, sentant un peu de leur fatigue disparaître. Puis ils firent le point. 
    "Ils nous reste assez de vivres pour environ deux repas. On est allé très loin, avec le plan que j'ai fait on peut sans trop de problème revenir à la caverne des bandits chercher du matériel supplémentaire, parce que là on est un peu en touristes. Si on continue, le risque est de manquer de nourriture, vois simplement de se perdre définitivement.
    - Ce qui ne sera guère difficile.
    - En effet.
    - Il y a donc trois choix : ou bien on continue l'exploration, ou bien on rentre se préparer un peu mieux, ou bien on laisse tomber les souterrains qui doivent s'étendre sur des centaines, voir des milliers de kilomètres, ce qui fait qu'on est pas sorti et qu'on risque d'y passer avant de découvrir un truc plus intéressant que cette ville.
    - J'aimerais d'ailleurs l'explorer quelques temps. A mon avis il y sûrement des trucs particulier à découvrir ou récupérer.
    - On pourra toujours revenir.
    - Bon alors je pense que tout le monde est d'accord pour retourner à la grotte ?
    - Oui.
    - Pareil.
    - Bon alors on ramasse nos affaire et en marche. C'est bon ? Ok on y va.
    - Il y a quand même un truc qui cloche ici, observa Menmost, qui regardait les bâtiments autour de lui.
    - Oh sans blague ?
    - Je veux dire, il n'y a pas l'air d'avoir un seul corps.
    - En effet, oui...
    - Ça veut dire que soit ils ont abandonné la ville, en emportant leur richesses, et donc il ne reste plus rien, soit il y eu une guerre ou un truc de ce genre tous les corps ont étés emportés, et donc que la ville a été fouillée. Dans tous les cas, il reste plus rien.
    - C'est pessimiste mais c'est sûrement vrai.
    - Bah, on verra bien."

    Eh bien non. Ils ne virent pas. Car une surprise les attendait, une de ces surprise fort amusantes, mais seulement pour celui qui les fait. Ah, si ils savaient... Pauvres mortels...
    Mais ne précipitons pas les choses...


II) Go back to the civilization (enfin presque)

    Sur le chemin du retour, ils profitèrent d'une belle salle circulaire où coulait au milieu des stalagmites une paisible cascade pour faire une halte bienvenue, car le soir devait être proche et ils avaient dû marcher à l'aller bien plus qu'ils ne l'imaginaient. Ils mangèrent donc, buvant l'eau pure de la caverne, discutant plus ou moins vivement de sujets futiles histoire de donner un peu d'attrait au fait de manger de la viande froide dans le noir. Menmost en profita pour découvrir que sa nouvelle épée allait dans le fourreau de son ancienne lame (il la transportait auparavant dans son sac, parmi le bazar), icelle aussitôt récupérée par Gwen pour en faire un focalisateur magique. Elle annonça que Spinal était bientôt prêt pour son retour, et pour fêter ça, elle invoqua trois grands bocks de bière, qui fut ma foi fort appréciée de tous. Puis, ils eurent enfin la bonne idée de dormir, en prévision de la journée du lendemain qui n'allait probablement pas être de tout repos.
    Par ce formidable hasard que tout ceux qui ont sont déjà partis à l'aventure connaissent, ils se réveillèrent quasi-simultanément. Menmost, qui n'était guère habitué à l'alcool, se sentait un peu lourd de la tête, mais rien de dramatique. Ils terminèrent leurs provisions, et reprirent le dernier bout du chemin. Ils avalèrent rapidement la distance restante, marchant rapidement dans les ténèbres, avant enfin de se retrouver face à la petite porte du repaire, qui était ouverte. Arruban était persuadé de l'avoir fermé, mais après tout, il pouvait se tromper. Par contre, la lumière assez vive (surtout pour eux qui avaient passé plus d'une dizaine d'heure dans des souterrains) qui en jaillissait n'était pas normale. Elle franchissait la porte pour s'imprimer sur le mur d'en face, dessinant un rectangle irrégulier, dans lequel passait des ombres. Il y avait quelqu'un dans la pièce. Tous trois s'étaient immédiatement tus, et à la suite du voleur, qui connaissait son affaire, se coulèrent le long du mur de la porte, invisibles dans la pénombre. Ils se rapprochèrent encore pour mieux observer l'ombre mouvante. Ils entendirent des pas, provenant une résonance sourde et épisodique, pour marcher si longtemps sans s'arrêter, leur source devait tourner en rond. Ils s'agissait de pas réguliers, humains. Les compagnons, gardant leur position, émirent quantité de gestes plus ou moins significatifs afin de déterminer la marche à suivre. Gwen se proposait d'éliminer le problème, Menmost était plutôt d'avis d'aller voir et d'aviser ensuite, Arruban était d'accord mais voulait y aller seul. Ce fut finalement cette solution qui fut adoptée, à deux voix pour et une "je vous aurais prévenu". Le voleur se dirigea vers le milieu du tunnel, prenant une démarche quelconque très étudiée (il est assez dur de marcher de façon totalement quelconque. C'est généralement le fruit d'un long entraînement), puis franchi l'air de rien le seuil de la porte.

    Arruban sentit l'excitation couler en lui, longeant ses muscles, parcourant ses nerfs et grisant son cortex. C'était la meilleure des drogues, et de loin. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas pu mettre en application ses savoirs de voleur. Toujours des missions bêtes et sans intérêt, amener ceci ici, dire cela à machin, éviter de passer là. Heureusement qu'il y avait ces trop rares instants d'aventures. Peut-être que cette fois-ci serait la bonne. Menmost hésitait encore, c'est normal, mais avait déjà considéré le sujet et n'avait pas dit non, quant à Gwen, non seulement elle avait l'air d'être plus que capable, mais en plus elle paraissait pressée de prendre la route, et malgré son jeune âge, le voleur se demanda si elle n'avait pas déjà couru la campagne. Il sortit rapidement de ses réflexions en arrivant face à la porte d'où sortait la forte luminosité. Il vérifia que sa démarche était assez nonchalante, et qu'elle dissimulait ses savoirs guerriers, glanés un peu partout, au fil des quêtes et des combats. Il fit un geste discret du bassin et sentit que sa rapière était en position, prête à jaillir, tout comme les innombrables dagues, de jet ou non, dissimulées un peu partout sur sa personne. Il prit une figure naïve, faisant glisser les muscles de son visage, le transformant en un benêt méconnaissable, sauf pour un autre voleur, et encore. Il franchit le seuil et vit. Un énorme feu, au centre de la pièce, projetant sa chaude clarté partout dans la salle, faisant naître de chaque objet multitudes d'ombres dansantes, et faisant apparaître toutes les aspérités du sol et des murs, afin de révéler d'éventuelles caches secrètes. Et dans cette ambiance infernale, tournant autour du feu, il y avait un homme, qui avait l'air de s'ennuyer profondément. Il était assez grand, portant une armure de cuir robuste, avec à son côté ce qui ressemblait à un cimeterre. Cet équipement ne ressemblait à aucune tenue réglementaire d'aucune armée qu'Arruban connaissait. Il devait donc s'agir d'une toute autre espèce, c'était un aventurier. Ce qui voulait dire qu'il savait se battre, qu'il n'était pas seul, et qu'il avait peut-être des intentions hostiles. Par contre il était isolé et semblait s'ennuyer, on avait donc le laisser à l'arrière ou pour monter la garde, et qu'il n'était pas un des combattants les plus importants. Néanmoins la prudence s'imposait. Il s'approcha, tandis que l'autre lui tournait le dos. Il hésita un instant à le supprimer rapidement et sans bavure, mais finalement il rejeta cette idée, préférant recueillir d'abord quelques informations. Il fit volontairement du bruit, pour que l'autre l'entende venir et ne le considère donc pas comme une menace sérieuse. Comme prévu, il se retourna vivement, la main sur son arme, et considéra hautement Arruban, qui en profita pour prendre son plus bel air effrayé.
    "Eh vous, qui êtes vous et que faites-vous là ?"
    Il avait une voix assez grave, et avait prononcé ces mots d'un air menaçant très appliqué. Ce n'était sûrement pas la première fois qu'il les disait. Le voleur retint un sourire sadique en pensant que se serait peut-être la dernière.
    "De grâce, ne me faites pas de mal ! Je ne suis qu'un simple voyageur perdu sous la montagne, et votre feu m'a donné espoir.
    - Perdu sous la montagne ? Tu plaisante je suppose ?
    - Hélas non, j'habitais par delà se versant dans un petit village et par curiosité je me suis aventuré dans une grotte. Et depuis de longues heures j'erre en quête d'une sortie. Et vous, qui êtes vous, mon sauveur ?
    - Ça ne te regarde pas, je suis en mission. Tiens mais j'y pense, puisque t'a erré dans les souterrains, t'aurai pas croisé une sorte de grande ville abandonnée quelque part ?"
    Comment était-il au courant ? Mu par une intuition, Arruban sentit que son vis-à-vis n'avait surtout pas à savoir ce secret.
    "Oh que non, je vous le jure. Je n'ai croisé que les ténèbres et des tunnels, toujours des tunnels !
    - Alors je crains que tu ne nous soit pas utile. N'y vois là rien de personnel, j'ai des ordres. Mission secrète vois-tu."
    Tout en parlant, il avait sortit son arme, qui comme le voleur l'avait deviné était un long cimeterre, apparemment en acier. Pour qu'il possède une arme aussi inhabituelle, il devait savoir la manier. L'autre s'approcha. Ça y est, ça allait dégénérer. Arruban tenta un dernier bluff. Il se redressa brusquement, prit un visage sévère et une voix calme, doucereuse, et chargée de menaces.
    "Je te propose un autre marché. Non seulement tu me laisse passer, mais en plus tu me dis qui tu est et ce que viens faire ici, et je te fais grâce de la vie. Réfléchis bien."
    Son adversaire sembla hésiter un instant, mais se reprit, et leva son arme avec un sourire amusé. Comme celui du tigre qui s'aperçoit que le petit tapir fait de la résistance. Mais ce sourire n'était rien à côté de celui de notre héros qui sortit son arme à son tour, comme si le tapir venait de faire apparaître un fusil d'assaut. D'un coup, le tigre en menait moins large (2).

    Une bonne dizaine de mettre derrière, par delà la roche, un guerrier et une magicienne, lesquels suivait la conversation, échangèrent un regard. Au loin, ils entendait les premiers échanges de coups. Alors que la fille aux cheveux rouge allait proposer de se joindre aux réjouissances, ils entendirent la voix inconnue appeler à l'aide. Il ne leur en fallut pas plus, l'heure n'était plus à la discrétion.


III) Où c'est le bordel
    Arruban vit avec un certain soulagement  arriver ses deux compagnons. La résistance de son adversaire le surprenait. Bien qu'il ne doutait pas pouvoir le vaincre, il savait que cela n'allait pas être de première facilité, car l'ennemi pratiquait une technique défensive assez efficace. Il avait appelé à la rescousse, il essayait maintenant de gagner du temps et d'épuiser le voleur qu'il savait être plus fort que lui.
    C'est alors que la  sorcière intervint. Elle avait observée brièvement la situation, puis cherché le sort approprié. Mais à stupeur générale, alors que tous s'attendait à voir surgir quelque rayon destructeur ou quelque malédiction, Gwen brandit haut son symbole divin, avant de hurler d'une voix terrifiante et métallique diverses paroles de toute façon incompréhensibles. Et c'est alors qu'apparut... Spinal. Mais il n'avait plus rien à voir avec la calme panthère qu'ils connaissaient, c'était en vérité une véritable machine à tuer. Il paraissait plus grand, presque autant qu'un lion, son regard restait calme, mais d'un calme sauvage, comme l'océan avant la tempête, tandis qu'à chacun de ses mouvements, on ne pouvait s'empêcher de remarquer les puissants muscles jouant sous sa douce fourrure. C'était toujours une once, mais aussi éloignée de ce celle qu'ils avait connu que le bombardier nucléaire furtif peut l'être du biplan en bois. La mise à jour était impressionnante. En revenant en se monde, il poussa un long miaulement glacé qui sembla pénétrer au plus profond du corps de chacun pour y geler. Puis il planta ses yeux dans ceux du guerrier ennemi, qui s'effondra presque instantanément, se tenant la tête en criant de douleur, avant de se taire brutalement lorsque Arruban, profitant de sa détresse, ne lui offre une décollation bien sentie, provoquant un bruit sec lorsque la tête heurta le sol, suivi du corps qui glissa mollement. Menmost, qui se sentait un peu touriste, remarqua que le vacarme qu'ils faisaient aurait facilement pu couvrir celui d'une explosion dans une fanfare d'hommes-orchestres. Mais, de sa position isolée au fond de la pièce, ce fut lui qui vit arriver par l'escalier les autres menaces. Il avertit immédiatement ses compagnons, et tous trois (plus le chat) se rassemblèrent en face de l'escalier, derrière le feu pour plus de sécurité. Pas moins de trois personnes venait de débarquer dans l'étroite chambre. En tête venait un être gracile, au corps athlétique entouré d'une précieuse armure de métal argenté et poli, lisse comme un miroir et renvoyant quantité de reflets sur les murs sales. Il avait un visage d'apparence fragile mais l'air déterminé, de sous ses longs et fins cheveux noirs pointant deux appendices auriculaires pointus. Un elfe, qui les considérait de ses grands yeux fatigués avec une morgue sans nom. Arruban n'en avait croisé que quelques rares spécimens auparavant, au contraire de Menmost qui en avait simplement entendu parler dans quelque conte, et n'en était que plus stupéfait, mais le voleur connaissait leur valeurs martiales largement au dessus de la moyenne. Celui-ci n'avait pas l'air d'être un faible, il respirait la volonté, l'agilité et le mépris. Autour de lui venait une guerrière, portant une armure de cuir sous un vaste manteau la recouvrant des pieds à la tête, et dont l'ample capuche dissimulait son visage. Elle portait deux poignards sculptés, tandis que le troisième personnage semblait ne disposer d'aucune arme. Il était main nues, partant simplement une longue robe rouge écarlate brodée de symboles d'un jaune lumineux. Un mage, entre deux âges, et qui souriait doucement.
    L'elfe, qui devait être le chef, fit courir son regard le long de la pièce, et ses yeux se posèrent sur le corps décapité. Il eut un soupir de regrets, puis regarda de nouveau nos trois héros, et parla enfin, d'une voix infiniment lasse et hautaine, comme si il énonçait une simple constatation.
    "Vous allez mourir."
    Il sortit alors une épée à deux mains, du même métal luisant que son armure. Sentant l'affrontement inévitable, Menmost, fit de même, et sans un bruit, la lame du Chaos sortit du fourreau. Bizarrement elle était moins lourde qu'auparavant, peut-être sentait-elle le combat à venir. Le grand feu au centre de la pièce créait des reflets déments, comme des langues de feu, parcourant en tout sens la lame ondulée. L'épée semblait prendre vie. Mais le plus surprenant encore fut la réaction de l'elfe, qui fixa le jeune guerrier, l'air stupéfait, ses yeux mêlant surprise et crainte.
    "Par Guenine, la Lame du Chaos ! Où l'avez vous trouvée ? Répondez !
    - Cela n'a guère de chance de te concerner un jour, répliqua Gwen. Nous l'avons trouvé, elle est notre, et tu ne pourra rien y changer. Tu connais le pacte des Lames je suppose ?
    - Certes, répondit l'elfe sans desserrer les dents.
    - Devinerai-je à votre surprise que vous la cherchiez ?
    - Tu devine juste. Elle est la raison de notre présence en ces lieux.
    - Eh bien votre quête est vaine. Laissez nous passer.
    - Non. Cette lame est votre, profitez en bien. Ça ne va pas durer. Selon le pacte des Lames, j'annonce que je désire me l'approprier. Que son possesseur vienne céans m'affronter."
    Menmost sentit avec un grand soulagement son compagnon voleur prendre la parole.
    "Pas question. Nous nous battrons tous.
    - Les forces ne sont pas équilibrées, vous êtes quatre et nous sommes trois.
    - Bien peu me chaut.
    - Vous êtes des lâches.
    - Eh oui.
    - Et vous allez quand même mourir. (3)"
    En une fraction de seconde, l'elfe bondit sur le voleur, immédiatement suivi pat des deux compères. La guerrière se dirigeait vers Gwen, tandis que le mage semblait se concentrer sur Menmost. Celui-ci ignorait comment faire pour contrer un mage, et se dirigea plutôt vers la guerrière, pour aider sa compagne sorcière et espérant que cette proximité découragerait le lanceur de sort ennemi, qui craindrait de blesser sa compagne. Mais tout ne se passa pas exactement comme prévu. La guerrière ennemie fut soudainement renversée par Spinal, qui venait d'effectuer un saut terrifiant. Sous le choc, les deux roulèrent à terre, mais, gênée pas son armure, la combattante ne put se relever assez vite pour éviter que l'agile félin ne la bloque derechef contre le sol et ne tente de la désarmer d'un coup de patte. Elle esquiva le coup et, toujours plaquée par le poids de l'once, tenta de le frapper d'une de ses lames, elle avait perdu l'autre lors du choc. Mais manquant d'espace pour ajuster sa frappe, le coup échoua et son arme tomba au sol, arrachée par son adversaire d'un coup de dents. Elle retenta son attaque, à coup de gantelets cette fois, mais de sa position de supériorité la panthère l'évita. La combattante enchaîna ainsi les coups, et bien qu'aucun ne cause quelque dommage, le rythme soutenu des attaques empêchait l'once de placer un coup décisif sans risquer de se faire blesser. Ils restèrent donc ainsi un certain temps, jusqu'à ce que les gestes de la femme finisse par trahir une certaine fatigue, et le félin profita d'une ouverture pour planter ses yeux verts dans ceux de son ennemie. Ce que la guerrière vit, nul ne le su, mais en un instant elle sembla perdre toute sa vigueur et ses bras détendus s'effondrèrent au côté de son corps inerte.
    Le geste de Spinal avait eu pour effet de laisser Gwen dispo, ce qui fait que le mage ennemi se trouvait désormais face à deux personnages. Mais icelui, à sa grande surprise, vit la fille aux cheveux rouges dire à son compagnon d'aller aider celui qui se battait seul, le laissant seul face à cette petite chose nerveuse, qui le regardait méchamment de ses yeux verts qu'il ne parvenait pas à soutenir. Ils étaient de part et d'autre de l'âtre mugissante, et chacun cherchait le sort approprié. Le magicien eu un bref instant de peur en voyant que l'autre venait de prendre l'initiative. Elle s'était mise à faire jouer des courants d'eaux élémentaire autour d'elle, il les voyait distinctement de ses yeux de mages habitués à percevoir les flux d'énergie. Il reconnu le sort, un bouclier de glace. Immédiatement, la réplique lui vint. Il commença à appeler les puissances telluriques. Un bon éclat d'obsidienne, sa spécialité, qui esquivait les boucliers. Mais quelque chose ne fonctionnait pas correctement chez son adversaire. Au lieu qu'apparaisse des colonnes de glaces entourant le corps, les courants élémentaires ne se concrétisaient pas, restant sous forme énergétique pour former une carapace élémentaire, un sort d'un certain niveau. Mais son projectile était prêt et, faisant brusquement converger les fluides mystiques dans ses mains, naquit un trait d'un noir de jais, qui fendit l'air dans un sifflement. Mais il avait sous-estimé la puissance de la carapace. Alors que le trait l'atteignait, elle se brisa en des milliers de fragments, la plupart se dispersant un peu partout dans la pièce, se fichant dans les murs ou dans les chairs non protégées, mais certains éclats traversèrent le bouclier et vinrent s'incruster dans le vif de la magicienne, qui eu une grimace de douleur. Mais, contrairement à ce qu'il avait espéré, cela ne l'avait pas achevé, et elle se mit à incanter. Elle parlait, c'était donc de la magie divine. Et voila qu'elle brandissait son symbole divin, qui ne ressemblait à rien de connu. Avec rapidité et un peu de précipitation, il invoqua un simple ankh de guérison, petit symbole magique, qui le réduirait la puissance de toute attaque. Il vit que son adversaire avait commencé à léviter sous l'effet de sa prière, ça n'allait plus tarder.  Il eut alors une de ses intuition, comme celles qui avait de nombreuse fois sauvé sa vie. Il lança un simple sort de vol. Il s'éleva d'un cinquantaine de centimètres, avant de constater avec horreur que là où il se trouvait quelques secondes auparavant venait de jaillir une aiguille rocheuse géante, qui désormais montait vers lui, pulvérisant le sol au fur et à mesure de sa remontée. Il parvint à l'esquiver, ce qui aurait été impossible depuis le sol. Son adversaire, toujours lévitante, avait l'air déçue, mais se reprit et, préparation aucune, projeta une salve de glace. Le mage tendis le mains, et injecta sa propre énergie pour repousser les innombrables projectiles, qui furent tous détournés et vinrent entamer le mur derrière lui. Étrangement, la nuée de projectile ne semblait pas vouloir finir, avant qu'il ne se rende compte que la sorcière était toujours bras gauche tendu et paume ouverte, et continuait inlassablement à envoyer son déluge. Sentant ses forces faiblir, le mage ennemi vit avec terreur que sous son corps toujours volant, d'autres aiguilles de pierres apparaissaient et s'apprêtaient à l'empaler. Il était tombé dans le piège. Si il voulait éviter les pointes, il faudrait qu'il cesse sa protection, et finirait déchiqueté par les incessants projectiles. Mais il était trop tard. Une des colonnes rocheuse heurta sa jambe, lui faisant perdre sa concentration. Alors qu'il voyait arriver sur lui à des dizaines de mètres par secondes les innombrables fragments glacés aiguisés comme des rasoirs, il se revit, vingt ans plus tôt, à la guilde de Sukurd, assister au cours d'un vieux mage qui leur apprenait à se méfier des sorts divins, qui étaient long à lancer, demandaient une grande maîtrise de soi, mais avaient des effets à long termes. Toujours des effets à long terme. Toujours.
    Gwen abaissa ses mains, faisant taire les puissances élémentaires. Dans un sourire de satisfaction, elle arrêta sa lévitation, et retomba légèrement sur le sol, faisant naître un petit nuage de poussière. Son adversaire n'était pas beau à voir. Déchiqueté, il était tombé à la renverse sur un des pics de granite de son sort, Prison d'Amtom, du nom du dieu de la Souffrance, qui avait toujours répondu à ses prières. Elle regarda enfin autour d'elle, voir comment la situation avait évoluée. D'un côté, il y avait le corps inerte de la guerrière. Spinal n'était plus là, il avait dû l'endormir. Aucun danger à craindre par là. Mais de l'autre côté, la situation était moins bien engagée. Arruban et Menmost tentaient de percer la garde de l'elfe, qui se battait comme un diable. Son familier était venu les rejoindre, mais même à trois ils semblaient en infériorité numérique par rapport à leur adversaire. Elle passa en revue la liste des sorts qu'elle avait préparés.
    Menmost se réjouit intérieurement de ne pas être en face de l'elfe. Mais même dans son dos, à la recherche d'une opportunité, il avait toutes les peines du monde à éviter les coups vicieux de son adversaire qui tentait de le frapper du pommeau de son épée, d'un coup de pied ou de coude. La panthère essayait de même, en vain. Elle s'était même déjà prise un coup sur le museau, mais cela n'avait pas semblé entamé son ardeur. Mais l'elfe semblait posséder un sens mystérieux le prévenant de n'importe quel coup, et pire, quelque soit sa position, il semblait toujours que se soit la plus appropriée, la plus efficace. En face, Arruban se défendait tant bien que mal. Il esquivait chaque coup, car sa rapière n'étant d'aucune manière apte à parer un coup d'épée à deux main. Mais l'ennemi ne semblai ni se fatiguer, ni commettre d'erreurs. Finalement, était-ce par fatigue, avait-il aperçu une opportunité, toujours est-il que le voleur se fendit et tenta de frapper à l'abdomen, une attaque superbe, rapide et efficace. Malheureusement, l'autre esquiva avec une vivacité surnaturelle et, tout aussi vivement porta un coup terrible, probablement destiné à couper la jambe de l'imprudent. Arruban vit le coup arriver, et parvint au dernier instant à bouger le membre ciblé. Mais il était trop tard, et la lame sifflante entama la cuisse du voleur, lequel ne put retenir un cri avant de s'effondrer, sa jambe ne pouvant plus le soutenir. Voyant ce danger neutralisé, et ne désirant pas s'exposer aux coups en l'achevant, l'elfe se retourna alors  et prit pour cible le jeune guerrier à l'épée tant convoitée.
    Icelui avait un temps baissé sa garde, lorsque le voleur avait été touché. Il avait eut le temps d'apercevoir la rousse sorcière se précipiter vers son compagnon, peut-être pour le soigner. Mais l'adversité vint interrompre ses pensées. Car le bretteur aux oreilles pointues avait fait volte face, et porté un coup de taille, probablement destiné à le couper en deux, que Menmost esquiva en faisant un bond en arrière. Mais à peine venait-il de terminer son mouvement que l'autre porta un nouveau coup fort semblable. Le jeune héros fit un pas en arrière, se retrouva dos au mur, et immédiatement fit un autre pas de côté, vers l'escalier, pour ne pas rester acculé. Mais l'elfe revint à la charge et essaya de toucher la tête. Sa cible fut plus rapide et s'accroupit, sentant le souffle de la lame passer à quelques pouces de son crâne. Mais reculer et s'accroupir simultanément ne fait pas bon ménage, et le jeune guerrier perdit brièvement l'équilibre et tituba un peu, lui faisant un instant perdre le fil du combat. Il reprit rapidement ses esprits, pour constater que l'elfe s'était planté devant lui, profitant de sa détresse, pour lui porter un coup vertical, comme pour le fendre en deux. Menmost savait qu'il n'avait pas le temps pour une nouvelle esquive. Il lui vint une idée bizarre, peut-être un peu désespérée, il ne sut le dire. L'épée du Chaos était dans sa main droite, qu'il envoya brusquement vers la poitrine de son adversaire. Son bras se détendit brusquement, et la lame Millénaire quitta la main de son porteur. Elle fendit l'air sans le moindre bruit, avant d'atteindre sa cible. Menmost savait que la réussite de ce coup était une question de vie ou de mort, aussi avait-il mit toute son énergie dans ce lancer, mais il fut un peu surpris de voir sa lame toucher exactement l'endroit espéré. Mais cette surprise n'était rien à côté de celle de voir l'épée traverser entièrement le corps ennemi, portant pourtant armure, avant de continuer son chemin de manière parfaitement rectiligne, et de frapper contre le mur plusieurs mètres derrière, comme si elle avait été lancée avec la force d'un titan et que l'elfe était de papier. Mais c'est bien un corps de chair et de sang, qui ouvrit des yeux surpris, avant de s'effondrer dans un fracas métallique, qui dans une autre situation, aurait paraître comique. Le tout n'avait pas duré plus de quatre secondes.
    Quelques mètres à côté de lui, la sorcière aux cheveux rouges comme du sang avait blêmi.


IV) Où le combat est fini, et où l'on s'étonne de la perspicacité du titre du chapitre

    Menmost resta quelques temps à contempler le corps perforé, comme incapable de se réaliser ce qui s'était passé. Comment avait-il réussi pareil coup ? Son regard dériva vers le mur en face de lui, au pied duquel reposait la lame du Chaos. Il s'arracha enfin de sa morbide fascination, tâchant d'oublier que c'était la seconde personne qu'il tuait en trois jours. Il arriva au niveau de l'arme, qu'il ramassa pensivement. Elle était bien moins lourde, et sa surface striée de sang n'avait jamais été aussi terrible. Il en émanait comme une certaine satisfaction. Son possesseur soupira, et se dirigea vers le reste du groupe. Gwen le regardait l'air fort étonnée, un sourire plus beau que mille félicitations sur son joli visage. Près d'elle était étendu le voleur, qui semblait dormir, se blessure avait l'air d'avoir disparue. Spinal quand à lui était retourné veiller sur la guerrière toujours inconsciente.
    "Comment va Arruban ?
    - Bien. Mes pouvoirs de prêtresse l'ont guéri, avec l'aide de mon chat aussi. Pour l'instant il fait un somme réparateur, qui devrait bientôt finir.
    - Parfait. Dis-moi, j'ai deux questions à te poser.
    - Vas-y.
    - D'abord, pourquoi n'est-tu pas venue m'aider contre l'elfe ?"
    Gwen paraissait surprise de la question.
    - Eh bien... Quand je suis arrivé, après en avoir fini avec l'autre mage, Arruban s'est tout de suite fait blessé. Je l'ai soigné, ce qui a pris une dizaine de secondes, et quand je me suis retourné, je t'ai vu faire ton lancer. Joli coup d'ailleurs.
    - Merci. C'est étrange, j'aurai juré qu'il s'était écoulé beaucoup plus de temps.
    - Ça doit venir de ta concentration. Où alors de la narration merdique.
    - Possible...
    - Et ta seconde question ?
    - Ah oui, qu'est-ce que le pacte des Lames ?
    - Ça ? C'est le nom pompeux qu'on donne à cette étrange propriété des lames du Chaos, c'est-à-dire de n'obéir qu'à celui qui les a trouvé ou qui les a gagnées au combat. Ce qui fait que pour l'avoir, Monsieur Oreille était obligé de te tuer. Tu n'aurais pas pu les lui donner, ni lui te la voler.
    - Mais... Ça veut dire que je ne pourrai plus jamais la quitter.
    - Oh si... Si cette envie saugrenue te passe par l'esprit, tu pourra toujours l'abandonner dans un lieu un peu mystérieux, qui sied à la lame, c'est à dire partout où il n'y a pas grand monde.
    - Bien, bien. Sinon, puisque tu as vu mon attaque, tu pourrai me dire ce qu'il s'est passé ?
    - Ben tu as lancé l'arme et... elle à traversé le type et tapé contre le mur.
    - Alors je n'ai pas rêvé.
    - Non. C'est assez surprenant je dois dire. C'est même... "
    Elle parut vouloir dire quelque chose, mais se ravisa au dernier moment.
    "Stupéfiant.
    - Il a fait quoi ?"
    C'était Arruban qui, l'air un peu sonné, s'était redressé sur un coude et avait suivi la fin de la conversation. La sorcière, avec un petit sourire, lui montra le trou béant dans le torse de l'elfe gisant dans une flaque de fluides encore chauds. Le voleur se releva pour constater, et ne put retenir un juron d'étonnement.
    "Bouducon !
    - N'est-ce pas.
    - C'est bizarre, on dirait de la magie.
    - Je peux te jurer que je n'y suis pour rien. Il a fait ça tout seul.
    - Un des pouvoirs de sa lame ?
    - Peut-être. C'est vrai qu'elles renferment beaucoup de secrets."
    Le jeune guerrier regarda l'épée du Chaos, encore souillée. Puis, à l'exemple du voleur, qui venait de récupérer sa rapière, l'essuya avec un morceau d'étoffe prélevée sur un corps qui trainait par là.
    L'adrénaline retombant, Gwen sentit revenir la douleur provoquée par les fragments d'Obsidienne du mage ennemi encore fichés dans ses chairs. Elle examina alors avec un certain ennui  sa robe percée en de multiples lieux et couverte de son sang. Elle soupira et sortit une nouvelle fois le symbole de Gwenijëfra, et demanda à sa déesse une guérison sur elle même. Elle sentit avec un certain soulagement la douleur refluer, remplacée par une douce chaleur qui parcouru gentiment son corps, refermant les plaies et chassant les projectiles, qui tombèrent à terre en une pluie de cliquetis secs.
    Restait la guerrière.

    Elle était toujours inanimée, aux pieds du félin. On convint de profiter du fait qu'elle soit encore en vie pour l'interroger. On décida aussi de retourner à la salle principale, tant il est vrai que cette cave, en plus d'être malcommode de par le grand feu au milieu, n'était guère agréable. D'un côté les pointes barrant presque un mur entier, un peu partout du sang, là une tête, et pas moins de trois corps. A ce sujet, ils furent rapidement fouillés, ce qui permit de récupérer l'armure de métal de l'elfe, un cimeterre et une épée à deux mains, ce qui faisait beaucoup à transporter. On mit ensuite tous les cadavres dans le grand feu, entraînant rapidement des crépitements assez dérangeants et une odeur de cochon grillée qui ne l'était pas moins. Ils remontèrent donc sans demander leur reste par l'étroit escalier, amenant avec eux toutes leur récompenses et surtout un être humain auquel, comme ils s'en aperçurent rapidement, ils avaient oubliés d'enlever l'équipement. Ils finirent enfin par déboucher dans la grande pièce circulaire, ce qui n'était pas un mince exploit. Comme ils l'espéraient, elle était vide, et traînèrent leurs fardeaux près du foyer éteint, la guerrière sur une paillasse, avant d'inspecter les lieux. Il y avait, en plus de leurs affaires, qui avaient été déplacées, et probablement fouillées, divers paquetages un peu partout. Après en avoir rapidement fait le tour, ils en trouvèrent six, et supposèrent donc que deux personnes manquaient. La sorcière fit remarquer que si il y avait un guet dans la pièce du bas, c'est probablement que certains s'aventuraient dans les souterrains. Puisqu'ils n'avaient pas le projet de quitter le repère tout de suite, ils bloquèrent la porte d'accès à la cave avec divers débris de meubles forts massifs, pour empêcher ou en tout cas retarder toute mauvaise surprise.
    Enfin en sûreté, ils enlevèrent l'armure de la guerrière, qui semblait en bon cuir, celui qui se revend bien aux marchands pas trop regardants sur l'origine de la marchandise. Ils la mirent de côté, avec celle de l'elfe, d'un métal particulier, résistant et léger, que Gwen se promit d'étudier au calme un peu plus tard. Débarrassée de son manteau et de son armure, ils purent enfin contempler le corps de leur victime. Et, après la Lame du Chaos et la citée Oubliée, ils furent derechef troublés par le destin. Car rien ne les préparaient à découvrir ce qu'ils virent. C'était une elfe, cela, on ne pouvait en douter. Ses oreilles à l'extrémité longue et effilée, perçaient ses longs cheveux noirs épandus sur le matelas souillé, et son visage triangulaire, calme, bien qu'un peu tendu et inanimé, était d'une beauté dérangeante qui n'avait rien d'humaine. Mais le plus fascinant était sa peau, une peau d'un gris bleuté très foncé, comme le ciel illuminé par les étoiles, et d'une teinte toute aussi profonde et pure. Elle semblait avoir mille ans, et être aussi belle qu'au premier jour, comme une perle antique. Ce fut le voleur qui parvint le premier à s'extraire de la contemplation de ce joyau vivant.
    "Une... elfe noire...
    - Ga, soutint Menmost, encore sous le choc.
    La sorcière réussit à émettre une pensée cohérente.
    "Gwenijëfra toute-puissante... Que fait une elfe Supérieure en Syrnaë ?
    - Faudra lui demander aussi.
    - Tiens, elle bouge, fit distraitement remarquer Menmost, rêveur.
    - Oh merde. Faut s'activer là."
    Ils s'activèrent donc, se dépêchant de la ligoter avant qu'elle n'émerge. Il était temps, le corps endormi  recommença à bouger, avant d'émettre ce bref soupir marquant le début du réveil. Ses paupières frémirent, et ses membres bougèrent, comme si elle voulait s'étirer. Lorsqu'elle sentit ses entraves, elle ouvrit immédiatement ses yeux et se tenta vivement de se redresser, comme si elle voulait se mettre en position de combat. Voyant que cela lui était impossible, elle réussi à prendre une position plus ou moins assise et étudia rapidement son environnement, jaugeant les trois compagnons de ses yeux bridés aux iris roux et lumineux, comme deux pierres d'ambre, deux îlots de chaude lumière au milieu de l'obscurité de sa peau. Ce n'est qu'après avoir fait jouer ses articulations pour constater la solidité de ses liens qu'elle poussa un soupir résigné. Arruban sembla se souvenir qu'il était là pour un interrogatoire et prit la voix la plus assurée et autoritaire qu'il put, et éviter de laisser percer l'émotion de contempler un des plus beaux spectacle de ce monde. En sa qualité de voleur professionnel, il y parvint plutôt bien.
    "Parle, qui est-tu ?"
    Elle répondit calmement, elle ne semblait pas impressionnée par sa situation précaire. Sa voix naturellement douce était marquée par ce qui ressemblait à de la lassitude, elle avait un étrange accent chantant, rappelant un dialecte Harrab.
    "Je m'appelle Anaïn. Que voulez vous savoir d'autre ?
    - Ici c'est nous qu'on pose les question, fit remarquer Gwen.
    - C'est comme vous voulez. Je disais ça pour aller plus vite.
    - Que fais-tu ici ?
    - J'appartenais à la compagnie que vous semblez avoir défaite. Nous étions dans ces montagnes à la recherche de la cité de Ghianxon de l'Empire aux Milles Mondes, dans laquelle devait se trouver une Lame du Chaos. Mais vous nous avez précédez et la quête à échouée.
    - Comment connaissez vous cette cité et l'existence de la lame ?
    - C'est notre employeur qui nous a donné les informations lorsqu'on a bêtement accepté de l'aider.
    - Bêtement ?
    - Oui, notre chef, l'autre elfe, était un taré congénital, imbu de ses facultés martiales.
    - Il est mort.
    - Merci. Et donc il a accepté cette mission alors que justement on était en train de fuir le Dresnade.
    - Pourquoi donc ? demanda Menmost, intéressé par tout ce qui avait trait à sa contrée natale.
    L'elfe noire le regarda d'un air plus qu'étonné.
    - Comme ça vous n'êtes pas au courant de la situation au Dresnade ?
    - Certes non.
    - Eh bien ils ont mené guerre contre le Vosten, et se sont fait écrasés sur la Plezeva."
    Une foule de souvenir pas forcement agréable revinrent au jeune déserteur, mais il n'en tint mot.
    "Après ce carnage, le roi Dresnasdien, un certain Tirshec ou quelque chose de ce genre est devenu fou, a déclaré que la défaite venait des militaires et à fait exécuter tous les généraux. Tous les militaires ou ex-militaires sont recherchés et massacrés, et si on est pas militaire, il suffit d'avoir louche. Autant vous dire que les aventuriers fuient massivement la région, et tous sont d'avis que le Dresnade vit ses derniers jours.
    - La situation est la même dans tous le pays ? s'enquit le voleur.
    - Je pense. Nous venions de Genurn, petite ville marchande du nord, où se trouve notre commanditaire. Là-bas aussi l'agitation régnait, c'est pourquoi je ne comprends toujours pas comment ce crétin de chef ait pu accepter une mission aussi insensée."
    Il n'y avait pas besoin d'être physionomiste pour lire la tension qui se peignait sur le visage d'Arruban. Gwen prit le relais et posa la question qui avait l'air de la déranger depuis quelques temps (même si les autres s'en foutaient pas mal).
    "Dis moi, tu es bien une elfe noire représentante d'une race supérieure ?
    - Oui, techniquement.
    - Alors que fait-tu en Syrnaë, continent qui n'est guère connu pour abriter des races supérieures ?
    - C'est sûrement vrai, il n'y a ma connaissance aucun rassemblement elfe noir ici. Mais j'ai ouïs la présence d'hommes serpents.
    - Ils habitent tout au nord, dans la jungle, et ne se mêle pas aux aux inférieurs. Mais ça ne me dis pas ce que tu fais ici.
    - Ça vous intéresse vraiment ?
    - Ben oui pourquoi ?
    - Bon."
    La captive prit l'air fatigué, comme si elle allait raconter pour la millième fois son histoire.
    "Je viens d'un continent que vous ne connaissez pas, au nord de la Gatarnie, par delà la mer. C'est un continent de jungles et de déserts, encore sous le contrôle des races supérieures. Je vivait au sud, dans une cité dont le nom vous serai inconnu. J'étais dans l'armée, comme capitaine d'un navire de guerre qui patrouillait le long de nos côte. Un jour, nous eûmes de bonnes raisons de croire qu'une autre cité voulait nous annexer. Nous, la flotte, avons donc été envoyés en reconnaissance."
    Sa voix aux étranges intonations avait réussie à captiver toute l'assemblée, qui restait à l'écouter pendu à ses paroles.
    "Après une semaine de recherche, nous avons repérés l'armada ennemie qui longeait la Gatarnie pour ne pas se faire repérer, persuadé que nous n'irions pas la chercher tant au sud. Mais alors que nous faisions demi-tour pour prévenir les nôtres, nous nous somme fait attaquer par l'avant-garde ennemie que nous n'avions pas repérée. Nous avons essayé de les semer en longeant les récifs Gatarniens, manoeuvre dans laquelle j'excellais. Malheureusement la tempête s'est levée, probablement provoquée par des mages adverses. Nous fumes donc projetés sur les rochers, mon navire pulvérisé et je me suis retrouvé avec une partie de mon équipage, celle qui avait survécue au naufrage, en plein territoire inconnu. Ce devait être à l'ouest de la Gatarnie, une région désertique. Grâce à notre habitude du désert, nous avons survécu et atteint une oasis tenue par des colons, qui nous indiquèrent la ville la plus proche. Quelques uns de mes compagnons d'infortune choisirent de rester dans cet îlot de calme. En chemin vers la ville indiquée, nous nous sommes fait attaqués par des marchands d'esclaves probablement prévenus par un des colons. Nous étions fatigués, peu nombreux et désarmés, et nous avons tous fini enchaînés. J'ai pour ma part été rachetée pour servir de présent à un quelconque monarque de la région, mais lors de mon transfert j'ai réussie à m'enfuir et à gagner un petit port. Là-bas, j'ai embarqué pour Jdaena, espérant qu'en une telle cité, dont nous connaissions l'existence, c'est dire, je trouverai un moyen de regagner mon foyer. Mais une fois arrivée, seule et sans argent, j'ai connu la misère. Finalement, j'ai réussi à intégrer la garde personnelle d'un riche négociant, du fait de mes capacités martiales mais pas seulement, si vous voyez ce que je veux dire. En sa compagnie j'ai sillonné la région, connaissant quelques années de calme, allant de marchés en marchés, visitant pas mal de places sur l'île, période durant laquelle je réussis à amasser un peu d'argent, ce qui me permit d'acheter mon équipement. Puis nous prîmes la mer et arrivâmes à Sukurd. Alors que nous voulions rejoindre Vost, passant par les montagnes, nous nous sommes fait attaquer par des aventuriers contratés par un marchand rival, qui massacrèrent notre petit groupe. Le chef de ces crétins était l'elfe que vous avez occi. Voyant que je savais me battre, il me fit prisonnière. Je dûs me joindre à leur compagnie et me battre pour eux, l'elfe me surveillant jour et nuit. Je ne réussi pas à m'échapper, je dois d'ailleurs toujours garder les marques de mes échecs. J'ai donc suivis ces imbéciles durant presque une année, avant que vous n'arriviez et débarrassiez le monde de ces abrutis. Et maintenant je me demande où je viens de tomber et qu'est ce qui va m'arriver désormais.
    - Tu as un projet de ton côté ? demanda innocemment le voleur.
    - Retrouver les miens. Enfin, je pense que je ferai mieux d'oublier cette idée. Aucun étranger n'a jamais approché de mon continent, et je ne vois pas comment je pourrai faire pour y retourner. Et vous, que projetez vous ?
    - En quoi ça te regarde ? fit Menmost peut-être un peu vivement.
    - Ça la regarde, expliqua la sorcière, dans le sens qu'elle va nous proposer un marché, n'est-ce pas ?
    - En effet, répondit l'elfe, un petit sourire marquant son fin et sombre visage. Pour aller droit au but, ce serai de rejoindre un temps votre compagnie, avant que ma quête personnelle ne se trouve avancée d'une certaine manière.
    - De notre côté, nous espérions nous rendre à Genurn terminer une quête, reprit le voleur.
    - Ce n'est guère une bonne idée.
    - Oui, apparemment. Mais si ne te dérange pas, on va en discuter entre compagnons.
    - Je comprends.
    - Mais on ne va pas te laisser seule", fit la sorcière.
    Elle se concentra un instant, comme si elle regardait dans sa tête voir si il y avait du monde, et rapidement revint son familier, qui était parti faire un tour dehors. Dès qu'elle vit la bête qui l'avait endormi, la prisonnière se raidit et sembla prise d'angoisse.
    "Vous allez me laisser seule avec... Lui ?
    - Eh oui. Mais ne t'en fais pas, à moins qu'il ne te vienne l'envie de faire une bêtise, il ne te fera aucun mal. Tu peux le regarder sans crainte, son regard ne te causera aucun... trouble, on est pas au combat. Tu peux le gratouiller entre les oreilles si tu veux, il adore ça."
    Tandis que les trois compagnons s'en allaient deviser à l'entrée de la grotte, la panthère s'approcha en ronronnant de l'elfe d'un air sympathique, comme si il voulait la rassurer, avant de se coucher à ses côtés, et de se rouler sur le dos, lui présentant son ventre tout de blanc poilu. Surmontant sa terreur, la prisonnière parvint, en se contorsionnant un peu, à lui gratter le bedon, ce qui apaisa immédiatement ses craintes. La vue de l'animal ronronnant lui fit oublier toute angoisse, comme s'il s'agissait d'un simple chaton allongés sur ses genoux.

    "Bon, pour commencer, qui est d'accord pour accepter cette elfe à nos côtés. Un... deux, et avec moi trois, fort bien, cette affaire est réglée.
    - Elle ne m'a pas parue spécialement traître où je ne sais quoi de mauvais, au contraire, bien que l'on dit les Elfes Noirs retors et calculateurs. De plus Spinal l'a scanné et n'a rien détecté. Pour moi elle est clean.
    - Son histoire semble se tenir...
    - Plutôt bien, et elle à le mérite de répondre à toutes les questions que je me posais.
    - Donc de ce côté tout va bien.
    - Mais de l'autre côté ça va mal j'ai l'impression.
    - En effet. Genurn était la destination de notre voyage et semble être devenu un lieu moins qu'indiqué.
    - D'ailleurs rien ne nous dit qu'avec les évènements survenus le commanditaire ait décidé d'aller voir ailleurs.
    - En plus. Je pensais donc y aller seul, discrètement,...
    - Comme un voleur, fit Gwen avec un sourire.
    - Euh... Oui, exactement. Et donc là-bas je cherche ce qu'il est advenu de notre bon commanditaire, si il existe toujours je m'en vais empocher la récompense et je vous rejoins à l'extérieur de la ville.
    - Et qui ne nous dit pas que tu vas te tirer avec le fric ?
    - Vous n'aurez qu'à garder mon équipement. Je n'ai de toute façon aucun intérêt à vous quitter.
    - Vouivouivoui. Bon pour moi ça marche.
    - Pour moi c'est d'accord aussi.
    - Bon alors tout est réglé, dirait-on. Quelqu'un à t'il quelque chose à ajouter sur un quelconque sujet ?
    - J'ai faim.
    - Je suis fatiguée.
    - Maintenant que vous le dites, c'est vrai qu'il se fait l'heure de manger.
    - Bon alors c'est pas la peine de rester ici. On rentre, en plus il commence à faire froid.


V) Où je m'aperçois que mes chapitres sont de plus en plus longs.

    - Je vois que vous êtes réconciliés.
    - Oui. Ce gros chat est en fait d'une compagnie assez agréable. Dommage qu'il ne fasse pas la conversation.
    - Il la fait, nota la sorcière. Suffit d'être en télépathie avec lui. Comment crois-tu que je communique avec lui ?
    - Je l'ignorai. Je ne connais pas grand chose de vous tout comptes faits, en tout cas moins que vous ne connaissez de moi.
    - Je vois ce que tu veux dire. Alors lui le guerrier avec sa jolie épée c'est Menmost, la sorcière c'est Gwen et moi c'est Arruban, celui-qui-se-débrouille.
    - Je vois. Avez vous statué sur mon sort ?
    - Certes oui, fit la fille aux cheveux rouges reprit avec un méchant sourire. Tu sera rituellement sacrifiée sur l'autel d'obsidienne et de porphyre du temple d'Hyg'fthagn avec le très saint Couteau Abbeuhr en or, jade et ivoire, cela après avoir lentement endurée les trente-trois supplices infernaux de l'infidèle, afin que ton âme par la souffrance purifiée puisse s'extraire de ton corps mutilé pour accéder au Paradis du grand Saint-Hubert où tu sera enduite de beurre par des centaines de houris vierges et serviles.
    - N'étant pas lesbienne, je dois donc admettre que je ne trouve pas ça particulièrement attirant.
    - Dommage. Ça doit être marrant.
    - En fait, reprit Arruban inquiet pour la santé mentale de sa compagne (mais guère plus que d'habitude), on est d'accord pour t'accepter en notre sein.
    - Je prends ça pour une bonne nouvelle.
    - De toute façon c'est ça où le sacrifice."
    Celui-qui-se-débrouille vint détacher leur nouvelle associée, qui se releva et s'étira avec une grimace de satisfaction. Ils purent alors constater combien elle était maigre, sans atteindre le stade de famélique, mais qui surprenait de la part d'une guerrière, que l'on croyait devoir être un minimum musculeuse. Elle s'aperçut de leur surprise et eut la charité de leur donner une explication.
    "Voyez vous, au combat, nous autres des races supérieures, ne combattons point comme vous autres par la force. Nous nous battons avec l'esprit, ce qui ne veut pas dire que nos coups n'en sont pas moins réels. Je vous vois perplexes, vous n'êtes pas les premiers. Vous verrez en temps utile."

    Ils passèrent ensuite comme prévu à l'étude de leur trésor. L'elfe ne parut nullement gênée de piller les possessions de ses anciens compagnons, ce qui était logique compte tenu de ses explications. Après avoir tout vidé et rassemblé près du feu que la Gwen avait rallumée d'une boule de feu mineure, ils se mirent en cercle et passèrent au tri. Ils commencèrent par les armes et armures. Ils restituèrent à Anaïn son armure de cuir et ses deux fines dagues. Elle demanda aussi une petite faux affûtée comme un rasoir, qu'elle appela son kama, une arme traditionnelle elfe noire, et que le chef des bandits lui aurait confisqué. Personne n'en avait usage alors elle put reprendre, avec une certaine satisfaction, son bien. En possession de son équipement, elle se détacha de la conversation pour revêtir son armure, sans laquelle elle était "toute nue"(4), s'harnachant seule et avec la célérité que donne l'habitude, puis accrochant son kama dans son dos et faisant disparaître ses poignards dans d'invisibles fourreaux. L'armure moulait bien ses formes, c'est à dire qu'elle ne moulait pas grand chose, car comme je l'ai déjà signalée, elle n'était point épaisse. On en était alors arrivée à l'armure métallique de l'elfe, et la nouvelle recrue les éclaira quelque peu sur l'étrange matière dont elle était faite.
    "Il en était très fier. Il disait qu'elle était indestructible.
    - Il s'est un peu trompé, fit remarquer Menmost en désignant le large trou laissé par la Lame du Chaos qui la traversait de part en part.
    - Oui. Il disait qu'elle était de Mithril."
    Silence.
    - ..., fit videment Arruban, qui contemplait toujours l'armure.
    - Qu'est-ce qu'on en fait alors ? demanda Anaïn.
    - Je ne suis pas sûre que le trou la rende d'un quelconque intérêt...
    - Il reste toujours les jambières, bottes, spalières, et gantelets.
    - Pas faux.
    - On va faire simple : quelqu'un les veut-il ?
    - Les voleurs n'ont pas besoin d'armure, fit avec regret Arruban.
    - Les mages non plus.
    - J'ai déjà mon armure de cuir.
    - Il reste plus que moi. Mais je ne sais pas porter d'armure, et je ne pourrait pas me battre avec.
    - C'est bien con cette histoire. On a une armure de malade et personne ne la veut.
    - Et Spinal ?
    - Ta gueule. Tiens il est passé où au fait ?
    - Ici, fit l'elfe, qui gratouillait la tête de l'once posée sur ses genoux.
    - Bon. On a qu'à la mettre de côté, on verra bien. A la rigueur, on en tirera un bon prix. Qu'est-ce qu'on a d'autre ?"
    Il y avait l'épée à deux mains du feu propriétaire de l'armure, qui malgré son apparence puissante et précieuse ne trouva pas preneur, personne n'ayant besoin d'un aussi imposant espadon. Pareille situation se reproduisit pour le cimeterre, que personne ne savait manier. Un peu déçus face à ce trésor qui ne leur servait à rien, ils se reservirent des copieuses provisions des bandits et s'en firent un festin, car ils n'avaient toujours rien mangé depuis le combat. Puis, logiquement, ils allèrent s'effondrer sur les paillasses, et s'endormirent sans attendre, dormant ainsi jusqu'au matin suivant, et ainsi passa une nuit sans histoire et globalement inintéressante.

    Oh, peut-être pourrait-on tout juste signaler qu'Anaïn qui, au fond, n'avait pas sommeil (le combat ne l'avait pas vraiment fatiguée) s'en alla prendre l'air en compagnie de Spinal. Tout comme Gwen, qui avait pourtant sommeil, mais qui devait avoir ses raisons. Comme peut-être celle d'aller poser quelques questions à l'elfe, et en effet elles discutèrent assez longtemps à l'extérieur de la grotte, sur les vertes pentes de la montagne éclairées par la froide et brillante lumière d'une lune presque pleine.
    Mais cela intéresse t'il réellement quelqu'un ?






    Notes

1) Afin de clarifier mes propos, je doit m'expliquer sur la façon dont sont organisé les races d'Elkmär. Les hommes, elfes communs, nains communs, gnomes, orques, halfelins, gobelins, etc, forment les races inférieures, qui ont depuis des dizaines de millénaires envahi le monde connu (et ont alors formé l'Empire aux Milles Mondes). Les races supérieures sont celles qui étaient là bien avant elles, avec leurs propres civilisations et cultures, et aujourd'hui retirées, détruites ou discrètes. On y trouve les hommes-serpents, les dragons, certains elfes (notamment les légendaires elfes noirs), certains nains (certains disent tous, bien que ce soit hautement improbable), et diverses autres peuplades plus ou moins connues. Viennent ensuite les races primordiales, qui vécurent principalement au début des temps et aujourd'hui en majorité dégénérées ou disparues, telles les géants, certains anges, sphinx et divers monstres.

2) J'ignore d'où me viens cette comparaison assez particulière. Pour tout dire, j'ignore si les tigres mangent les tapirs, voir même si ils vivent au même endroit.

3) Il était assez obstiné.

4) Ce n'était pas seulement un procédé symbolique, elle ne portait pas en effet de vêtements en dessous.